- Shawinigan Water and Power Company
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La Shawinigan Water and Power Company[1] était la plus importante entreprise de production, de transport et de distribution d'électricité à être acquise par Hydro-Québec lors de la seconde phase de la nationalisation de l'électricité de 1962-1963 au Québec.
Sommaire
Historique
Origines
Fondée en janvier 1898[2] par un consortium d'hommes d'affaires bostonnais et montréalais, la Shawinigan Water and Power Company a joué un rôle important dans le développement industriel de la Mauricie durant toute la première moitié du XXe siècle. La compagnie demande son incorporation à la législature du Québec à l'automne 1897[3].
L'affaire s'organise dans le cabinet de l'avocat montréalais J. N. Greenshields[4]. Le brasseur bostonais John Joyce détient la concession hydraulique, acquise pour 50 000 CAD du gouvernement du Québec, à un endroit stratégique sur la rivière Saint-Maurice. La concession est située à une quarantaine de kilomètres en amont de Trois-Rivières. Les conditions y sont idéales pour construire une centrale hydroélectrique. Joyce cède sa concession à la compagnie naissante pour 100 000 $ en espèces et 59 000 actions d'une valeur nominale de 100 $ chacune[5], alors que les autres partenaires, les Bostonnais John Edward Aldred et H. H. Melville et les Montréalais Beaumont Shepperd et J. N. Greenshields obtiennent chacun dix actions. Se joignent à eux trois autres hommes d'affaires canadiens : le magnat du coton A. F. Gault, Thomas McDougall de la Quebec Bank et le sénateur Louis-Joseph Forget[6].
Âgé de 34 ans, J. E. Aldred devient implicitement le patron de l'entreprise[7]. La stratégie de la Shawinigan vise trois objectifs : solliciter des entreprises intéressées à s'établir près d'une source d'électricité ; tenter d'acheter les terres autour de la concession hydraulique ; et enfin revendre ces terres aux entreprises intéressées tout en faisant patienter le gouvernement provincial, qui avait lié la concession hydrauliques à une série d'échéances. En 1899, il négocie l'achat de 229 hectares (565 acres) de terres, le domaine de John Forman, pour la somme de 110 000 CAD[8], convainc le gouvernement de patienter et recrute un manufacturier d'aluminium, la Pittsburgh Reduction Company et sa filiale Northern Aluminium Company, qui deviendra l'Alcan en 1925, de s'installer sur le site en développement. Un second contrat, avec les fondateurs de la future Union Carbide est conclu durant la même période.
Les conditions sont réunies pour permettre la construction d'une première centrale hydroélectrique. La centrale et la ville qui doit être construite sont nommées Shawinigan Falls. La construction commence dès 1899 et la nouvelle localité est reliée rapidement au réseau de chemin de fer de la Great Northern Railway Co of Canada (connue en français comme la compagnie de chemin de fer du Grand Nord). Les livraisons d'électricité et de puissance hydraulique débutent en 1901 et les finances de l'entreprise s'améliorent rapidement.
Le marché montréalais
Pendant ce temps, la Shawinigan envisage de transporter son électricité jusqu'à Montréal, où la concurrence est vive entre différents fournisseurs. En mars 1902, l'entreprise s'engage à approvisionner la Lachine Hydraulic and Land Company, une société concurrente de la Montreal Light, Heat and Power (MLH&P) dans le marché montréalais. La décision déplaît fortement et le sénateur Forget, membre des conseils d'administration de la MLH&P et de la SW&P doit faire un choix. Il quitte la Shawinigan[9].
Une ligne de transport est construite et la SW&P est en mesure de livrer une puissance de 6 000 hp (4475 kW) à son poste d'arrivée situé dans la cité de Maisonneuve (aujourd'hui l'arrondissement montréalais de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve). La Shawinigan est rapidement débordée par la demande et doit construire une seconde ligne dès 1904[9].
Pendant ce temps, la MLH&P rachète la totalité des actions de la Lachine Hydraulic et la Shawinigan devient un important fournisseur d'électricité de l'entreprise montréalaise. Les rapports entre les deux sociétés se modifient radicalement au cours de cette période. Entre 1904 et 1910, les ventes de la Shawinigan à sa rivale passent de 6 000 à 23 000 hp (17 150 kW) et les actifs de la compagnie passent de 10 à 20 millions de dollars[9].
