- Rhinocéros (théâtre)
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Rhinocéros (Ionesco)
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TechniquesLe portail du théâtre Rhinocéros d'Eugène Ionesco est une pièce de théâtre en quatre tableaux pour trois actes (le deuxième est divisé en deux tableaux), en prose, créée dans une traduction allemande au Schauspielhaus de Düsseldorf le 6 novembre 1959, publiée en français à Paris chez Gallimard la même année puis créée dans sa version française à Paris à l’Odéon-Théâtre de France le 22 janvier 1960 dans une mise en scène de Jean-Louis Barrault.
En avril 1960, Rhinocéros fut monté à Londres au Royal Court Theatre dans une mise en scène d'Orson Welles avec Laurence Olivier dans le rôle de Bérenger.
Pièce emblématique du théâtre de l'absurde au même titre que La Cantatrice chauve, la pièce dépeint une épidémie imaginaire de « rhinocérite », maladie qui effraie tous les habitants d'une ville et les transforme bientôt tous en rhinocéros.
Cette pièce est généralement interprétée comme une métaphore de la montée des totalitarismes à l'aube de la Seconde Guerre mondiale et aborde les thèmes de la conformité et de la résistance.
Sommaire
Personnages et distribution à la création
Par ordre d'entrée en scène :
- La Ménagère
- L'Épicière
- Jean
- Bérenger : Jean-Louis Barrault
- La Serveuse : Jane Martel
- L'Épicier
- Le Vieux Monsieur : Robert Lombard
- Le Logicien : Jean Parédès
- Le Patron du café
- Daisy : Simone Valère
- Monsieur Papillon : Michel Bertay
- Dudard : Gabriel Cattand
- Botard
- Madame Bœuf : Simone Paris
- Un Pompier
- Monsieur Jean : William Sabatier
- La femme de Monsieur Jean
Résumé
Cette pièce se divise en trois actes, chacun montrant un stade de l'évolution de la « rhinocérite ».
Acte I
Dans l'acte I, les rhinocéros en liberté provoquent tout d'abord l'étonnement et choquent les personnages. Jean ne parvient pas à croire que ce qu'il a vu était réel, il énonce même clairement « cela ne devrait pas exister ». L'épicier jette un cri de fureur (révolutionnaire) en voyant la ménagère partir avec son chat ensanglanté « Nous ne pouvons pas nous permettre que nos chats soient écrasés par des rhinocéros ou par n'importe quoi ! ». Comme à la montée de chaque mouvement politique extrême et totalitariste, les gens sont tout d'abord effrayés.
Acte II
Les habitants commencent à se transformer en rhinocéros et à suivre la rhinocérite. C'est là que l'on relève les premières oppositions clairement marquées, selon Botard c'est « une histoire à dormir debout ! », « c'est une machination infâme ». Ce dernier ne veut pas croire en la réalité de la rhinocérite (comme certains ont pu nier la montée des extrêmes). Mais pourtant lui aussi va se transformer en rhinocéros malgré ces préjugés, comme quoi même les plus résistants se font avoir par les beaux discours de la dictature. Les personnes commencent à se transformer en rhinocéros : c'est le cas de Monsieur Bœuf, rejoint ensuite par sa femme, « je ne peux pas le laisser comme ça » dit-elle pour se justifier. Les pompiers sont débordés, le nombre de rhinocéros augmente dans la ville. Ensuite, Jean, personnage si soucieux de l'ordre au départ et si choqué par la présence de rhinocéros en ville, se transforme lui-même en rhinocéros, sous les yeux désespérés de son ami Bérenger. On assiste ainsi à la métamorphose d'un être humain en rhinocéros. Jean est tout d'abord malade et pâle, il a une bosse sur le front, respire bruyamment et a tendance à grogner. Puis il verdit de plus en plus et commence à durcir, ses veines sont saillantes, sa voix devient rauque, sa bosse grossit de plus en plus pour former une corne. Jean refuse que son ami appelle un médecin, il parcourt sa chambre tel une bête en cage, sa voix devient de plus en plus rauque et Jean émet des barrissements. Selon lui, il n'y a rien d'extraordinaire au fait que Bœuf soit devenu rhinocéros, « Après tout, les rhinocéros sont des créatures comme nous, qui ont le droit à la vie au même titre que nous ! », lui qui était si cultivé, si littéraire, il proclame soudain « l'humanisme est périmé ! Vous êtes un vieux sentimental ridicule. »
Acte III
Au dernier acte, tout le monde devient rhinocéros, même Daisy et Dudard (un collègue de travail et un « scientifique »). Bérenger est le seul à réagir humainement et à ne pas trouver cela normal. Il s'affole et se révolte contre la rhinocérite. Dudard minimise la chose puis devient rhinocéros car son devoir est « de suivre [ses] chefs et [ses] camarades, pour le meilleur et pour le pire ». Et Daisy refuse de « sauver le monde » pour finalement suivre les rhinocéros qu'elle trouve soudainement beaux, dont elle admire l'ardeur et l'énergie. Finalement, après beaucoup d'hésitation, Bérenger décide de ne pas capituler : « Je suis le dernier homme, je le resterai jusqu'au bout ! Je ne capitule pas ! »
Interprétation
Il s'agit d'une fable dont l'interprétation reste ouverte. Beaucoup y voient la dénonciation des régimes totalitaires (nazisme, stalinisme et autres) et celle du comportement grégaire la foule qui suit sans résister. Ionesco dénoncerait ainsi plus particulièrement l'attitude des Français aux premières heures de l'Occupation, mais aussi le fait que tous les totalitarismes se confondent pour attenter à la condition humaine et transformer en monstre le meilleur des hommes, qu'il soit intellectuel (comme « le Logicien »), ou celui qui, comme Jean, est épris d'ordre. Bérenger, dont le spectateur découvre la mutation tout au long de la pièce est le seul à résister face à l'épidémie de « rhinocérite ». C'est le seul à avoir des réactions normales face à cette épidémie : « Un homme qui devient rhinocéros, c'est indiscutablement anormal ». Il représente la résistance qui, petit à petit, se forme lors de la Seconde Guerre mondiale. Ionesco utilise, dans son œuvre, l'absurde et le comique, pour accentuer son propos.
