- Technique du tango rioplatense
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Le tango dit rioplatense est une danse de bal qui se danse à deux, au cours des milongas. Il est aujourd'hui de loin le plus pratiqué dans le monde, devant le tango de salon, la précision par le qualificatif rioplatense ou argentin tend donc ainsi à disparaître. (tango de salon, qui, jusqu'au début des années 1990 était, dans l'hémisphère Nord, quasiment le seul pratiqué, voir Opposition entre « tango rioplatense » et « tango de salon »).
Le tango est une danse d'improvisation, au sens où les pas ne sont pas prévu à l'avance pour être répétés séquentiellement, mais où les deux partenaires marchent ensemble vers une direction impromptue à chaque instant, en fonction de la musique, et de l'espace libre sur la piste.
Un partenaire (traditionnellement l'homme) guide le poids du deuxième, lequel suit, en laissant aller naturellement son poids, le corps du premier, sans chercher à deviner les pas.
Il n'existe pas de pas ou séquence conventionnelle qu'il faudrait reproduire, ou apprendre par cœur. Le « pas de base », dit « salida », est enseigné aux débutants car il a des vertus pédagogiques, mais il est rarement pratiqué en bal : un danseur qui guide sa partenaire n'a pas de raison d'effectuer cette séquence particulière, et il apprend à se déplacer sur la piste sans penser aux pas. Les pas ne forment pas des séquences. Chaque danseur danse selon son propre ressenti. Il n'y a pas, et il n'y a pas lieu d'avoir, d'« école » de tango proprement dite. Deux personnes ayant suivi les mêmes cours, pourront avoir des styles très différents. Plus encore que dans les autres danses de bal, l'échange de partenaire est fréquent au cours des milongas. (Pour autant, il n'y a pas de règles, et il arrive souvent que certains danseurs, qu'ils soit mari et femme ou pour d'autres raisons, ne dansent quasiment qu'entre eux au cours d'une soirée)
Sommaire
Techniques de bases
Abrazo
L'abrazo est la manière de se prendre dans les bras. Le court instant de l'abrazo est, pour certains, déjà un moment de danse, où l'on s'approche l'un de l'autre sans se précipiter, moment où l'on s'installe dans une posture adéquate avec la morphologie de l'autre. (posture qui peut donc changer selon la morphologie du partenaire) Epaules relâchées, La main droite du guideur enlace son partenaire, la position de cette main dans le dos changeant souvent selon la posture. De l'autre côté, la poignée de main, bien que tonique, doit rester souple et le plus élastique possible pour pouvoir chercher - recherche pas toujours simple pour le débutant - litteralement, une conscience, une sensation du buste de l'autre. Les coudes sont aussi relâchés et vers le bas. Cette poignée de main n'est en principe jamais plus haute que l'épaule.
Posture
Dans le souci d'éviter que les élèves débutants ne risquent de se faire mal en se marchant sur les pieds, et parfois pour tenter de leur faire intégrer plus vite une sensation de présence vers l'avant, certains professeurs de tango leur demandent de faire reposer le poids de leur corps sur le devant du pied (les métatarses). Mais en réalité, l'appui du pied, même s'il peut varier fortement et être parfois effectivement sur les métatarses lors de postures en pyramide (volcada), il est le plus souvent réparti, chez les danseurs en milonga, sur toute la surface du pied : à la fois, avant du pied et talon, ce qui, en plus, fatigue moins le danseur.
Marche et tours
Le tango est d'abord une marche. On marche principalement sur les temps forts du rythme (les temps 1 et 3 de la mesure à 4 temps du tango; le temps 1 de la mesure à 3 temps de la valse). Lorsque l'on danse un contretemps, la marche s'accélère brièvement (on danse alors sur les temps forts et faibles).
Ensuite, les tours et les rotations d'un danseur par rapport à l'autre, constituent un deuxième élément structurant du tango : la structure du déplacement du partenaire qui suit (traditionnellement la femme) autour du partenaire qui guide, s'articulant de la manière suivante, est une structure de tour : pas avant, pas de côté, pas arrière, pas de côté, pas avant, pas de côté, pas arrière, pas de côté, etc. Dans cette structure, le pas de côté est souvent appelé "ouverture".
Guidage/Connexion
Le partenaire qui guide (traditionnellement l'homme), ne guide pas littéralement avec les bras, ni avec les mains, mais avec le buste, avec le poids du corps. Ce guidage qui semble imperceptible vu de l'extérieur, est en fait infiniment plus clair, pour le partenaire qui suit, que s'il était effectué directement avec les bras. De fait, plus le guidage vient de l'intérieur du corps, plus il est naturel, clair et fonctionnel. (Et un danseur qui a « du mal à guider une partenaire » pour quelque raison, aura parfois tendance à « en rajouter avec les bras ».)
