Reception de l'indu en droit quebecois

Reception de l'indu en droit quebecois

Réception de l'indu en droit québécois

Sous le régime du Code civil du Bas-Canada il était question du quasi-contrat qui résultait de la réception dune chose non due[1]. La doctrine et la jurisprudence y faisaient référence sous lappellation « paiement de lindu » ou « répétition de lindu »[2]. Cest le législateur qui utilisa lexpression « réception de lindu » dans le nouveau Code civil du Québec. Les articles 1491 et 1492 C.c.Q. reprennent presque intégralement les règles du droit antérieur sur la question.

La réception de lindu est laction par laquelle un individu qui a effectué un paiement peut demander sa restitution. Celui-ci doit donc avoir exécuté un paiement quil navait pas à effectuer. En effet, pour quil y ait un véritable paiement, il doit y avoir, au départ, une dette. Il est normal que ce qui a été payé sans quil y ait obligation soit sujet à la réception de lindu[2].

Pour quon puisse profiter de la réception de lindu, la situation doit respecter certaines conditions. Tout dabord, il doit y avoir une absence dobligation, puis le paiement doit avoir été effectué par erreur ou pour éviter un préjudice, de plus dans certains cas le créancier devra avoir conservé ses droits. Il est ensuite intéressant de comprendre les effets de la réception de lindu. Leffet principal est évidemment la restitution des prestations. Il existe deux sortes de restitution, soit en nature ou soit par équivalent. De plus, dans certains cas, il y aura des indemnités accessoires. Il est également important de noter que les effets de la réception de lindu ne seront pas totalement identiques, quil sagisse dune personne protégée ou non.

Sommaire

Les conditions

Les articles 1491 et 1492 du Code civil du Québec énoncent les conditions préalables à la réception de lindu. En sappuyant sur ces articles, le juge Richard Landry, dans le jugement Nadon c. Cormier de la Cour du Québec, énumère les trois conditions qui donnent lieu à la réception de lindu. Ces trois conditions sont la présence « [d’] un paiement », « [d’] une absence de dette » et « que le paiement a été fait par erreur »[3]. Cest le demandeur de laction en répétition de lindu qui a le fardeau de prouver que ces trois conditions sont dûment remplies[4].

Absence de dette

Pour donner lieu au paiement de lindu, aucune obligation ni dette ne doivent exister, tout au moins entre les solvens et les accipiens[5] . Les auteurs Baudouin et Jobin, dans leur traité sur Les obligations, écrivent à ce sujet:

« Il ne peut y avoir réception de l'indu dans l'hypothèse le solvens est véritablement débiteur du plein montant de la somme ou de la chose à l'égard de l'accipiens-créancier, en vertu d'un lien d'obligation de nature contractuelle ou légale. En effet, celui qui paye ce qu'il doit exécute l'obligation à laquelle il était tenu et éteint celle-ci valablement[6]. »

Trois situations pourront donc se présenter, toutes remplissent la condition dabsence de dette.

Lobligation na jamais existé
Cest le cas le solvens a effectué un paiement pour une dette qui nexiste pas ou qui nexistait plus. Par exemple, un héritier paie une dette en conformité avec un testament qui a été révoqué, à son insu, par un testament plus récent [7]. Cest également le cas du solvens qui paie une dette qui a déjà été payée ou qui paie plus que ce quil doit [8]. Dans tous ces derniers cas, le solvens remplit la deuxième condition de la réception de lindu.
Lobligation existe, mais dans un rapport avec un créancier autre que le véritable accipiens
Cest le cas très simple un solvens, qui est le vrai débiteur dune créance, effectue un paiement à quelquun qui nest pas le véritable accipiens de la créance. Il ny a donc pas dobligation entre le solvens et laccipiens[9] .
Lobligation existe, mais dans un rapport avec une personne autre que le solvens
Cest la situation le véritable créancier reçoit paiement de sa créance, mais par le mauvais débiteur. Il y a vraisemblablement une dette, mais cest la mauvaise personne qui a effectué le paiement. Il y donc absence dobligation entre le solvens et laccipiens[9]

Les articles 1047 et 1048 C.c.B.C. avaient créé une ambiguïté qui sera corrigée par le nouveau code. En effet, larticle 1047 C.c.B.C. faisait état de la deuxième situation dabsence de dette, lerreur sur laccipiens. Ensuite, larticle 1048 C.c.B.C. était explicite : « celui qui paie une dette, sen croyant erronément le débiteur, a droit de répétition contre le créancier. », larticle faisait état de la troisième situation dabsence dette. Même si la jurisprudence reconnaissait la première situation qui implique une erreur sur le créancier [10], le législateur en 1866 ne la pas intégrée dans le Code civil. Le Code civil du Québec corrigea cette difficulté en faisait une disposition dune portée beaucoup plus générale, larticle 1491 C.c.Q: « Le paiement fait par erreur […] oblige celui qui la reçu à le restituer. »

Paiement fait par erreur ou pour éviter un préjudice

Le paiement nest pas une condition qui pose beaucoup de problème au niveau de son analyse car le paiement est à la base et est essentiellement la cause de laction en réception de lindu. Le solvens doit tout de même faire la preuve de ce paiement. Le paiement volontaire dune obligation naturelle noccasionne pas la réception de lindu [11]. Cest tout à fait normal, car payer volontairement et en toute connaissance de cause une dette naturelle, cest payer ce qui est . Cependant, le solvens qui paie une obligation naturelle croyant quil est tenu par une obligation civile peut profiter du régime de la réception de lindu [9].

