- Réacteur à eau pressurisée
-
Le réacteur à eau pressurisée ou REP (PWR pour pressurized water reactor en anglais) est la filière de réacteurs nucléaires la plus répandue dans le monde en 2011. Les REP utilisent de l'eau ordinaire, appelée aussi eau légère, comme caloporteur et modérateur, ce qui les classe dans la famille des réacteurs à eau légère. Cette eau qui refroidit le cœur des réacteurs à eau pressurisée est sous haute pression (environ 150 atm) et ne bout pas - contrairement aux réacteurs à eau bouillante[1].
En 2011, les REP équipent environ les deux tiers des réacteurs nucléaires de puissance en fonctionnement dans le monde (dont les 58 réacteurs français)[2], ainsi que la majorité des navires à propulsion nucléaire. Il s'agit d'une technologie d'origine américaine (Westinghouse), la France ayant jusqu'en 1969 misé sur une autre technologie l'UNGG ; cette dernière a été abandonnée pour des raisons de rentabilité et aussi en raison d'un début de fusion du cœur dans la Centrale nucléaire de Saint-Laurent.
Le combustible nucléaire d'un REP est de l'oxyde d'uranium faiblement enrichi : la proportion d'isotope U-235 fissile varie de 3 à 5 % selon les pays. Le combustible se présente sous la forme de pastilles empilées et maintenues dans des gaines en zircaloy appelées crayons. Les crayons combustibles sont agencés sous forme d'assemblages dont la tenue mécanique est assurée par des grilles. Selon les modèles de REP, on charge entre 120 et 250 assemblages dans la cuve du réacteur.
Dans le circuit primaire, de l'eau ordinaire (dite eau légère, par opposition à l'eau lourde D2O) sous pression est chargée de récupérer la chaleur produite par le cœur : c'est ce fluide caloporteur qui circule au sein des assemblages entre les crayons où se produit la réaction en chaîne. Les produits de la réaction nucléaire (produits de fission et transuraniens) sont confinés avec l'oxyde d'uranium à l'intérieur de la gaine des crayons pour éviter leur dissémination et la contamination du circuit primaire.
L'eau du circuit primaire fait également office de modérateur : elle a la capacité de ralentir ou thermaliser les neutrons de fission.
Comme n'importe quel type de réacteur thermique (nucléaire ou à flamme), un REP est refroidi par une grande quantité d'eau froide pompée d'un fleuve ou d'une mer. À proximité d'un REP, on trouve aussi parfois une tour de réfrigération pour refroidir et condenser la vapeur à la sortie de la turbine.
Sommaire
Fonctionnement
Le contrôle de la réaction est assuré par la concentration de bore dans l'eau du circuit primaire et par la hauteur des barres de contrôle insérées dans les assemblages combustibles.
Les paramètres typiques de fonctionnement de l'eau du circuit primaire sont :
- pression : 155 bar ;
- température : 286 °C (en entrée de cuve du réacteur), 323 °C (en sortie de cuve) ;
- débit : environ 60 000 m³/h.
Plusieurs générateurs de vapeur (2 à 4) situés dans l'enceinte du réacteur transfèrent la chaleur de la chaudière nucléaire (circuit primaire) vers le circuit secondaire comportant la turbine à vapeur.
En sortie des générateurs de vapeur, la vapeur d'eau possède les caractéristiques moyennes suivantes :
- pression : 55 bar ;
- température : 270 °C ;
- débit : 7 000 m³/h.
La vapeur haute pression (HP) est détendue dans le corps HP de la turbine, puis surchauffée avant de poursuivre sa détente dans les corps basse pression (BP). La turbine entraîne un alternateur qui produit l'électricité.
Le rendement global de conversion de la chaleur en électricité est d'environ 33 %.
À la sortie de la turbine, la vapeur passe dans un condenseur afin de condenser l'eau et d'extraire certains gaz incondensables (tels le dioxygène) de l'eau. Cette eau est ensuite réchauffée avant de retourner aux générateurs de vapeur.
La chaleur du circuit secondaire est transférée au circuit tertiaire. Le circuit tertiaire est :
- soit envoyé dans une tour de réfrigération, pour être réparti en fines gouttelettes, ce qui permet un bon échange entre l'eau et l'air et donc ramène l'eau à une température ambiante. Une partie de l'eau s'évapore (environ 500 L/s), le reste est pompé dans le bassin situé en dessous de la tour et retourne refroidir le condenseur. L'eau évaporée est remplacée par de l'eau venant d'un fleuve ou d'une rivière ;
- soit déversé dans un fleuve, une rivière ou la mer, ce qui augmente la température au moins localement. L'eau qui sert au refroidissement du réacteur est pompée plus en amont dans le fleuve, la rivière ou la mer.