Improvisation
Les pas ou séquences que l'on apprend sont faits pour être oubliés : Ils ne sont pas destinés à être reproduits et juxtaposés, mais à être multipliés, mélangés dans un mouvement qui, plus il est inconscient, meilleur il sera.
Mais l'improvisation n'est pas seulement une question d'inspiration, c'est d'abord une question technique : Lorsque l'on débute le tango, ou que l'on est pas très bien connecté avec sa/son partenaire, on aura tendance à reproduire des séquences de motifs dansés, parfois assez répétitifs. Lorsque la qualité du mouvement et de la connexion s'améliore, on est alors capables de danser des motifs plus divers qui seront de moins en moins répétitifs. À l'extrême, si les danseurs trouvent une connexion ou une fusion idéale, la sensation de l'improvisation pourra parfois être totale[1].
Figures ou pas particuliers
Cette marche improvisée à quatre jambes s'est enrichie au fil du temps
sont apparues ensuite des figures plus complexes, comme les sacadas, boleos[2], barridas, ganchos, colgadas, etc.
Barrida
La barrida est une figure consistant à déplacer avec son pied celui de sa partenaire en le faisant glisser sur le sol. En fait, pour de nombreux danseurs contemporains ce n'est pas le pied de l'homme qui guide littéralement le pied de la femme dans ce mouvement, mais le buste, le déplacement naturel du poids du corps qui fait reculer la femme et son pied avec, le pied de l'homme se déplaçant du même mouvement. Le mouvement inverse se guide aussi: Cela donne l'illusion que la femme déplace à son tour le pied de l'homme.
Ganchos
Accroches réalisées le plus souvent par la femme et le plus souvent sous la conduite de l’homme. Jambes et pieds alignés dans la même direction grâce à l’assise, « la sentada », offerte par l’homme. Celle-ci permet à la femme de passer du face à face parallèle à une position perpendiculaire des torses en s’asseyant sur la jambe de l’homme. Sans laisser partir le corps en arrière. Mouvement vrillé en tire bouchon des corps. Jambe de l’homme « pliée en chaise » et contact de son genou avec celui de la femme pour recevoir le gancho que la femme réalise elle-même intérieur du genou contre intérieur du genou. Alignement contact des trois genoux ! Sortir des ganchos en départ en avant de la femme, pied et buste orientés en tour vers son partenaire !…
Chaussures et vêtements
Il n'existe pas de « chaussures de tango traditionnelles », bien que de nombreux vendeurs de chaussures prétendent le contraire. Dans les années 1940, le tango se dansait avec les chaussures de ville. En partie parce qu'à l'époque les femmes portaient souvent des chaussures à talons, celles-ci sont maintenant synonymes de tango. Si les hauts talons sont pratiques pour les pas en arrières (les femmes marchent souvent en arrière dans le tango), ils le sont moins pour faire de grands pas en avant ou de côté. Ainsi, les danseuses qui ne sont pas particulièrement amatrices de grands pas peuvent choisir parfois des chaussures à talons assez hauts, qui les grandiront, leurs permettant de mieux s'accorder en taille avec leurs partenaires masculins. Alors que les danseuses amatrices de grands pas choisiront plus fréquemment des chaussures à talons plus petits. Chez la plupart des danseuses, baisser la taille des talons permet d'améliorer la fluidité de la marche. Le dilemme entre marche fluide ou grands pas d'une part, augmentation de la taille et facilité de la marche en arrière d'autre part, conditionnera la danse. Certaines danseuses débutantes choisissent des talons hauts pour commencer à danser alors qu'elles ont du mal à marcher avec... Là où certaines danseuses confirmées dansent même avec des chaussons de danse ou « zapatillas de tango[3] ».
