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Synergologie
La synergologie est une discipline du champ de la communication dont l'objet est d'appréhender le fonctionnement de l'esprit humain à partir de la structure du langage corporel. Le terme « synergologie » a été construit avec les racines grecques « syn », « ergon » et « logos », pour traduire l'idée d'un « être ensemble, être actif en situation de discours ».
Sommaire
Historique
Philippe Turchet a proposé le terme de synergologie en France dans les années 1990, après des travaux de recherche doctorale en science politique. La recension des théories existantes l’amène à comprendre que dans le domaine non-verbal, l’objet et la méthode d’observation se trouvent confondus. La phrase suivante en est l'illustration : «lorsque nous faisons de la communication non verbale…»: or, nous ne faisons pas de la communication non verbale. Car, pour utiliser une métaphore, si la science qui étudie les étoiles est l’astronomie, elle ne se confond pas pour autant avec son objet d’étude : les étoiles. Le scientifique fait de l’astronomie, il ne fait pas de l’étoile. Nous ne faisons pas des chiffres, nous faisons des mathématiques… La réalité observée ne peut pas être identifiée dans les mêmes termes que sa méthode d’observation, sous peine d’empêcher toute production de connaissances valides et contrôlables. Pour ce chercheur, issu des sciences sociales, l’absence de clarification des champs sémantiques est la principale raison pour laquelle des critères de scientificité clairs ont tant de difficulté à émerger dans le champ de l’observation non verbale. C’est également la raison pour laquelle des outils propres à observer la réalité non verbale n’ont pas été forgés et que la production conceptuelle dans ce champ scientifique est encore de qualité si inégale. C’est à partir de ces constats qu’est née la synergologie.
La synergologie reconnait l'apport des penseurs de l'École de Palo Alto, Ray Birdwhistell, Edward T. Hall, Gregory Bateson, Paul Watzlawick, mais c'est également en partie en réaction à cette école qu'elle fonde sa théorie. Le mouvement dit de Palo Alto proposait de repérer les contradictions entre langage verbal et langage non verbal. Or la synergologie montre que le langage non verbal est déjà porteur seul de ces contradictions, que le langage non verbal peut être lui-même déjà double. Selon les synergologues, les mensonges par exemple, décodés par vidéo, peuvent être décodés, le son ayant été préalablement coupé, par l'étude du seul langage corporel.
La synergologie introduit dans le champ non verbal de nouveaux concepts à partir de l’observation de réactions corporelles: les microdémangeaisons. Ces micromouvements apparaissent lorsque des non-dits ressentis entrent en contradiction avec les informations exprimées ouvertement. Cette proposition place le mouvement corporel comme un témoin indispensable de l’activité de l’esprit dont il éclaire les contradictions en les traduisant sur le corps. Elle permet à la communication non verbale d’être observée dans un champ sémantique nouveau.
Champ sémantique
En accord avec les théories issues du courant de la « nouvelle communication », la synergologie fait sien le postulat que la communication interpersonnelle est systémique. Dans un échange entre deux personnes il n’y a plus un émetteur et un récepteur, mais bien un espace d'interlocution unique. Le courant de pensée synergologique ne tient pourtant pas à être enfermé dans le credo systémique. Il ne faudrait pas oublier, à côté de la dimension de l’interaction relationnelle, la dimension analytique léguée par l’histoire de chacun et dont les traces corporelles sont patentes. Chacun est porteur d'un patrimoine gestuel individuel.
En synergologie, l’opération intellectuelle qui permet le passage de la lecture des mouvements aux émotions et aux intentions non formulées est rendue possible parce que les instances cognitives, psychoaffectives et neuromotrices, sont liées entre elles. Les mouvements moteurs inconscients apparaissent dans ce contexte comme la traduction d’états émotionnels sur le corps.