Bilan neutronique
On suppose que le seul matériau fissile est 235U. Les nombres indiqués sont des ordres de grandeur. 100 fissions d'uranium 235 libèrent en moyenne 250 neutrons, qui donnent lieu aux réactions suivantes :
- 100 neutrons provoquent 100 nouvelles fissions, entretenant ainsi la réaction en chaîne, et consommant 100 noyaux du matériau fissile ;
- 70 neutrons subissent des captures fertiles par 70 noyaux du matériau fertile 238U, les transformant en autant de noyaux fissiles de 239Pu ;
- 75 neutrons subissent des captures stériles, soit par des noyaux fissiles (30 neutrons) soit par des noyaux du réfrigérant, des structures du cœur, des éléments de contrôle ou des produits de fission ;
- 5 neutrons fuient hors du cœur (pour être capturés par des protections neutroniques).
Architecture
Une centrale nucléaire équipée de REP est organisée autour de plusieurs bâtiments, dont les principaux sont détaillés ci-après.
Bâtiment réacteur (BR)
L'enceinte, formée d'une double paroi de béton, est hermétiquement fermée lors du fonctionnement (taux de fuite < 1,5 %). Elle constitue la troisième barrière de confinement de la matière radioactive, après la gaine en zircaloy du combustible et l'enveloppe du circuit primaire (acier).
Bâtiment combustible (BK)
Accolé au bâtiment réacteur, il sert surtout de "sas d'accès" pour le combustible.
La partie principale de ce bâtiment est la piscine de désactivation. Dans cette dernière, on entrepose le combustible usé avant son évacuation. Une règle à ne jamais enfreindre est de laisser quoi qu'il arrive toujours assez de place dans cette piscine pour stocker tout le combustible contenu dans le cœur (en cas d'incident ou d'accident).
L'eau de la piscine contient 2500 ppm d'acide borique, pour continuer à neutraliser les neutrons émis par les noyaux des éléments fissibles, mais qui sont trop peu nombreux pour entretenir une fission nucléaire. De plus, chaque élément combustible est disposé dans un alvéole, et la distance qui les sépare empêche l'obtention d'une masse critique. La réaction en chaîne ne peut donc pas "redémarrer".
Bâtiment des auxiliaires nucléaires (BAN)
Toujours accolé au bâtiment réacteur et au bâtiment combustible, le BAN recèle tous les circuits utiles au fonctionnement du réacteur (chimie de l’eau traitée...) ou au traitement des différents effluents, susceptibles de contenir des produits radioactifs. Ce bâtiment est donc une "Zone Contrôlée" du point de vue de la radioactivité (étanchéité dynamique, ventilation filtrée...)
On retrouve aussi dans ce bâtiment des systèmes de sauvegarde utilisés en cas d’incident ou d’accident.
Pour les centrales de 900 MWe, ce bâtiment est commun à deux tranches.
Bâtiment électrique (BL)
On retrouve dans ce bâtiment tous les équipements électriques nécessaires au bon fonctionnement d’une tranche et de ses matériels de sauvegarde.
Ce bâtiment recèle également la salle de commande principale ainsi qu'un "panneau de repli", qui permet d’arrêter la tranche en toute sécurité si la salle de commande est indisponible.
Pour les centrales de 900 MWe, ce bâtiment est commun à deux tranches.
Salle des machines (M)
On retrouve ici toute la partie du circuit secondaire de la tranche (la turbine, le condenseur, les réchauffeurs, les pompes, etc.), ainsi que ses auxiliaires (graissage turbine...).
Pour les centrales de 900 MWe de palier CP0 et CP1, la salle des machines est commune à deux tranches ; par contre, la salle des machines est séparée pour les centrales nucléaires de palier CP2 (cas de Chinon, Cruas et Saint-Laurent).
Sûreté
De nombreux systèmes et matériels (surtout les matériels importants pour la sûreté) sont redondants sur un réacteur à eau pressurisée, surtout ceux en relation avec les circuits primaire et secondaire, afin de diminuer le risque de défaillance.
Défaillances majeures
Lors de l'accident nucléaire de Three Mile Island (États-Unis), le cœur du réacteur n°2 est entré en fusion, provoquant quelques fuites de gaz radioactifs. L'accident a été classé au niveau 5 de l'échelle INES.
Lors de la catastrophe de Fukushima (niveau 7 de l'échelle INES), ce sont des réacteurs de la filière des réacteurs à eau bouillante qui sont entrés en fusion provoquant d'importantes fuites de liquides et gaz radioactifs, et non des réacteurs à eau pressurisée.
REP russes et européens
Le réacteur à eau pressurisée (REP) est une technologie née aux États-Unis puis reprise par les Européens et les Russes. Les Russes ont conçu le réacteur de puissance à caloporteur et modérateur eau. Le REP développé en Europe s'appelle réacteur pressurisé européen.
Notes et références
Voir aussi
Article connexe
Lien externe
Catégorie :- Filière de réacteur nucléaire
Wikimedia Foundation. 2010.