Theorie de la continuite paleolithique

Theorie de la continuite paleolithique

Théorie de la continuité paléolithique

La Théorie de la continuité paléolithique (PCT) imaginée par le linguiste italien Mario Alinei propose de faire remonter au paléolithique final l'origine des langues indo-européennes et rejette l'hypothèse communément admise d'une invasion par une civilisation plus évoluée venue d'Orient. Elle réfute également la Théorie de la dispersion néolithique (NDT) de Colin Renfrew qui lie l'apparition de l'agriculture à une colonisation indo-européenne pacifique au néolithique.

La théorie de Mario Alinei est vivement controversée dans les milieux universitaires, dans la mesure elle consiste en une remise en question radicale de tout ce qui était considéré comme acquis dans le domaine.

Influencée à lorigine par les travaux de Karl Frederik Meinander sur les langues finno-ougriennes[1], la théorie de la continuité paléolithique propose donc une alternative au modèle invasionniste de diffusion des langues indo-européennes. La démarche de Mario Alinei se décompose en deux étapes :

  1. une réfutation du modèle invasionniste ;
  2. la proposition dune alternative (la théorie de la continuité paléolithique).

Cest cette deuxième étape qui a fait lobjet de vives controverses.

Sommaire

Réfutation du modèle invasionniste indo-européen

Selon le modèle invasionniste couramment admis, un peuple de cavaliers venus de lEst aurait envahi lEurope à lépoque du Chalcolithique et diffusé ainsi sa langue et sa culture. Cette thèse qui remonte notamment aux travaux des néo-grammairiens allemands (Franz Bopp, Wilhelm et Jakob Grimm, fut soutenue notamment par Antoine Meillet et deux de ses plus brillants élèves, Emile Benveniste et Georges Dumézil, puis plus tard par larchéologue lituanienne Marija Gimbutas, qui en demeure aujourdhui lun des principaux partisans.

Larchéologue britannique Colin Renfrew porte le premier un coup au modèle invasionniste[2] en soulignant labsence de preuves archéologiques convaincantes, et en lui reprochant sa circularité logique : les archéologues doivent chercher des traces de cette invasion qui la confirmeraient, alors que, selon lui, cest linverse qui devrait se produire. Parallèlement, un autre archéologue, Jean-Paul Demoule[3], souligne de son côté la compromission idéologique du modèle. Enfin, Mario Alinei estime que ce principe de diffusion linguistique serait, sil était avéré, un cas unique au monde[4].

Cest sur ces prémisses que se fondent les modèles alternatifs de Renfrew (la théorie de la dispersion néolithique) et dAlinei (la théorie de la continuité paléolithique). Dès lors, leurs conclusions divergent assez nettement. Renfrew et Alinei ne furent pas les premiers à sinterroger sur la validité du modèle invasionniste : des archéologues tels que Albert Grenier avaient déjà pris leurs distances avec cette théorie dès les années 1940[5].

La proposition d'une alternative

Mario Alinei expose sa théorie et ses arguments dans le très volumineux ouvrage qui est au cœur de son travail[6]. Il se fonde notamment sur le principe du « lexical self-dating[7] », selon lequel un mot apparaît pour la première fois conjointement à linnovation quil désigne. Cette méthode ne peut concerner que ce quAlinei appelle des « notions datables » (outils, techniques, institutions sociales, etc). Il obtient ainsi un système de « périodisation lexicale[8] ».

Il postule en outre que toute culture (au sens archéologique) est produite originellement par un peuple qui parle une langue donnée, qui imagine donc les mots désignant les innovations liées à cette culture. Selon Alinei, même si une culture est supplantée par une autre (cas fréquent), la culture originale, bien qualtérée, finit par réémerger.

Se fondant donc sur la recherche archéologique, il est possible dobtenir une carte des différentes cultures qui se sont succédé partout à toutes les époques. Ce genre de méthode fut du reste utilisée par le linguiste Gordon Childe au début du XXe siècle. Partant, Alinei suggère quaucune invasion indo-européenne nest nécessaire puisque la différenciation linguistique sest faite à la fin de la glaciation de Würm (-8000), quand lhomo sapiens a progressivement colonisé lEurope qui se libérait des glaces. Dans cette même perspective, les zones montagneuses (Alpes) et le nord de lEurope ont été peuplés plus tardivement, expliquant la progressive différenciation linguistique.

Il appuie donc sa théorie sur les arguments suivants :

  • labsence de traces archéologiques dune invasion, pacifique ou non, et au contraire les preuves dune continuité culturelle ;
  • la corrélation entre lhomogénéité génétique des population et leur homogénéité linguistique ;
  • la très importante implication du patrimoine génétique européen héritée du Paléolithique (80 %) ;
  • la faible cohérence du vocabulaire indo-européen pour le lexique de lagriculture par exemple, ce qui implique que les locuteurs du proto-indo-européen ne la connaissaient pas[9]. Dautres catégories lexicales sont également différenciées[10].

Il réfute enfin la théorie de la dispersion néolithique de Colin Renfrew, considérant que les migrants venus de lest avec lagriculture nont que faiblement contribué au changement linguistique, et nétaient donc pas, selon lui, des Indo-Européens.