Il s’est donc agi d’abord que soit établie, à partir des règles anatomiques, la classification des micro-mouvements corporels. Plusieurs classifications sont nées. Elles rendent compte de la distinction entre :
- Les mouvements ne faisant intervenir qu’un groupe de muscles autocentrés autour d’un organe et ne mettant pas en œuvre d’autres parties du corps. Ces mouvements ont été recensés, classifiés et baptisés microréactions. Ils se dissocient des mouvements que fait la main lorsqu'elle retrouve le visage ou le corps. Ces mouvements sont appelés micro-attitudes.
- Trois types de microattitudes sont décrites. Les microfixations si la main est immobile, les microcaresses si elle caresse subrepticement une partie du visage ou du corps et enfin de microdémangeaisons lorsque les ongles grattent l‘épiderme sans qu'il y ait d'inscription tégumentaire de "boutons".
- Il arrive également que, pour des raisons inconscientes de confort, une main retrouve l’autre main qu’elle presse. Le synergologue parle alors de boucles de rétroaction manuelle, distinguant parmi celles-ci : mains en prise, mains jointes, mains lavées, mains en couteaux, mains en V, mains en berceau.
- Il est encore possible que les mains s’agitent dans l’espace. Ces gestes sont répertoriés comme gestes projectifs, gestes figuratifs, gestes symboliques et gestes d’engramme. Ils différent par leur nature, leur dynamique, leur orientation puis par les configurations de la main lorsqu’elle bouge.
- Mais la communication non verbale gestuelle ne serait pas encore appréhendée dans sa totalité, si n’étaient pas décrits les gestes de préhension. Il s’agit de ces gestes mi-conscients produits par exemple lorsque la main va chercher une branche de lunette ou reste inconsciemment posée sur le pied d’un verre ou accrochée à une paire de clefs, un briquet...
Les items recensés à partir de ces classifications sont regroupés dans une table synergologique. 2852 items principaux traducteurs d’attitudes corporelles différentes et surtout signifiantes, sont recensés. Ces items qui sont des mouvements corporels strictement observés apparaissent au moment ou se produisent des émotions. Une typologie des émotions permet de les recenser strictement. C'est le sixième ordre de classification nécessaire.
Huit groupes émotionnels sont ainsi dégagés. Ils permettent de comprendre si l'émotion dont parle la personne (critère verbal) est de la même nature que celle qu'elle ressent (critère non verbal). Au quotidien la pratique de la synergologie permet de mesurer la cohérence générale d'un locuteur par rapport à son discours; et ce, que ce soit dans sa pratique personnelle ou professionnelle.
La classification de la connaissance
La synergologie est une méthode de lecture du langage non verbal inconscient. Or, le terme d’inconscient permet toutes les dérives puisque par définition, le fonctionnement de l’inconscient est inconscient. La synergologie résout ce problème en l’abordant autrement. Plutôt que de partir d’une théorie de l’inconscient préexistante, elle observe ses manifestations à travers les réactions corporelles observables. Elle se contente sans porter de jugements de valeur, de classer rigoureusement ce qu’elle observe. Pour ce faire, elle dispose d'une classification non verbale. Et c’est par inférence, en repérant des chaînes logiques, c'est-à-dire des mouvements corporels qui sont liés fréquemment les uns aux autres, qu’elle remonte à partir des observations jusqu’à l’inconscient qu’elle préfère appeler non-conscient. Chaque mouvement est classifié en synergologie pour devenir un item (ex.: un clignement dissymétrique de la paupière gauche sera appelé (M_0_R_Y_G_CLIN), et sera aisément retrouvé grâce à la méthode de classement, au milieu de plus des 2851 items qui l’entourent. Chaque "valise" contient un micromouvement corporel unique qui a été repéré et enregistré des centaines de fois. Sur des centaines de personnes venues de cultures, de classes d’âge et de conditions sociales différentes.
Statut des émotions
La synergologie observe les mouvements corporels et en établissant un clivage strictement observable, d'abord entre états émotionnels hypertoniques et états émotionnels hypotoniques, des items liés à la tonicité générale du corps permettant de le comprendre. Elle mesure ensuite si le contexte émotionnel propre à l’échange est positif ou négatif sur le critère du plaisir ou déplaisir, strictement observé par la méthode des items. Elle mesure enfin l’émotion est destinée à être transmise à son interlocuteur (exocentrée) ou gardée pour soi (égocentrée). Là encore des items permettant de le lire.
