Siège de Tuyên Quang

Siège de Tuyên Quang

Le siège de Tuyen Quang au Tonkin est une opération militaire durant laquelle 2 compagnies du 1er bataillon du 2e régiment étranger de la Légion étrangère commandées par le chef de bataillon Marc-Edmond Dominé, officier des troupes de marine, furent assiégées par les Pavillons noirs du 23 novembre 1884 au 28 février 1885.

Sommaire

La citadelle en 1884

Erigée en Moyenne Région, une vieille forteresse chinoise, couronne un mamelon aux pentes raides. Elle est située sur la rive droite de la rivière Claire, à 50 km au-dessus de son confluent avec le Fleuve Rouge. Elle domine un village de caïn has, d’une centaine d’habitants. Surplombée de toutes parts par des hauteurs couvertes de jungle, elle est composée d’une vieille enceinte de forme carrée, construite de pierres sèches, de 3 m de hauts, de 270 m de côté. Sur chaque face, sauf au Nord, une demi tour, faisant flanquement, est rehaussée d’un mirador. Au centre, s’élève un énorme mamelon de 70 m de haut, bordés de magasins à riz et de quelques masures. Le sommet du mamelon forme un plateau où se trouvent des constructions en pierre. On y arrive par un escalier droit comprenant 193 marches, sur le côté sud. Une seule porte à l’Est, le long de la rivière Claire, qui longe la citadelle sur 25 m, communique avec le fleuve et par un chemin couvert, avec les pagodes fortifiées du cantonnement d’une compagnie tonkinoise. Une redoute, dont la position est très désavantageuse pour les défenseurs, est entourée de collines parfois très proches. Cette position occupée par des assaillants rend la citadelle exposée à un feu extrêmement meurtrier.

Résistance 1884 – 1885

Dès le 24 novembre 1884, d’importantes forces chinoises renforcées de Pavillons noirs, évaluées à 10 000 combattants, sont rassemblées à moins de 10 km de la citadelle sous les ordres de Luu Vinh Phuoc. Selon le règlement de l'époque, l’état de siège est déclaré et il commence.

Sous les ordres du chef de bataillon Marc-Edmond Dominé se trouvent deux compagnies de Légion, soit 390 hommes dont 8 officiers, commandés par le capitaine Cattelain, une compagnie de tirailleurs tonkinois de 162 hommes commandés par deux officiers, une section de 31 artilleurs de marine avec deux canons de 80 mm, deux de « 4 » de montagne, deux mitrailleuses Hotchkiss, le sergent Bobillot et 7 sapeurs du génie, un médecin, un pasteur protestant, 3 infirmiers, 3 boulangers, monsieur Gauthier de Rougemont, un civil préposé aux vivres et les marins de la canonnière La Mitrailleuse, soit 598 hommes.

Avec 1 500 coups de canon, 250 000 cartouches d’infanterie, 4 mois de vivres et 75 outils de terrassement, le commandant organise le siège et chaque jour il effectue des reconnaissances à quelques kilomètres de la place. Le 3 décembre 1884, un convoi de 38 bœufs est amené par la canonnière l’Éclair. Le 4 , 50 pirates s’approchent à moins de 2 km de la redoute. Le 7 décembre 1884, une compagnie de 30 tirailleurs tonkinois bouscule 700 Chinois à 5 km au sud-ouest près du village de Dong Yen.

Le chef de la citadelle fait fortifier les emplacements de combat avec des matériaux récupérés dans une vielle pagode en ruine. Les sapeurs renforcent le blockhaus en cinq jours. Cet ouvrage est tenu par un sergent et douze hommes, relevés toutes les 24 heures. Un chemin de 1 500 m est construit pour monter au mamelon. Une reconnaissance est chargée d’évaluer les forces ennemies.

