- Résumé de Après l'empire
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Après l'empire
Après l’empire - Essai sur la décomposition du système américain est un essai d'Emmanuel Todd, publié en 2002 aux éditions Gallimard.
Analyse
Emmanuel Todd part d’un constat : les États-Unis étaient une source de paix et de stabilité, ils sont devenus un facteur de désordre (Afghanistan, Irak...). L’objet de l’ouvrage est de « proposer un modèle explicatif rigoureux du comportement international des États-Unis » (p. 14), donc de ce renversement récent. L’idée directrice du livre est que l’explication ne doit pas être cherchée dans la force, mais dans la faiblesse des États-Unis.
En effet, on constate que les États-Unis sont en déclin relatif par rapport au reste du monde. Ce déclin relatif a deux composantes.
- D’une part, le monde est en voie d’émancipation : l’alphabétisation se répand de manière universelle (on peut envisager un monde totalement alphabétisé à l’horizon 2030) et elle a pour conséquences directes et inéluctables la croissance économique, la baisse de la natalité et l’émergence de systèmes démocratiques, même si en général la transition s’accompagne de crises dont le terrorisme du groupe Al Qaïda est l’exemple type. Cette émancipation du monde porte un coup inattendu à l’assise du leadership américain qui est avant tout militaire et qui repose donc sur le désordre mondial : l’avènement des démocraties et de la paix (d’après la loi de Doyle selon laquelle la guerre est impossible entre démocraties) est une menace directe pour l’hégémonie américaine.
- D’autre part, les États-Unis sont en déclin : au niveau militaire, leur faiblesse est chronique (en particulier au sol), depuis la Seconde Guerre mondiale (gagnée grâce au sacrifice humain russe sur le front de l'Est) jusqu’au conflit récent en Afghanistan où aucune action n’aurait été possible sans la Russie et où les objectifs n’ont pas été atteints, en passant par la guerre du Viêt Nam. Enfin, les États-Unis sont en déclin idéologique, et leur perception inégalitaire des peuples, contenue et réprimée entre 1950 et 1965 pour faire face au bloc soviétique, se dévoile de plus en plus crûment, tant sur leur territoire (ségrégation matrimoniale des Noirs et des Hispaniques) qu’à l’extérieur (vision inégalitaire au Moyen-Orient, en particulier dans le conflit israélo-palestinien).
Mais le point le plus sensible est la dépendance économique des États-Unis, dont les échanges économiques avec le reste du monde sont déséquilibrés : de plus en plus ils consomment ce que produit le monde, comme l’atteste leur déficit commercial croissant. Tout se passe comme si le monde payait un tribut aux États-Unis, bien que le phénomène soit plutôt un bienfait pour la planète qui peut ainsi écouler son excédent de production dû à la mondialisation de l’économie. Mais le maintien de ce déficit commercial – et donc du régime impérial – n’est possible que grâce à l’entrée massive de capitaux aux États-Unis. Or cet investissement, fruit du libre choix des citoyens et donc terriblement volatile, ne peut se poursuivre que si les États-Unis continuent à être perçus comme centraux.
Face à cette fragilité terrible, les États-Unis réagissent : ils doivent faire en sorte de ne pas être marginalisés. Bien que devenant de moins en moins utile, voire parasites, il doivent donner l’impression qu’ils restent le centre du monde. Pour cela, conformément aux grandes lignes de la stratégie proposée par Zbigniew Brzezinski en 1997 (dans son livre "Le Grand échiquer"), ils tâchent avant tout d’isoler la Russie, seule véritable menace à leur hégémonie militaire. L’isolement de la Russie passe par le contrôle du reste de l’Eurasie et en particulier par le maintien des protectorats européens et japonais dans la sphère d’influence américaine. Le moyen de maintenir cette prise, et plus généralement de donner l’impression que les États-Unis sont indispensables à la planète par la protection qu’ils lui offrent, est de maintenir un certain niveau de désordre en livrant une guerre théâtrale contre des États mineurs présentés comme « l’Axe du Mal ».
Mais cette tentative est vaine face aux forces de l’Histoire. Le déclin des États-Unis est inéluctable, comme le laisse présager le retour de la Russie qui se relève de sa crise post-communiste ainsi que l’émancipation de l’Europe dont l’euro, s’il survit, sera en lui-même un contrepoids majeur au dollar américain, surtout si le Royaume-Uni s’y rallie.
Critique
Pour étayer sa thèse, Emmanuel Todd passe totalement sous silence le fait que les États-Unis ont pris le parti de se transformer progressivement en économie du savoir et ont intégré la nécessité de délocaliser leur industrie en sous traitant la production de leurs biens de consommation à des pays à bas salaire. Une grande partie du déficit américain correspond en réalité à des biens fabriqués par des sociétés américaines à l'étranger.
Par ailleurs, la recherche américaine, en particulier dans le domaine des hautes technologies et plus généralement dans les domaines à très haute valeur ajoutée est de loin la plus performante au monde. La recherche américaine joue souvent le rôle de précurseur, prend des risques, donne le ton pour les autres pays et définit les modes technologiques et managérielles.
Les États-Unis restent un pays où le goût du risque, du changement et des nouvelles expérimentations qu'elles soient technologiques ou dans le domaine de l'initiative privée sont encore très importantes. La crise financière qui sévit, liée à la titrisation des produits financiers, démontre en effet que les USA sont bien un pays qui a le goût du risque, voire du risque inconsidéré.
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