- Société postindustrielle
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Le postindustrialisme est un courant intellectuel apparenté à la sociologie occidentale et apparu au début années 1970. Ses chefs de file ont été Daniel Bell aux États-Unis et Alain Touraine en France. Une polémique est apparue entre les deux auteurs sur la question de la paternité du concept de société postindustrielle. Les deux sociologues, tout en étant en profond désaccord sur de nombreux points, ont néanmoins forgé un concept sociologique ayant influencé la pensée de leur époque.
La société postindustrielle a pour principale caractéristique (chez les deux auteurs) la subordination des éléments matériels (matières premières et machines) à des éléments immatériels (connaissance et information) dans l’organisation sociétale. En ce sens, ce modèle est postindustriel en ce qu’il dépasse jusqu’à son renversement le paradigme de la société industrielle, reposant elle sur le matériel.
Bell croit voir une preuve empirique de cette vision dans l’augmentation exponentielle de l’emploi dans le secteur des services. Il divise ainsi selon une ligne du temps les paradigmes sociétaux en fonction du secteur d’activités dominant :
Bornes chronologiques Secteur occupant la majorité des individus Type de société Avant 1850 primaire pré-industrielle 1870 - 1960 secondaire industrielle À partir de 1965 tertiaire postindustrielle (Bell, 1976 : 151-158)
Pour l’Américain, la société postindustrielle confirmera le dépassement des nécessités matérielles et permettra à l’homme de se consacrer pleinement aux développements des connaissances .
Alain Touraine perçoit, lui, la société postindustrielle comme une menace sur la citoyenneté et même la démocratie dans la mesure où les facteurs d’intégration essentiels, la connaissance et l’information, deviendraient l’apanage d’une minorité de spécialistes. Il rejoint dans cette perspective la critique de la technocratie développée par J.K. Galbraith.
Dans un autre registre, le philosophe Matthew Crawford (en), dans son ouvrage intitulé Éloge du carburateur, dénonce le consensus en faveur des emplois de l'économie du savoir, sensés incarner l’avènement inéluctable et souhaitable d'une société post-industrielle. En effet, ceux ci sont selon lui peu stimulant intellectuellement et s'avèrent de plus dépourvus de véritable autonomie pour les salariés, dans la mesure ou la finalité du travail accompli est déterminée en amont par les décideurs. Les emplois liés à cette "nouvelle économie" n'engendrent nullement à ses yeux la fin de l'aliénation des salariés, et contribuent plutôt à exacerber celle ci. En revanche, le "philosophe ouvrier" fait dans son essai l'apologie du travail manuel qualifié de type artisanal, qu'il expérimente lui-même en réparant des motos. Il estime que par rapport aux emplois en col blanc, ce type d 'activité professionnelle procure plus de gratifications psychologiques ou symboliques et aussi qu'il sollicite plus les capacités de jugement de l'individu, contrairement aux idées préconçues. Ainsi, les travailleurs manuels qualifiés de type artisanal sont en effet plus maitres de leur travail et perçoivent mieux sa finalité ou son aboutissement que des chargés de communication ou des conseillers en gestion par exemple, postes emblématiques de "l'économie post-industrielle" . L'auteur considère également que les savoirs faire concrets requis par les métiers manuels ainsi que leur proximité vis à vis des consommateurs, les rendent moins vulnérables aux délocalisations que les emplois de bureau . Ces constats l'amènent donc à nuancer l'hypothèse d'un déclin inéluctable du travail ouvrier et à infirmer le postulat d'une hégémonie incontournable de l'économie post-industrielle,ainsi que l'idée selon laquelle celle ci constituerait un progrès social et culturel .
Le concept de société postindustrielle a refait (timidement) surface en partie grâce à l’hommage que lui rend Manuel Castells dans son célèbre essai « L’Ere de l’Information », redonnant aux travaux de Bell et Touraine la place importante qui est la leur dans l’analyse de la société en réseaux.
Articles connexes
- Economie post-industrielle
- Société industrielle
- Société de consommation
- Société de l'information
- NTIC
- société moderne
- société postmoderne
- Daniel Bell
- Alain Touraine
Bibliographie
- Bell, D., Vers la société post-industrielle, traduction de Pierre Andler, Robert Laffont, Paris, 1976
- Touraine, A., La société post-industrielle. Naissance d’une société, Denoël, Paris, 1969
- Castells, M., La société en réseaux. L’ère de l’information, Fayard, Paris, 1996
- Daniel Cohen, Trois leçons sur la société post-industrielle, Seuil, Paris, 2006
- Michel Saloff-Coste, Le management du troisième millénaire, Guy Trédaniel,2005
Catégories :- Société post-industrielle
- Sociologie économique
- Pensée postmoderne en France
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