La 1re compagnie de Légion, renforcée d’une pièce de « 4 » à 30 coups, de 40 tirailleurs tonkinois, pousse jusqu’à Dong Yen à 4 km de sa base. Elle tombe sur les fortins chinois, enlève un petit poste et une tranchée mais les violents accrochages permettent aux contingents d’Y La et de Yen de cerner la colonne. Le commandant Dominé, prévoyant la manœuvre, envoie des renforts pour assurer une ligne de retraite. Aucune sortie ne peut être programmée à l’exception de patrouilles légères, dans un proche périmètre la garnison est employée à construire des protections : casemates, chemins couvert. De décembre 1884 à janvier 1885, les forces chinoises se font plus entreprenantes. Patrouilles, embuscades, attaques contre le blockhaus resserrent le cercle du siège. La capture d’un soldat chinois permet de connaître les forces en présence : 3 200 Chinois, dont 2 000 Pavillons noirs et 1 200 réguliers du Kouang Si, campent à Phu Yen Binh et à Phu Doan ; 5 000 réguliers du Yunnan et 1 000 Pavillons noirs sont à Yen Bay.

Les hostilités sérieuses débutent le 26 janvier 1885. Un vacarme infernal mêlant tam-tams, gongs, trompettes et fusillade se fait entendre. La ligne de défense des tirailleurs tonkinois est attaquée ; le village annamite est incendié ; les habitants se réfugient dans la citadelle. Une attaque pied à pied se prépare. Un millier de Chinois se lancent à l’assaut de la citadelle, mais sont stoppés par les feux croisés de la canonnière et de la garnison. Les 18 légionnaires du blockhaus, sous les ordres du sergent Lebon, repoussent l’assaut.

Pendant plus de 30 jours, c’est un bombardement continu. Seule une accalmie quotidienne, vers 10 h, trouble le vacarme de la bataille. C’est l’heure où les chinois se restaurent du tiou-tiou et fument la pipe d’opium. Les Français en profitent également pour avaler rapidement leur soupe, qui se compose d’endaubade en ragoût, en boulettes, aux oignons. Le menu est peu varié.

Les Chinois se rapprochent jour après jour et le 28 janvier 1885, il n’est plus qu’à 100 m du blockhaus. L’ouvrage est cependant évacué le 30 et occupé presque aussitôt par les Pavillons noirs. Fort de ce point d’appui, l'attaque chinoise redouble. Les Pavillons noirs s'établissent sur la rive gauche du fleuve, les tirs chinois redoublent d’intensité et leurs effets deviennent plus meurtriers. La discipline de feu de la citadelle est parfaitement contrôlée. La plus grande partie des munitions brûlées l’est par 25 légionnaires, parmi les meilleurs, placés en tireurs de position sur le mamelon. Un Suisse, le légionnaire Sarback, tue plus de 20 Chinois avant de recevoir une balle au front qui le met hors de combat[réf. nécessaire].

Le 30 janvier 1885, la tête de sape des Chinois coupe la ligne de communication avec la citadelle. Le blockhaus est alors évacué. Le 6 février 1885, les Chinois s’approchent à 5 m du mur masqué par des fascines et plante un drapeau. Le lieutenant Gœury de la 1re compagnie de Légion s’en empare au moyen d’une corde à nœud coulant, comme un lasso.

Le 8 février 1885, La garnison a perdu 6 tués et 22 blessés. Le légionnaire Wunderli est tué le premier au combat de Yoc, d’une balle dans la tête. Le 12 novembre les Chinois commencent à creuser des galeries de sape. Les défenseurs creusent des contre-galeries. C’est la guerre de siège. Le 11 février 1885, les mineurs chinois et français sont face à face. La mine chinoise est inondée au moyen de seaux d’eau préparés. Le 12 février 1885, la première sape explose ; les chinois s’élancent dans un assaut aussitôt brisé. Le 13, le saillant sud-ouest de la citadelle saute. Le capitaine Moulinay commandant la 2e compagnie de Légion, couvre la brèche de ses armes. Le bilan français est lourd : 5 tués et une dizaine de blessés. Le légionnaire Schelbaum est précipité en dehors du rempart, mort, défiguré par l’explosion. Il est récupéré audacieusement par le caporal Beulin et quatre hommes de la 2e compagnie. Ce dernier est nommé sergent sur le champ. Plus tard, il recevra la Légion d’honneur.

