Richard GUINO

Richard GUINO

Richard Guino

Richard Guino dans son atelier de la rue Daguerre, en 1912


Richard Guino ou Ricard Guinó i Boix (né le 26 mai 1890 à Gérone, mort le 2 février 1973 à Antony) est un sculpteur français d'origine catalane.

Son œuvre est une ode à la féminité qui ravive l’idéal de beauté méditerranéen. Richard Guino opère une synthèse pleine de sensualité entre classicisme et modernité, caractérisée par une grande variété de matériaux et de techniques - bois, cire, marbre, bronzes, terres cuites, plâtres, ivoires, verres, céramiques, majoliques, dessins et peintures… Sa fructueuse collaboration avec Auguste Renoir constitue un épisode singulier de l’histoire de l’art.

Sommaire

Origine et jeunesse catalane

Richard Guino est né le 26 mai 1890 à Gérone en Catalogne (Espagne). Son père est artisan ébéniste, il est scolarisé dans une école Mariste où il subit un enseignement religieux extrêmement rigide. Sculpteur précoce, il entre très jeune à l’École des Arts de Gérone qu'il quitte en 1906 pour suivre les cours de l’École supérieure des Beaux-arts de Barcelone - le père de Pablo Picasso est l’un de ses professeurs. Il participe à des expositions collectives à Gérone (1908, 1910) et Barcelone (1910) où Aristide Maillol, de 30 ans son aîné, découvre son œuvre. Le décrivant comme « le sculpteur européen le plus doué de sa génération », Maillol lui propose de le rejoindre en France pour travailler à ses côtés.

Paris en état de grâce

Richard Guino s’installe ainsi à Montparnasse en 1910, dans un atelier de la rue Daguerre, et assiste Maillol dans ses ateliers de Paris et Marly-le-Roi. Il fréquente l’Académie Ranson à Montmartre, où il rencontre Maurice Denis qui a recours à lui pour réaliser deux bas-reliefs au Théâtre des Champs-Élysées, "la Danse" et "le Chant" (1912). Il expose dans différentes galeries (Druet, Marseille et Vildrac), à la Société des Artistes décorateurs et à la Société Nationale des Beaux-Arts. La notoriété est acquise, le comte Kessler et le marchand Ambroise Vollard achètent ses œuvres. Ses dessins sont aussi exposés avec succès. Il réalise notamment en 1913 une remarquable suite d'encres d’Isadora Duncan dansant, croquée sur le vif. Il travaille principalement sur des figures féminines, aux plastiques souples et puissantes, avec des volumes très architecturés, souvent caractérisés par un rendu à facettes : Torse à la draperie, Femme assise tenant son chignon, Baigneuse accroupie, l’Egyptienne, Grande Baigneuse à la toilette, Femme à la mandoline...

L'Œuvre sculpté Renoir-Guino

C’est à cette époque et à la demande de Vollard que Maillol tente de sculpter avec Renoir. Le vieux maître, aiguillonné par Vollard, souhaite s’adonner à la sculpture. Handicapé par des rhumatismes déformants, il continue de peindre, des pinceaux glissés entre ses mains paralysées, protégées par des bandelettes. Le marchand, qui admirait un médaillon et un buste que le peintre avait réalisé de son plus jeune fils Claude, se met en tête de lui « trouver des mains ». Or Maillol est déjà un artiste mûr, il fait « du Maillol »... mais il y a le jeune Guino. Vollard, enthousiaste, lui fait rencontrer Renoir en 1913 et l’engage à ses frais. Une étonnante aventure commence alors entre le jeune sculpteur et le vieux peintre, qualifiée de miraculeuse du fait de la remarquable communion d’esprit et de sensibilité qui s’établit entre les deux artistes. Cette collaboration dure jusqu’en 1918, à Essoyes puis aux Collettes, à Cagnes-sur-Mer. Elle aboutit à la création d’un ensemble de pièces considéré comme l’un des sommets de la sculpture moderne : la « Petite Vénus », la « Vénus victrix », le « Jugement de Pâris », la « Grande Laveuse »… Renoir meurt en 1919, les sculptures sont divulguées et exploitées sous son seul nom par Vollard, puis Renou.

