Athénée

Athénée
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Athénée, en grec ancien Ἀθήναιος Nαυκρατίτης / Athếnaios, né à Naucratis, en Égypte, vers 170 apr. J.-C., mort au IIIe siècle, est un érudit et grammairien grec.

Sommaire

L'auteur

C'est un Grec d'Égypte, né à Naucratis (probablement sous Marc Aurèle, l'empereur philosophe).

Athénée, sans doute issu d'une famille de commerçants riches, est attiré et doué pour les lettres, c'est donc logiquement qu'il fait ses études à Alexandrie où il a vécu de 170 à 230 en y professant sa science notamment. Comme tout grand lettré de l'époque, il est happé par les empereurs romains qui attirent à eux tous les grands intellectuels du bassin méditerranéen : il s'établit donc à Rome. Et c'est là, sur la demande de l'empereur, qu'il rédige son ouvrage, Δειπνοσοφισταί / Deipnosophistaí, qu'on peut traduire par « le banquet des sophistes » ou encore "le banquet des hommes sages". Il emprunte le style aux Propos de table de Plutarque, qui eux-mêmes s'inspiraient du célèbre Banquet de Platon. Tous les grands intellectuels grecs se sont essayés à cet exercice de style : ainsi même Xénophon, l'élève préféré de Socrate.

Mais Athénée n'a pas la profondeur philosophique d'un Platon, ni la connaissance socratique de Xénophon, ou encore la qualité stylistique d'un Plutarque. Son livre est surtout une compilation énorme et presque indigeste d'un tas de connaissances sans fond… Athénée écrit plus une encyclopédie des sciences et des penseurs grecs qu'autre chose… Il cite des centaines d'ouvrages, des centaines d'auteurs, donne l'impression d'avoir tout lu. Cela fait la richesse de l'œuvre, mais c'est aussi son point faible : un immense tas indigeste, voilà comment un puriste pourrait décrire l'œuvre d'Athénée.

C'est pourquoi on peut dire que cette œuvre a été rédigée dans la précipitation, sous la menace de la colère impériale. Athénée n'y fait pas preuve d'une véritable intelligence (qu'il possède pourtant) mais régurgite comme il peut tout ce qu'il a appris en plusieurs années de lectures assidues à la bibliothèque d'Alexandrie. La lourdeur stylistique de l'œuvre explique son peu de succès auprès des hellénistes : son œuvre n'a toujours pas été traduite et publiée entièrement en langue française.

Selon ce texte lui-même, Athénée aurait également été l'auteur d'un traité sur les monarques de Syrie ainsi que d'un commentaire de la comédie Les Poissons (aujourd'hui disparue) d'un certain Archippos, contemporain d'Aristophane.

Il meurt probablement après 223 : Les Deipnosophistes évoquent la mort d'un certain Ulpien, qui est peut-être le célèbre juriste Ulpien, mort à cette date. Cependant cela n'est pas sûr : Athénée décrit la mort d'Ulpien comme « heureuse », au sens où elle ne survient pas au terme d'une longue maladie (686c) ; or l'Ulpien historique meurt assassiné. Indice plus sûr, Les Deipnosophistes sont utilisés au VIe siècle par le lexicographe Hésychios d'Alexandrie. Enfin, le narrateur de l'œuvre, identifié comme « Athénée », situe son propre récit sous le règne de l'empereur Commode (537f), c'est-à-dire de 181 à 192.

Les Deipnosophistes

Composition

Les Deipnosophistes d'Athénée appartiennent à la tradition littéraire inspirée par l'usage du banquet grec. Banqueteurs jouant au cottabe pendant qu'une musicienne joue de l'aulos, cratère en cloche du Peintre de Nicias, v. 420 av. J.-C.

Les Deipnosophistes sont une série de conversations tenues lors d'un dîner fictif que l'ouvrage place à Rome, au début du IIIe siècle : avant la mort d'un personnage décrit comme « Galien » (soit en 199 pour le Galien historique) et après la mort d'« Ulpien » (cf. ci-dessus). L'ouvrage comprend quinze livres au cours desquels Athénée, le narrateur, raconte à un interlocuteur nommé Timocrate les conversations du fameux dîner. Timocrate lui-même ne s'exprime qu'à une seule reprise, au début du livre I, mais Athénée s'adresse à lui au début et à la fin de la plupart des quinze livres.