Le chef de bataillon Dominé ordonne la construction d’une citadelle plus petite, à l’intérieur de la citadelle, car les Chinois creusent sept galeries et pensent faire sauter 150 m de murs. Le travail a lieu pendant la nuit. Des trous sont creusés pour mettre à l’abri les munitions qui ne sont plus en sûreté à la poudrière. Le 16 février 1885, le sergent Beulin sort avec 20 légionnaires pour neutraliser un trou pratiqué par l’ennemi. Quatre légionnaires sont tués et un autre blessé.

Le 17 février 1885, le capitaine Dia, commandant les Tonkinois est tué. Le 18 février 1885, le sergent Bobillot est blessé en faisant une ronde sur la brèche. Il décèdera un mois plus tard. Le 22 février 1885, les Chinois font exploser une mine sous les saillants ouest et sortent des tranchées. Le capitaine Moulinay à la tête d’une demi section et d’un groupe de sapeur contre-attaque. Il est tué ainsi que 12 de ses hommes. Le sous-lieutenant Vincent et 25 hommes sont blessés.

Le chef de bataillon Dominé, à la tête de d’une section de la 2e compagnie fait sonner la charge et repousse les Chinois. Le 24 février 1885, ceux-ci se précipitent sur les brèches. Le sergent-major Husband, le sergent Thévenet et leurs légionnaires refoulent à la baïonnette les assaillants, qui laissent deux grands drapeaux. Le 25 février 1885, l’ennemi désespérant de prendre pied dans les brèches, laisse 40 morts avec leurs armes.

La colonne de renfort

Un courrier annamite apporte une dépêche annonçant la venue d’une colonne de renfort, la promotion au grade de capitaine du lieutenant Naert, de la nomination au grade de sous-lieutenant du sergent-major Camps.

Le 28 février 1885, une septième mine ouvre une brèche où s’engouffrent les colonnes d’assaut qui se heurtent aux baïonnettes des légionnaires pendant 3 h. Au matin les Chinois battent en retraite. Le 2 mars la colonne de secours, avec à sa tête le général Brière de l’Isle et commandée par le colonel Giovaninelli, accroche les Chinois, à Hoa Moc, à 8 km de la citadelle. Cette colonne perd 400 hommes dont 34 officiers.

Le matin du 3, jour où la garnison est débloquée par les renforts de la colonne de secours, en tête de laquelle marchent les deux autres compagnies du 1er bataillon, commandées par le capitaine Frauger. Pendant la bataille, le légionnaire Streiber reçoit la dernière balle mortelle, en s’interposant entre des Chinois retranchés et le capitaine de Borelli.

L’Histoire garde en mémoire les noms du capitaine Moulinay, tué à la tête de la 1e compagnie, du capitaine Cattelin qui s’empare de deux drapeaux, du caporal Beulin qui, sous le feu ennemi, ramène les corps des légionnaires Schelbaum et Streibler. La garnison est réduite à 420 hommes. 48 hommes sont morts, et il y a 216 blessés; 8 mourront de leurs blessures dont Bobillot blessé le 18 février et qui mourra 1 mois plus tard à l’hôpital de Hanoi. Parmi ces pertes, 32 légionnaires morts au combat, ainsi que 126 blessés dont tous les officiers.

Effectifs pendant le siège

  • 1re et 2e compagnies de la Légion : 1er bataillon du 2e régiment étranger commandées respectivement par les capitaines Moulinay et de Borelli eux-mêmes sous le commandement du capitaine adjudant major Cattelin soit 8 officiers et 380 légionnaires
  • 1 compagnie de tirailleurs tonkinois soit 2 officiers et 160 tirailleurs
  • 1 section d’artillerie soit 1 officier et 31 artilleurs
  • 1 escouade du Génie, commandant : sergent Bobillot, 7 sapeurs
  • 3 infirmiers et 3 civils
  • l’équipage de la canonnière « La Mitrailleuse », soit 13 hommes sous le commandement de l’enseigne de vaisseau Senez.

Soit au total 611 hommes.

De leur côté les forces chinoises sont constituées d'environ 25 000 hommes, dont de nombreux pavillons noirs, élite d'alors.

Sources

  • Cne Camps « Le siège de Tuyên Quan » Imp. Militaire V. Freschars 1902 – Histoire de l’Indochine La conquête 1624 1885 par Philippe Héduy Ed SPL.
  • Rapports divers - Centre de documentation de la Légion étrangère

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