Sculpeur, céramiste, dessinateur et peintre

Guino, que son farouche sens libertaire tient éloigné de tout esprit de revendication, poursuit son œuvre personnelle. Après les cinq années de sa collaboration avec Renoir, intimement blessé par le déni de son apport créateur que des raisons commerciales ont motivé, il tente de se réinventer, de changer de style, explorant de nouvelles techniques en parallèle de son œuvre sculpté. Il signe un contrat avec la galerie Hébrard, rue Royale à Paris, qui lui consacre de grandes expositions personnelles en 1919, 1922 et 1923. S’intéressant aux arts décoratifs, il réalise de nombreuses céramiques émaillées et des éléments de mobilier. Une longue collaboration s’engage en 1922 avec la manufacture de Sèvres qui édite ses modèles en grès et en biscuit pendant plus de dix ans.

En 1923, il participe à l’exposition de printemps de Barcelone, expose peintures et dessins à la Galerie Devauchez, des pièces aux Arts appliqués du Musée Galliera, au Salon des Tuileries, au Salon de la société des Artistes Décorateurs. En 1924 il expose au Musée des Arts Décoratifs, qui fait l’acquisition de la « Jeune femme au tambourin ». Ses dessins sont exposés à la Maison Barbedienne, ses sculptures au salon de la Société des Artistes Décorateurs. Il signe un contrat avec la Maison d’Édition Colin, qui édite pendant dix ans des bronzes à partir de ses modèles. En 1925, Guino participe à l’Exposition Internationale des Arts Décoratifs de Paris où il obtient les diplômes d’honneur en métal et céramique. Il participe également à l’exposition d’Art français contemporain au Japon.

La même année, il obtient la nationalité française et épouse Gabrielle Borzeix, ils auront six enfants... Georges, Claude, Evelyne et trois artistes : Michel Guino, sculpteur, Marie Guino-Ronchi, peintre et Jean Borzeix, disparu prématurément. Guino s’installera avec sa nombreuse famille dans un atelier plus grand à Antony (Hauts-de-Seine), à côté de son ami photographe Bougourd, qui faisait partie de la joyeuse bande d’artistes qui animait la rue Daguerre.

En 1928, il participe au XIe concours du Musée Galliera, section bronze. En 1929, expositions à la Galerie Hector Brame de dessins et plaquettes pour reliure, au Salon des Indépendants, au Salon de la Société des Artistes français. Participation aux Salons de 1930, 1931, 1932, 1933, 1934. En 1931, il expose à nouveau au Salon des Indépendants et signe un contrat avec la Maison d’Édition Susse frères, avec laquelle il collabore jusqu’en 1955.

L'Œuvre sculpté Renoir-Guino II

« L’énigme de la sculpture Renoir » ne fut levée que soixante ans après sa création, à l’issue d’un long procès initié en 1965 par Michel Guino, fils de Richard et sculpteur lui-même, qui a œuvré à la divulgation de la sculpture de son père. Après une minutieuse analyse des pièces, des processus qui présidèrent à leur création et l’audition de nombreux artistes, la qualité de coauteur est reconnue à Richard Guino en 1971 par la Troisième Chambre Civile du Tribunal de Paris et définitivement établie par la Cour de Cassation en 1973. L’historien d’art Paul Haesaerts précisait dès 1947 dans « Renoir sculpteur » (Éd. Hermès, Bruxelles) : « Guino ne fut jamais simplement un acteur lisant un texte ou un musicien interprétant mécaniquement une partition. Ces derniers se contentent d’être des exécutants, ils ne participent en rien au processus de création. Guino était impliqué corps et âme dans l’acte créatif. On peut même affirmer avec certitude que s’il n’avait pas été là, les sculptures de Renoir n’auraient pas vu le jour. Guino était indispensable ».

