Rébellion de shimabara

Rébellion de shimabara

Rébellion de Shimabara

Carte de la préfecture de Nagasaki avec la région de Shimabara en foncé

La rébellion de Shimabara (島原の乱, Shimabara no ran?) est une importante révolte de paysans japonais au cours du Shogunat Tokugawa en 16371638 qui eut lieu dans la presqu’île de Shimabara et les îles Amakusa, situées dans Kyūshū, à soixante-dix kilomètres de Nagasaki.

Les causes du soulèvement ne furent pas, loin s'en faut, exclusivement religieuses, mais les paysans insurgés et leur chef Amakusa Shirō (de son vrai nom Masuda Tokisada (1621?-1638)[1]), étaient portés par la foi chrétienne[2].

Sommaire

Origines de la révolte

Château de Shimabara

Les missions jésuites implantées depuis plus d'un siècle rencontraient de grands succès dans ces régions pauvres. A tel point que deux daimyos locaux, Arima Harunobu (en) et Konishi Yukinaga, furent convertis.

Le 27 janvier 1614, le shogunat Tokugawa promulgua le décret, rédigé par le moine Suden, visant le départ des missionnaires, dans un premier temps vers Nagasaki, puis de là, vers Macao. Durant les vingt années qui suivirent, les persécutions antichrétiennes furent violentes, surtout dans cette région, foyer du christianisme japonais.

Par ailleurs, les tozama, daimyos de Kyushu, faisaient partie des daimyos de l’extérieur (ceux qui ne s'étaient pas soumis aux Tokugawa immédiatement après leur victoire à Sekigahara en 1600). Ils avaient donc toujours été traités de façon plus dure et avec plus de suspicion que les autres vassaux. Aussi, les charges et les réquisitions du bakufu étaient-elles souvent plus lourdes[3]. A noter que Konishi avait été éxecuté après la victoire de Sekigahara et qu'Arima fut décapité en 1612.

L'ancien fief de Konishi, Amakusa, était devenu possession de Terasawa Hirotaka (1574-1630), seigneur de Karatsu. Les persécutions s'amplifièrent lorsque fut décrétée l'expulsion des prêtres. A sa mort, son fils Katataka lui succéda et continua la répression.

Matsukura Shigemasa (en) (1574-1630), un proche des Tokugawa, nommé daimyo du domaine de Shimabara en 1616, imposa de nouvelles taxes sur le bétail, le foyer, les naissances,… sans compter les frais liés à la construction du château de Shimabara. Son fils et successeur Katsuie (en) (aussi appelé Shigeharu) poursuivit la même politique[4].

Depuis 1634, les récoltes devinrent maigres et les paysans ne furent rapidement plus en mesure de payer l'impôt du riz. La situation fut bientôt dramatique et culmina lors des grandes famines de 1636 et 1637 .

La rébellion

Statue d'Amasuka Shirō devant les ruines du château de Hara

La persécution religieuse se doubla alors de harcèlements vis-à-vis des paysans qui ne pouvaient payer leurs dus. La révolte contre la tyrannie de Matsukura grondait depuis quelques mois et ce furent de nouvelles atrocités qui la déclenchèrent le 17 décembre 1637. Quelques chefs de villages accompagnés d'une poignée de rōnins décidèrent alors d'agir.

Amasuka Shirō, encore adolescent, fut institué chef spirituel des rebelles.[5]. Sa jeunesse fut tressée de légendes et demeure encore aujourd'hui assez obscure, ainsi en va-t'il des raisons qui le portèrent à la tête de la rébellion. Il était le fils d’un samuraï chrétien au service de Konishi, Masuda Yoshitsugu, et a vraisemblablement travaillé au service de la maison d'Hosokawa de Kumamoto.

Le ralliement populaire, la réaction lente des autorités féodales et l'éloignement d'Edo[6], permirent au mouvement d'obtenir rapidement des premiers résultats, de s'organiser et de s'étendre. Les insurgés se regroupèrent dans la forteresse désaffectée de Hara. Les sources japonaises mentionnent qu'environ 37 000 personnes, dont quelques anciens chefs dissidents et plusieurs dizaines d’anciens samouraïs, y auraient trouvé refuge.

Ruines du château de Hara situé a l'est de la péninsule de Shimabara

La pénurie de munitions et la raréfaction des vivres ne sembla pas troubler le moral des assiégés qui envoyaient des yahumi (messages attachés à des flèches) aux troupes du bakufu indiquant leur volonté de pratiquer leur culte librement[7].

Une première offensive menée par l'envoyé du shōgunat, Itakura Shigemasa (en) (1588-1638), fut repoussée le 3 février. Une seconde, le 14 février, se termina en désastre et couta la vie de plusieurs milliers de soldats ainsi qu'à leur chef[8].