Une satire sur les comportements humains et leur influence face à la montée d’une idéologie :
Il ressort bien qu’un phénomène minoritaire mais violent entraîne l’incrédulité des habitants qui le rejettent dans un premier temps ; cependant ce rejet est suivi d’une indifférence quand le phénomène s’amplifie, les gens commençant à s’habituer à ce qui les repoussait. Un point crucial mis en avant par Ionesco est la passivité du peuple qui assiste à cette montée en puissance.
Par la suite un basculement important s’opère à savoir l’extension du mouvement qui rallie de plus en plus de personnes ; Ionesco souligne bien la capacité d’un tel phénomène à rallier des gens différents autour d’un thème central (ici la sauvagerie) et le fait qu’il profite des frustrations et autres déceptions de chacun.
Enfin, une fois le phénomène étendu, l’auteur suggère l’uniformité, la masse ayant adhéré en totalité, ne restant qu’une seule personne, celle dont justement on raillait la rêverie et l’inaction, pour résister et s’opposer lucidement face à cette folie collective.
Originalité de l'œuvre
- Le dérèglement du langage
Comme dans la plupart des pièces de Ionesco, l'auteur utilise pour symboliser une dérive d'un mode de pensée, un dérèglement de la parole. Ce dérèglement apparait à plusieurs reprises dans la pièce, mais le passage le plus significatif est le discours du logicien au vieux monsieur. En effet ce passage est une série de faux syllogismes utilisés par le logicien pour « séduire » le vieux monsieur et le convaincre de la grandeur de la logique.
- Un esprit de système
On peut rapidement remarquer que les personnages présents dans la pièce (à l'exception de Bérenger) sont enfermés dans un esprit de système. En effet le logicien ne pense et n'analyse la situation qu'en utilisant la logique, laquelle lui permettrait de tout comprendre. Il ne peut analyser que par une approche de logicien, tout comme monsieur Papillon ne le fait que par une vision de directeur. On remarque aussi que Jean analyse la situation en termes d'extrême droite (grandeur de la force, de la volonté) tandis que Botard aboutit à la même conclusion avec une approche plus voisine du gauchisme qui sera plus tard nommé soixante-huitard (expression sans restriction des désirs et besoins de l'individu). Ionesco suggère ainsi que l'esprit de système, quel qu'il soit, peut conduire de proche en proche à la justification de l'inacceptable - symbolisé dans la pièce par la transformation en rhinocéros.
- Les registres mêlés
Contrairement aux pièces classiques, dans lesquelles le registre utilisé apparaît dès la scène d'exposition, Rhinocéros est caractérisé par différents registres. Tout d'abord le registre fantastique. En effet, l'apparition d'un rhinocéros est celle d'un élément surréaliste dans un cadre réaliste. De plus, le registre comique, par le comique de gestuelle, de langage (la faillite du langage), répétition, mais aussi par l'impression de désordre qui caractérise la pièce, est présent. Enfin le registre tragique est annoncé dès la première scène par la perte progressive du langage, et par le décalage d'attitudes entre Bérenger et les autres personnages.
Adaptations
La pièce a été adaptée dans un film du même nom sorti en 1974 et dirigé par Tom O'Horgan, avec Zero Mostel, Gene Wilder et Karen Black[1].
Une adaptation musicale a été créée en 1990 sous le titre Born Again au Chichester Festival Theatre, par Peter Hall, Julian Barry et le compositeur Jason Carr[2].
Autour de l'œuvre
- Cette pièce aurait inspiré Jacques Ferron à fonder le Parti Rhinocéros en 1963.
- En Roumanie, la première représentation d'une pièce signée Ionesco a eu lieu en 1964, au Théâtre de Comédie, dirigé à cette époque par le grand comédien roumain Radu Beligan.
Notes et références
- Portail du théâtre
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