- Sanditon
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Sanditon (1817) est le dernier roman — inachevé — de Jane Austen.
Le titre initial donné par Jane Austen en était The Brothers, sans doute par référence aux frères Parker qui y évoluent. Après sa mort, la famille de Jane Austen lui préféra le titre de Sanditon. Le texte complet du livre ne sera publié qu'en 1925[1].
Écrit alors que Jane Austen est très gravement malade, puisqu'elle meurt quatre mois après avoir interrompu la rédaction de son roman, Sanditon met en avant quelques thèmes nouveaux dans l'œuvre de l'auteur, qu'il aurait été sans doute intéressant de voir développer jusqu'au bout. Le style contraste fortement avec le précédent roman de Jane Austen, Persuasion, d'un ton beaucoup plus grave, alors que Sanditon est traité sur le mode comique, presque caricatural.
Sommaire
Contexte
Jane Austen commence l'écriture de Sanditon en janvier 1817, pour s'arrêter, trop atteinte par la maladie pour continuer, le 18 mars 1817[2]. Elle mourra exactement quatre mois plus tard, le 18 juillet 1817, victime de la maladie d'Addison, pense-t-on[N 1]. Le texte complet de Sanditon n'est publié qu'en 1925[3], selon la version établie d'après le manuscrit par R. W. Chapman.
Sanditon est donc son dernier roman, resté inachevé (elle en a écrit une cinquantaine de pages), alors qu'elle ne pouvait plus ignorer qu'elle était très gravement malade. L'apparition de trois hypocondriaques (les deux sœurs de Mr Parker et son frère Arthur), à l'imagination débordante, qui sont traités sur le mode léger, quasi caricatural, peut donc surprendre. Margaret Drabble voit là « une femme mourante traitant le sujet de la maladie de façon amusée et railleuse », d'autant que la mère de Jane Austen, Cassandra Austen, née Leigh, était elle-même hypocondriaque, alors qu'elle survivra dix ans à sa fille[4].
Résumé de l'intrigue
Les Parker, qui habitent le Sanditon moderne (modern Sanditon, comme l'appelle Jane Austen), ont déménagé de la « vieille maison », la maison de leurs ancêtres, et cherchent à développer une nouvelle petite ville à la mode au bord de la mer (fondée sur la ville réelle de Eastbourne)[5]).
Plutôt qu'une réalité, la petite ville est en fait le rêve idéal qu'en font certains habitants tels que les Parker. Ils ont en effet une conception particulière de l'identité de la ville, et de la façon dont cette identité devrait être connue et appréciée du monde, comme le montre la façon dont se présente Mr Parker au début du roman :
« My name perhaps… may be unknown at this distance from the coast – but Sanditon itself – everybody has heard of Sanditon, – the favourite – for a young and rising bathing-place, certainly the favourite spot of all that are to be found along the coast of Sussex; – the most favoured by nature, and promising to be the most chosen by man. (Sanditon, p. 10-11). »
« Mon nom, peut-être, est inconnu à cette distance de la côté — mais Sanditon elle-même — tout le monde a entendu parler de Sanditon, — la favorite — comme d'une jeune et prometteuse station balnéaire, certainement l'endroit préféré de tous ceux que l'on peut trouver sur la côte du Sussex ; — la plus favorisée par la nature, et destinée à être la préférée des hommes. (Sanditon, p. 10-11). »
Mr Parker fait donc tous ses efforts pour promouvoir la petite ville, aidé par sa sœur Diana, sous l'œil amusé de la très rationnelle Miss Charlotte Heywood, qu'il a invité à passer quelque temps chez lui pour la faire profiter des beautés de la ville et de ses vertus bénéfiques à la santé.
Peu à peu, l'histoire se développe par l'entrée en scène progressive de nouveaux personnages : Lady Denham et Sir Edward, puis les sœurs de Mr Parker et son frère Arthur, puis Mrs Grifitths, Miss Lambe et les demoiselles Beaufort, et enfin, l'autre frère de Mr Parker, Sidney.
Personnages
- Mr Parker
- Il ouvre le roman en se foulant la cheville alors qu'il est en quête d'un chirurgien qui accepterait de s'installer à Sanditon, de façon à rassurer les personnes en mauvaise santé qui pourraient vouloir s'y installer pour bénéficier des incomparables vertus de l'air marin. C'est un optimiste invétéré qui imagine un avenir splendide à la pimpante petite station balnéaire dont il rêve.
- Mrs Parker, sa femme Mary
- Elle n'a pas le bon sens et l'autorité nécessaire pour juguler les rêves de son époux.
- Mr Heywood
- Lui et sa famille ont secouru Mr Parker lorsque l'accident de sa voiture lui a foulé la cheville, l'obligeant à séjourner chez les Heywood jusqu'à complète guérison.
- Miss Charlotte Heywood
- Âgée de 22 ans, et dotée d'un solide bon sens, c'est l'aînée des filles de la famille Heywood, que Mr Parker emmène avec lui lorsqu'il est guéri de sa cheville, pour lui montrer Sanditon. Bien qu'elle soit elle-même en excellente santé, Mr Parker l'emmène à Sanditon « pour qu'elle se baigne et soit encore en meilleure santé si elle le peut », ainsi que pour acheter toutes sortes de colifichets pour ses sœurs à la « bibliothèque circulante » (circulating library) de Sanditon[N 2].