Critiques

La principale critique adressée à la théorie d'Alinei concerne la corrélation supposée entre l'homogénéité génétique et l'homogénéité linguistique.

Liens

Notes et références

  1. Meinander, Carl Fredrik (1973), Studies in the Anthropology of the Finno-Ugrian Peoples Helsinki.
  2. Renfrew, C. 1987, Archaeology and Language: The Puzzle of Indo-European Origins, London: Pimlico.
  3. Demoule, J-P. 1999, « Destin et Usages des Indo-Européens » in Mauvais temps, n° 5, juillet 1999, Syllepse.
  4. Alinei, M. 1997, « Toward an Invasionless Model of Indoeuropean Origins : The Continuity Theory » in Papers from the EEA Third Annual Meeting at Ravenna Vol. I Pre-and ProtohistoryEdited by M. Pearce and M. Tosi, BAR International Series 717, pp. 31-33.
  5. Albert Grenier, Les Gaulois, Flammarion, Paris.
  6. Alinei, M. 1996-2000, Origini delle lingue dEuropa, Bologne, éd. Il Mulino, (2 volumes, 2 000 p.).
  7. Albert Grenier, Les Gaulois, Flammarion, Paris.
  8. Alinei, M. 2002, « Towards a Generalized Continuity Model for Uralic and Indoeuropean Languages » in The Roots of Peoples and Languages of Northern Eurasia IV, Oulu 18.8-20.8.2000, edited by Kyösti Julku, Societas Historiae Fenno-Ugricae, Oulu 2002, pp. 9-33.
  9. Villar, F. 1991, Los indoeuropeos y los orígines de Europa : Lenguaje y historia, Gredos, Madrid.
  10. Alinei, M. 2002, « Towards a Generalized Continuity Model for Uralic and Indoeuropean Languages » in The Roots of Peoples and Languages of Northern Eurasia IV, Oulu 18.8-20.8.2000, edited by Kyösti Julku, Societas Historiae Fenno-Ugricae, Oulu 2002, pp. 9-33.
  • Portail des langues Portail des langues
Ce document provient de « Th%C3%A9orie de la continuit%C3%A9 pal%C3%A9olithique ».

Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Theorie de la continuite paleolithique de Wikipédia en français (auteurs)

Игры ⚽ Поможем написать курсовую

Regardez d'autres dictionnaires:

  • Théorie de la Continuité Paléolithique — La Théorie de la continuité paléolithique (PCT) imaginée par le linguiste italien Mario Alinei propose de faire remonter au paléolithique final l origine des langues indo européennes et rejette l hypothèse communément admise d une invasion par… …   Wikipédia en Français

  • Théorie de la continuité paléolithique — La Théorie de la continuité paléolithique (PCT) imaginée par le linguiste italien Mario Alinei propose de faire remonter au paléolithique final l origine des langues indo européennes et rejette l hypothèse communément admise d une invasion par… …   Wikipédia en Français

  • Mario Alinei — Mario Alinei, né en 1926, linguiste italien, professeur émérite de l université d Utrecht, anciennement président de l Atlas Linguarum Europae et fondateur des Quaderni di semantica, est l un des principaux détracteurs avec Colin Renfrew du… …   Wikipédia en Français

  • Proto-Indo-Europeens — Proto indo européens Indo européen Langues indo européennes Albanais | Anatolien Arménien | Balte | Celte Germanique | Grec moderne | Indo iranien Italique | Slave | Tokharien …   Wikipédia en Français

  • Proto-Indo-Européens — Les Proto Indo Européens (PIE) sont, selon la thèse la plus communément admise, un peuple ancien locuteur de l indo européen qui aurait diffusé sa langue, sa culture, ses codes et ses croyances à la quasi totalité des peuples d Europe actuelle… …   Wikipédia en Français

  • Proto-indo-européens — Indo européen Langues indo européennes Albanais | Anatolien Arménien | Balte | Celte Germanique | Grec moderne | Indo iranien Italique | Slave | Tokharien …   Wikipédia en Français

  • Indo-Européen Commun — Pour les articles homonymes, voir Indo européen. Indo européen Langues indo européennes Albanais | Anatolien Arménien | Balte …   Wikipédia en Français

  • Indo-europeen commun — Indo européen commun Pour les articles homonymes, voir Indo européen. Indo européen Langues indo européennes Albanais | Anatolien Arménien | Balte …   Wikipédia en Français

  • Proto-indo-européen — Indo européen commun Pour les articles homonymes, voir Indo européen. Indo européen Langues indo européennes Albanais | Anatolien Arménien | Balte …   Wikipédia en Français

  • Indo-européen commun — Pour les articles homonymes, voir Indo européen. L’indo européen commun, proto indo européen ou seulement indo européen (souvent abrégé en IE), est une langue préhistorique, sans témoignage écrit, supposée être à l origine de toutes les langues… …   Wikipédia en Français

Share the article and excerpts

Direct link
https://fr-academic.com/dic.nsf/frwiki/1626342 Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”