Le gouvernement d'Edo ordonna alors aux han de Kyūshū de se joindre aux forces de Matsudaira Nobutsuna (en) (1596-1662). Ce dernier sollicita également le concours des Hollandais - Nicolaes Couckebacker, responsable du comptoir hollandais de Hirado - qui firent tirer leurs canons depuis le vaisseau De Rijp, quelques jours durant en direction de la forteresse[9]. Matsudaira essaya vainement de trouver des solutions de compromis avec Amasuka Shinrō. Elles furent systématiquement repoussées. Le 12 avril 1638, l’assaut fut donné et le massacre dura 3 jours, durant lesquels les insurgés furent exterminés et décapités. La tête de Amakusa Shinrō, décapité pendant la bataille par Jinno Sazaemon du clan Hosokawa, fut envoyée à Edo et le château fut rasé.

Conséquences

Caraque portugaise à Nagasaki - XVIIe siècle

La plupart des dissidents de l’ouest du Kyūshū, hostiles au régime Tokugawa, avaient pu être éliminés lors de la prise du château de Hara, et avec eux nombre de samouraïs chrétiens[10]. Cette terrible répression servit d'exemple et donna un coup d'arrêt aux manifestations d'opposition et aux soulèvements pendant la période Tokugawa.

Elle marque aussi la fin de la pratique ouverte du christianisme au Japon. Les décrets dans ce domaine furent appliqués beaucoup plus strictement. Toutefois, de nombreux chrétiens réussirent à perpétuer la religion catholique au Japon en se cachant, les Kirishitan.

Iemitsu en profita pour instituer, dès 1639, un contrôle encore plus fort sur les relations avec l'étranger, notamment avec le Portugal[11]. Ainsi, le 3 août 1640, un navire portugais, fraîchement arrivé de Macau, fut incendié en rade de Nagasaki, les 57 envoyés d'une ambassade portugaise qu'il transportait décapités, seul l'équipage fut autorisé à appareiller pour rendre compte de ce qui s'était passé. Ces mesures furent toutefois plus souples, dans un premier temps du moins, pour les Hollandais, qui avaient démontré leur allégeance en aidant les troupes gouvernementales lors de la révolte de Shimabara.

Le Japon inaugure alors une période d'isolement total qui dura plus de deux siècles.

Notes et références

  1. Voir page 30 in Le Japon : dictionnaire et civilisation, Louis Frédéric, Robert Laffont, 1996
  2. Voir page 88 in Samurai Armies 1467-1649, Stephen Turnbull, Osprey Publishing, 2008
  3. Voir pages 117-120 in Early Modern Japan, Conrad D. Totman, University of California Press, 1995
  4. Voir page 2441 in Dictionnaire historique du Japon, Susumu Ishii et Seiichi Iwao, Maison franco-japonaise Tōkyō, Maisonneuve & Larose, 2002
  5. Voir le chapitre consacré à Amakusa Shiro, le Messie japonais in La noblesse de l’échec: Héros tragiques de l’histoire du Japon, Ivan Morris, Gallimard 1975
  6. Voir pages 204-206 in Early modern Japan volume IV de The Cambridge History of Japan, John Whitney Hall, James L. McClain, Marius B. Jansen, Cambridge University Press, 1991
  7. Voir page 202 in La noblesse de l’échec: Héros tragiques de l’histoire du Japon, Ivan Morris, Gallimard 1975
  8. Voir page 469 in Le Japon : dictionnaire et civilisation, Louis Frédéric, Robert Laffont, 1996
  9. Voir page 141 in Japan's Hidden Christians, 1549-1999: 1549-1999, Stephen R. Turnbull, Routledge ed., 2000
  10. Voir page 217 in La noblesse de l’échec: Héros tragiques de l’histoire du Japon, Ivan Morris, Gallimard, 1975
  11. Voir page 204 in A History of Japan: Revised Edition, R. H. P. Mason et J. G. Caige, Tuttle Publishing, 1997

Bibliographie

  • Ivan Morris, La noblesse de l’échec: Héros tragiques de l’histoire du Japon, Gallimard, 1975
  • (en) William S. Morton, Japan: Its History and Culture, McGraw-Hill Professional, 2005
  • (en) Stephen Turnbull, Angus McBride et Wayne Reynolds, Warriors of Medieval Japan, Osprey Publishing, 2005
  • (en) Stephen R. Turnbull, The Kakure Kirishitan of Japan: A Study of Their Development, Beliefs and Rituals to the Present Day, Routledge ed., 1998
  • (en) David Murray, Japan, G.P. Putnam's Sons NY, 1905
  • (en) Albert Hyma, A History of the Dutch in the Far East, G. Wahr, 1953
  • (en) Marius B. Jansen, Warrior Rule in Japan, Cambridge University Press, 1995
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