- Lady Denham
- Autrefois Miss Brereton, c'est une riche veuve de 70 ans, parvenue à son titre grâce au mariage. Elle a recueilli chez elle Clara Brereton, une jeune fille issue de sa propre famille. Charlotte Heywood la qualifie cependant de « mesquine » (mean).
- Sir Edward Deham et sa sœur Esther
- Sir Edward est un jeune homme charmant, mais qui témoigne d'une propension fatigante à tenir des discours ampoulés sur la poésie. Sans même mentionner sa vision de Lovelace comme idéal masculin, suite à une exposition trop prolongée à l'œuvre de Samuel Richardson...
- Mr Sidney Parker
- Frère de Mr Parker, c'est le plus brillant de la famille Parker, dit de lui son propre frère.
- Miss Diana Parker, Miss Susan Parker, Mr Arthur Parker
- Frère et sœurs de Mr Parker, ils sont tous trois hypocondriaques, et pratiquent l'auto-médication à outrance.
- Mrs Griffiths
- Représentant une riche famille des Indes Occidentales, c'est une visiteuse de Sanditon vivement espérée par Mr Parker, car susceptible d'aider la petite station balnéaire à atteindre la notoriété qui convient.
Particularité des thèmes et du style
Outre celui des malades imaginaires, Sanditon abonde en thèmes novateurs.
La construction du roman autour de la petite station balnéaire de Sanditon — dont Mr Parker est si désireux de faire une station réputée — est un thème nouveau, en particulier dans la description des efforts de promotion de Mr Parker, ou dans l'inquiétude de Lady Denham, préoccupée du risque d'inflation que pourrait générer un afflux de touristes trop brutal. Souci qui peut surprendre par sa modernité[6], mais certainement pas plus que la réponse d'économiste que lui fait Mr Parker[N 3]. La recherche que mène Mr Parker — par laquelle commence le roman — d'un médecin qui puisse s'installer à Sanditon pour en compléter la palette de services appartient à la même veine moderniste centrée sur le développement économique.
La mer elle-même, et les bains de mer, renouvelle l'évocation des campagnes anglaises chère à Jane Austen : la description de l'arrivée sur Sanditon, la mention des tempêtes, de la violence et de la grandeur des éléments en bordure de la côte, diffèrent du cadre habituel des romans de l'auteur.
La présence marquante d'une riche héritière venue des Indes occidentales, Miss Lambe, est également nouvelle (même si Sir Bertram, dans Mansfield Park, avait des intérêts aux Indes occidentales, ce thème n'était présent qu'en arrière-plan). De plus, tout à la fin du fragment de roman que nous connaissons, Jane Austen informe incidemment le lecteur que Miss Lambe — en qui Lady Denham verrait bien la jeune personne riche qu'elle recherchait pour Sir Edward — est « à moitié mulâtresse » (half mulatto), ce qui ouvrait au roman des possibilités de développement loin des thèmes campagnards habituels à Jane Austen, comme le souligne Margaret Drabble, qui parle à ce sujet de « l'irruption soudaine dans un monde nouveau »[7].
Le style lui-même, très éloigné de la gravité de Persuasion qui le précède dans l'œuvre de Jane Austen, revient à un ton plus comique, proche de celui de ses premiers romans, et tout particulièrement Northanger Abbey. De très nombreux personnages apparaissent même comme traités de façon quelque peu caricaturale, comme Diana et Susan Parker, leur frère Arthur, Sir Edward Denham, et Mr Parker lui-même.
Annexes
Notes
- diagnostic rétrospectif que le Dr Vincent Cope s'est efforcé de porter en 1964 Selon le
- Les circulating libraries, les « bibliothèques circulantes », étaient nombreuses à l'époque, en particulier dans les stations balnéaires et villes d'eau, où elles vendaient des articles divers, des colifichets, des ornements en coquillages, etc. en plus du commerce des livres (Margaret Drabble, p. 219), et jouaient donc aussi le rôle de boutiques de souvenirs.
- main invisible » d'Adam Smith, en déclarant : Our butchers and bakers and traders cannot get rich without bringing prosperity to us (« Nos bouchers et nos boulangers, et tous les commerçants, ne peuvent s'enrichir sans nous apporter la prospérité ») Jane Austen 2003, p. 180, Lady Susan, The Watsons and Sanditon. Mr Parker apparait presque ici comme un tenant de la «
Références
- (en) Jean Hart,Raphael Klayman, Emma, Research & Education Assoc., 1996 [lire en ligne], « Introduction », p. 2
- Jane Austen 2003, p. 23, Lady Susan, The Watsons and Sanditon Margaret Drabble, « Introduction »
- Deirdre Le Faye 2003, p. 298
- Jane Austen 2003, p. 24, Lady Susan, The Watsons and Sanditon Margaret Drabble, « Introduction »
- ISBN 1-904027-19-9 Pamela V. Cullen, A Stranger in Blood: The Case Files on Dr John Bodkin Adams, London, Elliott & Thompson, 2006,
- Jane Austen 2003, p. 180-181, Lady Susan, The Watsons and Sanditon
- Jane Austen 2003, p. 222, Lady Susan, The Watsons and Sanditon Margaret Drabble, « Notes »
Bibliographie
- (en) Jane Austen, Lady Susan, The Watsons and Sanditon, Penguins Classics, 2003 (ISBN 9780140431025)
- (en) Deirdre Le Faye, Jane Austen: The World of Her Novels, Londres, Frances Lincoln, 2003 (ISBN 9780711222786)
Articles connexes
Liens externes
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