- Singularité en analyse complexe
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En analyse complexe à une variable, une singularité d'une fonction f est un point z au voisinage épointé duquel la fonction f est définie et holomorphe. Autrement dit, on dispose d'une fonction f d'une variable complexe régulière (= holomorphe) définie sur un ouvert U du plan complexe C ; une singularité de f est un point isolé du bord de U. Le premier paragraphe clarifie la définition.
Les singularités se classent en trois types : singularités effaçables, pôles, et singularités essentielles.
Sommaire
Définition détaillée
Une fonction holomorphe est une fonction f d'une variable complexe, définie et dérivable sur un ouvert U. Une telle fonction est développable en série entière au voisinage de chaque point de U : ce premier résultat révèle la rigidité qui caractérise l'analyse complexe. Il peut être intéressant de s'intéresser au comportement de f sur le bord de U.
Une singularité de f est un point isolé du bord de U. Étudier les singularités d'une fonction holomorphe, c'est étudier le comportement de f en les points isolés du bord de U.
Un voisinage épointé de Z est un voisinage de Z privé de Z. Cette définition permet de caractériser les points isolés du bord:
- Un nombre complexe Z est un point isolé du bord de U si et seulement si U est un voisinage épointé de Z.
On peut donc redéfinir les singularités de f comme les nombres complexes au voisinage épointé desquels f définit une fonction holomorphe. Pour des raisons pratiques et calculatoires, de nombreux auteurs se placent directement sur un "disque épointé".
Un disque épointé D en Z est un disque centré en Z privé du point Z. Autrement dit, D est l'ensemble des nombres complexes z tels que 0<|z-Z|<r où r est le rayon du disque épointé. Bien sûr, un disque épointé est un cas particulier de voisinage épointé.
Classification
Singularité effaçable
Une singularité Z d'une fonction holomorphe f est dite effaçable si f se prolonge au voisinage de Z en une fonction holomorphe. Autrement dit, on peut « effacer » la singularité Z, l'oublier, et penser f comme une fonction holomorphe définie au voisinage de Z.
Théorème de prolongement de Riemann — Les conditions suivantes sont équivalentes :
- La singularité Z de f est effaçable.
- f possède un prolongement continu en Z.
- Il existe un voisinage épointé de Z sur lequel f est bornée.
- .
DémonstrationLes implications 1⇒2⇒3⇒4 étant immédiates, démontrons 4⇒1. On peut supposer Z = 0 et se placer sur le disque épointé D' de centre 0 et de rayon r. On considère donc une fonction f holomorphe sur D' et on suppose que . On définit une fonction auxiliaire g, sur le disque D de centre 0 et de rayon r, par :. D'après les hypothèses, g est holomorphe sur D' et g'(0) = 0. Par conséquent, g est développable en série entière au voisinage de 0 :et les deux premiers coefficients sont a0 = g(0) = 0 et a1 = g'(0) = 0.
La série entièrequi a même rayon de convergence que la précédente, est alors un prolongement holomorphe de f au voisinage de 0.
Exemple : 0 est une singularité effaçable de la fonction ℂ*→ℂ, z↦(sin z)/z.
Pôle
La singularité Z est appelée un pôle de f si :
- la singularité est non effaçable et
- pour n entier suffisamment grand, la fonction se prolonge en une fonction holomorphe en Z.
Le plus petit entier n possible est appelé l'ordre du pôle Z. Il est donc strictement positif et caractérisé, d'après le théorème précédent, par le fait que quand z tend vers Z, (z − Z)nf(z) tend vers une limite finie non nulle.
- Une singularité Z de f est un pôle si et seulement si f tend vers l'infini en Z.
Démonstration- Sens direct
Notons N l'ordre du pôle Z de f. Alors quand z tend vers Z, (z − Z)Nf(z) tend vers une limite finie non nulle a et f(z) équivaut à (z − Z) − Na, qui tend vers l'infini.
- Sens réciproque
Comme f tend vers l'infini en Z, elle ne s'annule pas au voisinage de Z, donc la fonction 1 / f est bien définie – et holomorphe – dans un voisinage épointé de Z. De plus, 1 / f se prolonge par continuité en Z (par la valeur 0). D'après le théorème précédent, ce prolongement g est holomorphe au voisinage de Z. Notons N l'ordre de Z comme zéro de la fonction holomorphe g. Quand z tend vers Z, (z − Z) − Ng(z) tend vers une limite finie non nulle, donc son inverse, (z − Z)Nf(z), également. Par conséquent, Z est un pôle d'ordre N de f.
Les fractions rationnelles sont des exemples typiques de fonctions présentant des pôles. On peut aussi citer les célèbres fonctions gamma d'Euler et zêta de Riemann qui présentent toutes les deux des pôles.
Singularité essentielle
La singularité Z est essentielle dans tous les autres cas. Le comportement de f au voisinage épointé de Z est dans ce cas très compliqué. En particulier, on peut citer le théorème de Weierstrass-Casorati et les deux théorèmes de Picard.
Exemple classique : 0 est une singularité essentielle de la fonction ℂ*→ℂ, z↦exp(1/z).
Série de Laurent
Article détaillé : série de Laurent.Si f est une fonction holomorphe sur un disque épointé D de centre a et de rayon r, il existe une unique suite de complexes telle que sur D:
, où la série converge normalement sur tout compact du disque épointé D.
On peut lire la nature de la singularité sur la suite des coefficients an d'indice strictement négatif:
Relation série de Laurent/singularité Nature de la singularité Information sur les coefficients de la série de Laurent Singularité effaçable Les coefficients an sont nuls pour les indices n<0 Pôle d'ordre k Les coefficients an sont nuls pour les indices n<-k et a-k ≠ 0 Singularité essentielle Il existe une infinité d'indices négatifs n pour lesquels an est non nul
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