Le procès ne fut pas intenté « contre » Renoir, réduction qui a été véhiculée dans de nombreux textes ou articles de journaux se référant à « l'affaire ». Le but du procès était de contribuer à dévoiler l'historique exceptionnel de ce processus de création et de rétablir l'apport original de Guino à l'œuvre sculpté, initialement occulté par Vollard. Un « praticien » sculpteur reproduit ou agrandit un modèle déjà existant, il s'agit d'une seule technique ou sculpture. Guino, lui, a fait une transposition de techniques : on passe de la peinture de Renoir à la sculpture de Guino, l'esprit de la peinture va transparaître dans l'esprit de la sculpture. Transmutation avérée entre deux artistes. Le phénomène a pu s'accomplir grâce à leur amitié et intense communauté de vue. Le peintre à ses toiles, au premier étage de la villa, et le sculpteur travaillant la glaise, dans l'atelier de sculpture des Collettes. Et c'est ce point unique et rare qui caractérise cette œuvre.

Expositions

À sa mort, l'atelier de Richard Guino comprenait plus de 200 sculptures (bois, bronzes, terres cuites, plâtres, ivoires, verres), de nombreuses céramiques et majoliques, plus de 200 peintures (portraits, paysages, natures mortes) et 3 000 dessins (aquarelles, gouaches, lavis, gravures, lithographies, monotypes, sanguines, fusains)… Ses nombreux dessins érotiques, révélés récemment, mettent en lumière la part dionysiaque de cet artiste au destin singulier.

  • « Renoir-Guino. Sculptures et dessins », Hôtel Bristol Paris, 1974
  • « Richard Guino », Paskine de Ginoux Strasbourg, 1976
  • « Rétrospective Richard Guino, sculptures, dessins », Maison de Renoir aux Collettes, Cagnes-sur-Mer, 1977
  • « Sculptures Renoir-Guino et Guino », Tokyo, 1989
  • « Ricard Guino Escultures i dibuixos », Ajuntament de Girona, Espagne, 1992
  • « Renoir-Guino » Musée Océanographique de Monaco en octobre 1994, à Bruges en Belgique en juillet 1995, à Cannes et à Monaco en juillet-août 1996, à Busto Arcizio au Museo delle Arti Palazzo Bandera en mai-juin 1997
  • « Biennale de Shanghai », première édition, 2003
  • « L’érotisme dans l’œuvre de Richard Guino », Louvre des Antiquaires, Paris 2006
  • « Renoir au XXème siècle », Galeries nationales du Grand Palais, Paris, du 23 septembre 2009 au 4 janvier 2010

Les sculptures Renoir-Guino sont présentées dans les plus grands musées : Musée d’Orsay Paris, Tate Gallery Londres, Moma New-York, Contemporary Sculpture Center Tokyo, etc.

Depuis 1992, le musée de Gérone (Espagne), sa ville natale, propose une exposition permanente d'œuvres de Richard Guino. Un ensemble de pièces est visible à Antony (Hauts-de-Seine) dans son ancien atelier.

Références

  • Renoir sculpteur - Paul Haesaerts, éd. Hermès, Bruxelles, 1947
  • La sculpture de ce siècle. Dictionnaire de la sculpture moderne - Michel Seuphor, éd. Griffon, 1959
  • Souvenirs de Richard Guino notés par Denis-Jean Clergue - Cahier d'activités n°9, Archives du Château-Musée Grimaldi, inv.67-20, 1966-67
  • Rétrospective Richard Guino, sculptures, dessins - Catalogue, Maison de Renoir aux Collettes, Cagnes-sur-Mer, 1977
  • Ricard Guinó, retorn a casa - Contribution de Francesc Fontbona, Catalogue de l'exposition Ricard Guinó. Escultures i dibuixos, Ajuntament de Girona, Octubre 1992, pàgs. 11-17.
  • Renoir-Guino - Catalogue, éd. Galerie Henri Bronne, Monaco, septembre 1994
  • Renoir-Guino - Catalogue, éd. Museo delle Arti Palazzo Bandera, 1997
  • L’érotisme dans l’art de Richard Guino - Contribution de Lydia Harambourg, Catalogue Galerie Spicilège, Louvre des Antiquaires, Paris 2006
  • Renoir-Guino : duo-duel - Contribution de Guillaume Aral, Catalogue de l'exposition Renoir et les familiers des Colettes, Musée des Collettes, Cagnes-sur-Mer 2008
  • Renoir sculpteur ? - Contribution d'Emmanuelle Héran, Catalogue de l'exposition Renoir au XXème siècle, Galeries nationales du Grand Palais, Paris 2009

Liens externes

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