Le livre est essentiellement une collection d'anecdotes et de citations, sous le prétexte d'un banquet donné par le riche P. Livius Larensis, où les nombreux convives, fin lettrés, discutent de sujets variés. Ces convives sont aussi bien des auteurs contemporains que d'illustres disparus : ainsi Platon, dans son Théétète, avait ressuscité Protagoras pour les besoins de l'œuvre. Sont nommés Galien, Ulpien, Masurius Sabinus (l'un des auteurs du Digeste), Zoïle (critique d'Homère), Plutarque, etc. Les auteurs ainsi cités sont parfois à demi déguisés par Athénée, par précaution : ainsi, Zoïle ne se préoccupe jamais dans l'œuvre de questions homériques, pourtant son seul titre de gloire ; Plutarque est présenté comme un simple grammairien ; Démocrite n'est pas mentionné comme natif d'Abdère mais de Nicomédie. Réunis autour d'une même table, ces auteurs discutent à coups de citations d'auteurs anciens sur un très grand nombre de sujets :

  • livre I : la littérature gastronomique, le vin et la nourriture dans l'œuvre d'Homère, le vin ;
  • livres II et III : les hors-d'œuvre et le pain ;
  • livres IV : l'organisation des repas et la musique ;
  • livre V : luxe et ostentation ;
  • livre VI : parasites et flatterie ;
  • livres VII et VIII : le poisson ;
  • livre IX : la viande et la volaille ;
  • livre X : la gloutonnerie, le vin ;
  • livre XI : les coupes ;
  • livre XII : les conventions sociales ;
  • livre XIII : l'amour ;
  • livre XIV : la musique, les desserts ;
  • livre XV : couronnes et parfums.

La compilation d'Athénée est précieuse, car on estime à 1 500 le nombre d'ouvrages cités, dont la grande majorité sont aujourd'hui perdus, pour environ 700 auteurs représentés. La plupart des citations sont attribuées à un auteur et référencées. Les citations longues ont probablement été relevées par Athénée directement, au cours de ses lectures, on ne connaît en effet aucune compilation de citations de ce type. En revanche, les citations plus courtes, plus particulièrement celles qui touchent à la lexicographie et à la grammaire, sont probablement issues de sources de seconde main.

Les Deipnosophistes sont un outil précieux pour ce qui touche à la littérature et à la vie en Grèce dans l'Antiquité. Cet ouvrage est également une bonne source concernant les banquets grecs (symposiums), les plats qui y étaient servis et les spectacles qui y étaient proposés. C'est donc aussi un véritable traité de gastronomie, qui contient des informations sur les coutumes de table, les aliments, les menus, la vaisselle, le vin. Les digressions auxquelles se livrent les convives font passer sous nos yeux toute la société antique.

La tradition manuscrite

L'œuvre d'Athénée nous est parvenue par l'intermédiaire d'un manuscrit byzantin, copié par Jean le Calligraphe à Constantinople au Xe siècle, apporté en Italie par Jean Aurispa au XVe siècle et acheté par le cardinal Bessarion. Conservé à la bibliothèque Saint-Marc de Venise, il est connu sous le nom de Marcianus Venetus 447 ou de Marcianus A. À ce codex composé de 370 folios manquent les deux premiers livres, le début du troisième, une partie du livre XV et quelques passages dispersés.

Ces carences sont palliées par un résumé byzantin tardif que la tradition nomme l'Épitomé. Il se concentre sur les citations contenues dans l'ouvrage, en laissant de côté la partie conversationnelle et en omettant souvent les références. Malgré tout, les philologues s'accordent à le reconnaître plus fidèle à l'original que le Marcianus A. Il est difficile à dater : le seul indice positif est qu'Eustathe de Thessalonique l'emploie largement quand il enseigne à l'école patriarcale de Constantinople, soit avant 1175. Enfin, le texte est complété par le Lexique d'Hésychios ou encore la Souda, encyclopédie byzantine de la fin du XIe siècle : ils ont préservé des versions différentes de la tradition manuscrite directe, et parfois préférables.