Un clivage en huit groupes émotionnels repérés par des classes d’items différents est identifié de E1 à E8. Lorsque le climat contextuel et les items non verbaux concordent, l’émotion correspond à un groupe émotionnel facilement identifiable ; mais il arrive cependant que les items non verbaux soient en désaccord avec le climat contextuel de l’émotion. L’émotion sur-jacente lue grâce à la communication verbale (ex : « je suis heureux ! ») ne correspond pas aux items non verbaux repérés. Une émotion sous-jacente traduisant un non-dit est alors présente et étiquetée sans ambiguïté.
Modes de reconnaissance d'une validité scientifique
Les propositions synergologiques sont dites réfutables, pour reprendre la terminologie de Karl Popper. Par exemple, la synergologie prétend qu’un être humain, lorsqu’il se détend et parle chaleureusement à un autre être humain, le regarde avec l’œil gauche et ce, quelle que soit que la qualité de la vue de son œil gauche, et même s'il est borgne... Il suffirait qu’un pourcentage significatif d’individus regarde chaleureusement leurs interlocuteurs avec l’œil droit pour que la proposition soit réfutée. Cela n’est pas avéré. Philippe Turchet le démontre. Le résultat de ces expériences est consultable.
Pourtant, des chercheurs en communication, comme Yves Winkin (introducteur du mouvement de la nouvelle communication en France) ou Pascal Lardellier (qui dénonce les "gourous de la communication"), ont pris des positions très fermes à l'encontre de la synergologie. La synergologie désireuse de voir ses postulats reconnus dans le champ scientifique pense avoir trouvé la solution qui permettra de délimiter les balises du champ scientifique dans ce domaine . Une procédure de test. Si le langage corporel est un langage à part entière, comme le dit la discipline synergologique, cela veut dire qu'il est possible de décoder ses messages. Or une épreuve permet de le démontrer formellement : la reconnaissance du mensonge. En demandant dans un cadre expérimental à des personnes de participer à une expérience dans laquelle elles fabriqueraient un mensonge filmé ou non et en demandant ensuite à des spécialistes de désigner les menteurs sur des critères uniquement non verbaux, le son n’étant pas enregistré, il sera possible de voir : 1.dans quel pourcentage le mensonge sera reconnu, 2.et par qui . Pour ce faire la synergologie a entrepris une démarche de réunion d'une instance scientifique indépendante proposant à tous les universitaires et indépendants "spécialistes" du non verbal ou de la "nouvelle communication" de passer cette épreuve au côté de synergologues. Ce sera là l'occasion de désigner parmi les chercheurs travaillant dans des structures institutionnalisées, les véritables spécialistes. A terme, ces propositions devraient être le préalable à la mise en œuvre d’une autorité et d’une formation universitaire susceptible de "labelliser" de véritables spécialistes. Il va sans dire que cette démarche relayée auprès du grand public, pourrait ainsi le voir protégé des dérives des discours outranciers présents dans la littérature populaire, d'abord, mais pas uniquement. Ou pour répondre une formule chère à Pierre Bourdieu « « Un champ scientifique est un univers autonome où, pour s'affronter les uns les autres, les chercheurs doivent abandonner toutes les armes non scientifiques, à commencer par les armes de l'autorité universitaire. »
Enfin (voir la discussion autour de cette page), Il existe aujourd'hui sur le marché un seul ouvrage synergologique à jour : Le langage universel du corps (Turchet.P. Ed de l'Homme, 2009) et une Revue faisant l'écho des recherches synergologiques. La Revue de synergologie, 1, Juil 2009) La synergologie a fait l’objet d’un dépôt de marque à l'Office de la propriété intellectuelle du Canada par Philippe Turchet le 20 janvier 2006 afin que les connaissances synergologiques puissent être dans une certaine mesure protégées, et à terme le langage corporel enseigné selon un protocole précis, comme cette démarche avait été faite en France en 1995Notes et références
Voir aussi
Site externe
Bibliographie
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