Compromis avec la MLH&P
Ce changement de situation donne lieu à une trève entre les deux grands acteurs du secteur électrique qui prend une forme concrète en janvier 1909, alors que la Shawinigan emménage dans l'édifice de la MLH&P. Quelques mois plus tard, J. E. Aldred, qui a reçu les pleins pouvoirs de son conseil d'administration achète deux blocs de 5000 actions de son ancienne rivale en 1909 et 1910, un geste imité par la direction de la MLH&P, qui investit à son tour dans la Shawinigan. Les deux entreprises s'échangent aussi des administrateurs, Aldred devenant membre du conseil de la MLH&P et Herbert Samuel Holt prenant place à la table de la Shawinigan[10].
En 1911, Aldred s'entoure d'une équipe de direction formée de spécialistes, qui assurent une grande stabilité à l'entreprise : Thomas McDougall, vice-président, Howard Murray, trésorier, W.S. Hart, secrétaire, et Julian Cleveland Smith, un ingénieur surnommé « l'ingénieur du Saint-Maurice »[7].
La Shawinigan se taille rapidement une place de choix parmi les grands joueurs de l'électricité en rachetant des concurrents dans la région.
Lorsque l'amélioration des modes de transmission du courant le lui permit, elle put se développer et vendre l'électricité à d’autres villes du Québec. La Shawinigan Water and Power Company est rapidement devenue le plus important fournisseur d’électricité au Canada.
Nationalisation
En 1963, lors de la nationalisation de l'électricité au Québec, elle fut achetée par Hydro-Québec.
Notes et références
- Parfois appelée familièrement « la Shawinigan ».
- Loi constitutive de la compagnie: 61 Vict. chap. 90, 1898
- Avis public daté du 28 octobre 1897 et publié dans le journal Le Trifluvien le 2 novembre 1897
- Le cabinet Greenshields & Greenshields
- Claude Bellavance, Shawinigan Water and Power (1898-1963) : Formation et déclin d'un groupe industriel au Québec, Montréal, Boréal, 1994, 43 p. (ISBN 2-89052-586-4)
- Quelques autres hommes d'affaires montréalais avaient signé la demande d'incorporation mais ne participèrent pas à la compagnie.
- Claude Bellavance, « Patronat et entreprise au XXe siècle : l’exemple mauricien », dans Revue d'histoire de l'Amérique française, vol. 38, no 2, 1984, p. 190 [texte intégral]
- John Forman avait lui-même fait l'acquisition de ces terres en 1886 pour 10 000 dollars (Fabien LaRochelle, Histoires de Shawinigan, 1988, p. 30).
- Bellavance (1994), op. cit., pp. 51-53
- Bellavance (1994), op. cit., pp. 53-55
Voir aussi
Bibliographie
- Claude Bellavance, Shawinigan Water and Power (1898-1963) : Formation et déclin d'un groupe industriel au Québec, Montréal, Boréal, 1994, 446 p. (ISBN 2-89052-586-4)
- André Bolduc, Clarence Hogue et Daniel Larouche, Québec : l'héritage d'un siècle d'électricité, Montréal, Libre Expression/Forces, 1989 [détail de l’édition]
- (en) John H. Dales, Hydroelectricity and Industrial Development Quebec 1898-1940, Cambridge, MA, Harvard University Press, 1957, 265 p.
- Jean Louis Fleury, Les coureurs de lignes : L'histoire du transport de l'électricité au Québec, Montréal, Stanké, 1999, 507 p. (ISBN 2-7604-0552-4)
- Jean Louis Fleury, Les porteurs de lumières : L'histoire de la distribution de l'électricité au Québec, Québec, Éditions MultiMondes, 2004, 491 p. (ISBN 2-89544-058-1)
- André Lemelin, Shawinigan, un siècle d'énergie, 2001, 126 p. (ISBN 2921912651)
- Carol Jobin, Les enjeux économiques de la nationalisation de l'électricité (1962-1963), Montréal, Éditions coopératives Albert Saint-Martin, 1978, 205 p.
- Jacques Lacoursière, Shawinigan, 100 ans d'histoire : De l'effervescence au renouveau, Éditions des Glanures, 2001, 326 p. (ISBN 2-920764-34-9)
Articles connexes
Catégories :- Entreprise québécoise disparue
- Entreprise québécoise du secteur énergétique
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