Des vêtements permettant les mouvements libres des jambes sont indispensable. Pour les femmes qui portent des jupes, celles-ci devront être assez larges, ou bien fendues. Il est souvent conseillé de porter des vêtements souples et d'éviter les vêtements empêchant les mouvements lâches des jambes, comme les jeans ou pantalons serrés. Culturellement, la tenue n'a pas d'importance particulière, sauf pour quelques rares amateurs européens. (Olivier Manoury, bandonéoniste : « Il reste encore quelques "gominés" qui semblent tout droit sortis d’un film de Gardel, mais je pense qu’il y en a davantage en Europe qu’en Argentine[4]). »
Styles de tango dits « historiques »
Il est impossible de définir avec précision différents styles de tango, car le tango n'a jamais été une danse figée. (sauf peut-être dans ses formes européanisés dans les années 1920, musette ou danse de salon ) C'est une danse par essence très creative ou chaque danseur aura un peu sa propre façon de danser et parfois ses propres pas, Il n'y a donc pas de styles figés et clairement distincts de tango qui auraient chacun leur technique propre et précise, mais plutôt un certain nombre de tendances, historiques ou non, dont la nature et la posture sont plus ou moins définies.
Tango canyengue
Historiquement, le style de tango le plus ancien, de caractère populaire, des bas-quartiers.
Tel qu'il est décrit et dansé aujourd'hui, (mais qui peut être assez diffèrent de ce qu'il a été à la naissance du tango[5]), c'est un tango avec une posture enlacée, le buste de la femme collé sur le flanc de l'homme, la poignée de mains est en bas (au niveau du bassin), les jambes peuvent être très pliées, de manière parfois exagéré[6]. (Voir : Belle démo de tango canyengue illustrant assez bien les origines nègres du tango.)
Tango orillero
Terme apparu dans les années 1920-30. Danse à caractère populaire et faubourien ( que certains opposent au « tango salon » des salons de Buenos Aires, plutôt danse de riches.), Il est la continuation du tango canyengue, c'est un style joyeux et joueur, dont le vocabulaire s'enrichit (sacadas, ganchos, boleos, etc...)
Tango salon
Littéralement, Le tango qui se danse dans les salons de Buenos Aires à l'âge d'or du tango, les années 1940. Style doux et élégant, chaque danseur est sur son axe, mais ils peuvent être proches, ou en posture ouverte (c'est-à-dire, se tenant par les bras, mais sans contact buste à buste ni tète contre tète) En général, les danseurs commencent et finissent proches, et n'ouvrent la posture que pour les pas qui le nécessitent. (A ne pas confondre avec le tango dit « de salon »)
Tango fantasia
Le terme « tango fantasia », assez employé autour des années 1970/80, définit un style plutôt « scénique », en posture ouverte, avec des pas souvent complexes, voire des sauts. Le terme est aujourd'hui peu usité[7],[8].
Le Tango moderne
Depuis la renaissance du tango dans les années 1990, les styles et recherches se confrontent et se mélangent. Deux tendances simples se dégagent - même si elle peuvent bien sûr se mélanger l'une à l'autre au sein d'une même danse - : Le tango « en posture fermée » et le tango « en posture ouverte ».
Certaines expressions perdurent néanmoins, par exemple, certains professeurs ou danseurs d'aujourd'hui se revendiquent du « tango canyengue[9] », ou du « tango salon ». Et le style « tango salon » des années 1940 est toujours pratiqué dans de nombreux lieux historiques à Buenos Aires (Villa Urquiza[10], Sunderland, ...)
Le Tango « en posture fermée » ou « proche »
On appelle aujourd'hui simplement « danser proche » ou « danser en fermé » (ou bien encore « tango serré », en espagnol: « bailar en abrazo cerrado », etc...), le fait que les deux danseurs soient proches, c'est-à-dire qu'en plus des bras, au minimum les têtes se touchent.
Bien que cette proximité puisse rendre les déplacements difficiles pour les complets débutants sans se marcher sur les pieds, celle-ci rend la connexion entre les danseurs, nécessaire au guidage et à l'improvisation, plus facile, plus directe et évidente. Ainsi, quelque que soit leur style, deux danseurs confirmés qui ne se connaissent pas, entameront le plus souvent leurs tango en posture « proche ».
Parfois les danseurs sont enlacés buste contre buste, on parle alors de « tango milonguero » (en tant que style, ce terme est apparu dans les années 1990) ou de « tango apilado ». Les plus célèbres représentants de ce tango enlacé sont Tété Rusconi et Silvia[11], Susana Miller. Ce style simple avec peu de figures est très populaire en Europe.
Le Tango « en posture ouverte »
Alors que jusque dans les années 1980, les danseurs de bal n'ouvraient la posture que par intermittence pour quelques pas au milieu de la danse (tango salon), ou en tout cas n'ouvraient pas fortement la posture, ou bien alors lors de démonstrations (tango fantasia), un tango en posture très ouverte est apparu dans les bals du monde entier, dans un style organique d'abord influencé par les danseurs du groupe de recherche formé autour de Gustavo Naveira à la fin des années 1990. (Gustavo Naveira[12], Pablo Veron[13], Fabian Salas, etc.) En Europe, ces danseurs argentins ont influencé des danseurs européen qui, eux-mêmes, enseignent aujourd'hui à travers toute l'Europe, et parfois au delà.