Enfin, le Marcianus A comporte une série de notes témoignant de Deipnosophistes en trente livres, au lieu des quinze connus actuellement, ce qui explique certaines incohérences dans le texte, et notamment dans la présentation des convives. Ce découpage est confirmé par des exemplaires du Lexique d'Hésychios qui attestent la connaissance de l'œuvre en trente livres.

Éditions postérieures

L'édition princeps d'Athénée date d'août 1514. Elle est due à Alde Manuce et se fonde sur un manuscrit établi par le Crétois Marco Musuro. Elle ne se rattache qu'indirectement au manuscrit Venetus A, alors inaccessible. Vite épuisée, cette édition, dite « l'Aldine », est suivie deux ans plus tard par l'édition de Christian Herlin, imprimée par Jean Walder de Bâle. En 1556, Andrea Arrivabene imprime à Venise la première traduction en latin d'Athénée, œuvre de Natalis Comes sur la base de l'Aldine. Cette première traduction latine, de médiocre qualité, est surpassée en 1583 par la traduction du médecin Jacques Daléchamp, fondée sur l'édition de Bâle. C'est cette dernière que choisit l'humaniste protestant Isaac Casaubon pour la mettre en regard de son édition des Deipnosophistes, publiée en 1597. Celle-ci marque une étape importante dans l'histoire de la transmission des œuvres grecques et latines. La pagination de Casaubon reste ainsi utilisée de manière courante depuis le XIXe siècle.

La première traduction d'Athénée en français est due à l'abbé Michel de Marolles, en 1680. De niveau médiocre, elle est suivie en 1789-1791 par celle de Jean Baptiste Lefebvre de Villebrune, qui se distingue par son acrimonie contre Casaubon. Au XIXe siècle, le Strasbourgeois Jean Schweighæuser, les Allemands Wilhelm Dindorf et Auguste Meineke marquent, par leurs éditions, l'histoire du texte d'Athénée. C'est enfin Georg Kaibel qui livre, en 1887-1890, l'édition considérée aujourd'hui comme celle de référence.

Bibliographie

  • (en) Barry Baldwin, "Athenaeus and His Work", dans Acta Classica 19 (1976), p. 21-42.
  • (en) Andrew Dalby, Siren Feasts. A History of Food and Gastronomy in Greece, Routledge, Londres, 1996 (ISBN 0-415-15657-2), p. 168-179.
  • Alexandre Marie Desrousseaux, introduction à Athénée. Les Deipnosophistes, Les Belles Lettres, « Collection des Universités de France », Paris, 2002 (1re édition 1956) (ISBN 2-251-00068-2), p. I-LXVII.

Éditions

  • (de) Georg Kaibel :
    • De Athenaei Epitome, Rostock, 1883.
    • Athenaei Naucratitæ Deipnosophistarum libros XV, 3 vol., Leipzig, 1887-1890.
  • S. P. Peppink, Athenaei Dipnosophistarum Epitome, I-III, 1936-1939.

Traductions

  • Banquet des savans, par Athénée, trad. Lefèbvre de Villebrune, 5 tomes, Lamy, Paris, 1789-1791.
  • Les Deipnosophistes, trad. A. M. Desrousseaux avec le concours de Charles Astruc, tome I (livres I et II), Les Belles Lettres, « Collection des Universités de France », 1956, LXXIII-384 p.
  • The Learned Banqueters, vol. I-VI, traduction en anglais par S. Douglas Olson, Harvard University Press, « Loeb Classical Library », Cambridge (Massachusetts)-Londres, 2007-2010 (édition du volume VII prévue en janvier 2011).

Études

  • (it) Giuseppe Zecchini, La cultura storica di Ateneo, éd. Vita e Pensiero, Milan, 1989.
  • (en) David Braund et John Wilkins (eds), Athenaeus and His World: Reading Greek Culture in the Roman Empire, University of Exeter Press, Exeter, 2000.
  • Luciana Romeri, Philosophes entre mots et mets. Plutarque, Lucien et Athénée autour de la table de Platon, Éditions Jérôme Millon, coll. « Horos », Grenoble, 2002.
  • Dominique Lenfant (ed.), Athénée et les fragments d'historiens, actes du colloque de Strasbourg (16-18 juin 2005), éd. De Boccard, Paris, 2007.

Liens externes


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