Certains danseurs européens de retour de Buenos Aires - où ils n'ont dansés que dans les milongas du centre-ville, centre-ville où la plupart des vieux danseurs dansent proche car les pistes sont plus serrées et peuplées - défendent parfois l'idée erronée que le tango de bal authentique se danse seulement en posture fermée.
Par ailleurs, certains danseurs de tango en posture ouverte définissent leurs tango comme moderne en utilisant le terme de tango nuevo. Ce terme, qui prête à confusion, fait parfois référence à un tango incluant des pas utilisant de nombreux contre-poids et des mouvements guidés à l'aide des bras à la manière du swing. Mais le terme est aussi d'origine commerciale (d'abord utilisé par des professeurs de tango sur leurs tracts pour attirer des élèves), il est donc souvent critiqué comme ne voulant pas dire grand chose, n'apportant pas fondamentalement d'éléments nouveaux, et, selon les termes de Pablo Veron, ne peut se prétendre une « méthodologie »[14].
Tantôt, tango ouvert et tango proche ont parfois tendance à être opposés par certains danseurs comme étant l'un, sportif et l'autre, authentique, et tantôt, ils se combinent. Lors d'un interview, le maestro Gustavo Naveira répond ceci :
« Cette discussion qui existe aujourd’hui entre le tango ouvert et le tango fermé est une invention un peu étrange. Lorsque j’ai commencé à danser, je me souviens qu’il y avait des danseurs qui utilisaient différentes formes d’abrazo et l’on ne considérait pas forcement ceux qui dansaient serré (apretado) comme des traditionalistes. Ce n’était pas la seule possibilité, c’était beaucoup plus mélangé. Aujourd’hui on prétend que le tango apretado est le tango traditionnel et que l’autre non. Cette polémique me paraît une invention moderne. » Gustavo Naveira[15]
Et il ajoute, dans un essai, en 2008 :
« Le terme tango nuevo est parfois utilisé en référence à un style de danse, ce qui est une erreur. (...) Aujourd'hui, il est parfaitement clair que la distance dans la danse a une complexité beaucoup plus grande que simplement ouvert ou fermé... » [16]
Citations
« On ne connaît pas le fondement structurel et technique du tango. [...] Un danseur classique peut connaître jusqu’au dernier détail du travail de chacun de ses muscles lorsqu’il exécute tel ou tel mouvement. C’est-à-dire qu’il connaît la structure de son mouvement jusqu’aux plus petits détails. Il n’en est pas ainsi pour le tango. On en est encore à discuter si l’on doit ouvrir l’abrazo, quelle est la bonne distance, quelle est la lecture que l’on doit faire de la technique. Et il y a plus. Il n’y a pas de discussion consistante de quels sont les éléments constitutifs du tango. Dans le fond, on ne sait pas encore ce que l’on est en train de faire » Gustavo Naveira[15].
Notes et références
- Pablo Veron interviewé répondant à la question : Pour vous, qu'est-ce que l'improvisation dans le tango ?
- Vidéo d'un cours montrant la technique des boleos
- Fabio Shoes
- Olivier Manoury: toujours inquiet toujours Tango ! - Interviews - Tango Musique Art et Culture d Argentine
- http://fabrice.hatem.free.fr/index.php?option=com_content&task=view&id=337&Itemid=46] [Canyengue : de quoi parle-t-on ?
- Qu'est-ce que le Canyengue ?
- [1] Démo de tango fantasia :
- [2] Le terme fantasia parfois utilisée pour des représentations, galas... de par son inspiration « scénique ». Plusieurs fédérations de danses de salon dont l'IDO et la FFDJ s'approprient alors le terme fantasia,
- Vidéo: Belle démo de tango canyengue
- YouTube - Origins of Villa Urquiza Style - Finito II
- Vidéo d'une démonstration de Tété et Silvia
- Vidéo de Gustavo Naveira y Giselle Anne à Amsterdam
- Vidéo de Pablo Veron et Victoria vieyra à Gent, Belgique
- http://www.abrazo-tango.org/article-27377199.html Extrait d'un interview de Pablo Veron en décembre 2008 :
- interview de Gustavo Naveira
- Tango, A History of Obsession, Virginia Gift, 2008, ISBN: 1-4392-1462-X (self published, appeared first in 2009)
Liens internes
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