Si le solvens effectue un paiement en sachant très bien quil ne doit rien à laccipiens, il faudra considérer ce paiement comme étant une intention libérale. Cest donc dire que lerreur est une condition essentielle à laction en réception de lindu [9]. Dans larrêt Société nationale de fiducie c. Robitaille, le juge Turgeon écrivait : « Lerreur est une des conditions essentielles pour donner lieu à la réception de lindu et le fardeau de la preuve repose sur les épaules du réclamants que lon appelle généralement le solvens. »[4] Cette action implique nécessairement une erreur de la part du solvens, que cette erreur soit de fait ou de droit[12] . Laccipiens tant quà lui, na pas nécessairement besoin davoir fait une erreur, puisque le Code envisage indirectement que laccipiens soit de mauvaise foi [13].

La jurisprudence a étendu à la réception de lindu, la position contenue dans le nouveau Code civil du Québec en matière de vices du consentement. La juge Suzanne Courteau de la Cour supérieure sest exprimé ainsi :

« En conséquence, en application de plusieurs principes reconnus d'interprétation des lois, le Tribunal estime pouvoir utiliser la même notion d'erreur en matière de réception de l'indu que celle que le législateur a imposée au chapitre des vices de consentement.[14] »

Donc, tout comme lerreur inexcusable ne permet pas dobtenir la nullité du contrat, elle ne permet pas dobtenir la répétition de lindu[15] .

Dautre part, si un paiement a été effectué dans le cadre dun contrat qui sera par la suite annulé ou résolu, il y aura en quelque sorte un paiement fait par erreur. Mais la preuve de cette erreur ne sera pas nécessaire[16] . En effet, cette situation est directement visée par le régime de la restitution des prestations[17] .

Enfin, larticle 1491 C.c.Q. codifie la situation du solvens qui effectue un paiement volontairement, tout en sachant quil ne doit rien, mais dans le but déviter un préjudice. Ainsi celui qui paie parce quil est contraint ou forcé, tout en sachant ne rien devoir, peut prouver quil ne doit rien et réclamer la restitution de son paiement [18]. On doit prendre la contrainte dans un sens relativement large. Elle inclut donc celui qui paye sous protêt, celui qui paye volontairement et celui qui paye par ignorance, afin déviter un préjudice, car dans les trois cas le paiement a été effectué sous contrainte[19] . Le législateur a tout de même énoncé une limite. En effet, le solvens doit manifester le fait quil ne reconnaît pas lexistence de la dette et quil ne renonce pas à la répétition de lindu [12]. Lors dun procès par exemple, le solvens doit faire le paiement sous protêt [20].

Laccipiens doit avoir conservé ses droits

Dans le cas de la troisième situation décrite plus haut, celle celui qui reçoit le paiement est le véritable créancier de lobligation, mais celui qui a effectué le paiement nest pas le bon débiteur, le Code civil exige une troisième condition pour avoir recours au régime de la réception de lindu. Le créancier doit avoir conservé ses droits [21]. Larticle 1491 al. 2 C.c.Q. énonce les différentes situations qui peuvent arriver.

Dans un premier temps, si laccipiens détruit son titre de créance après avoir reçu le paiement de la dette quil croyait éteinte, il ny aura pas lieu à la réception de lindu[22] . Il en est ainsi car il serait difficile par la suite, pour laccipiens, de prouver sa créance à lencontre du véritable débiteur. Cette solution peut paraître injuste, mais il ne faut pas oublier que cest le solvens qui a effectué une erreur. Encore faut-il que laccipiens soit de bonne foi[21] . De plus, la restitution du paiement naura également pas lieu si laccipiens sest privé dune sûreté sur sa créance ou sil a désormais une créance prescrite [22].

Prescription
À moins quune loi particulière fixe un délai autre pour une situation précise, laction en réception de lindu se prescrit dans un délai de trois ans à compter du jour du paiement[23] .

Lorsque lensemble de ces conditions seront remplies, il y aura effectivement paiement de lindu et le solvens pourra exercer laction en réception de lindu [24].

Les effets

Notes

  1. Art. 1047 à 1052 C.c.B.C.
  2. a et b Jean Pineau et Serge Gaudet, Théories des obligations, 4e éd., Montréal, Temis, 2001, p.467.
  3. Nadon c. Cormier (11 février 2004), Joliette 705-02-010321-024, J.E. 2004-776 (C.Q.), p. 6.
  4. a et b Société nationale de fiducie c. Robitaille, [1983] C.A. 521 à la p. 526.
  5. Pineau et Gaudet, supra note 2 à la p. 468; solvens : habituellement le débiteur, celui qui a effectué le paiement, accipiens : habituellement le créancier, celui qui a reçu le paiement.
  6. Jean-Louis Baudouin et Pierre-Gabriel Jobin, Les obligations, 5e éd., Cowansville (QC), Yvon Blais, 1998, p.423.
  7. Pineau et Gaudet, supra note 2 à la p. 468.
  8. Voir par ex. Meunerie Philippe Dalphond et fils inc. c. Joliette (Ville de) (12 décembre 1996), Joliette 705-05-000049-950, J.E. 97-450 (C.S.).
  9. a, b, c et d Pineau et Gaudet, supra note 2 à la p. 469.
  10. Voir par ex. New York Central System c. Sparrow, [1957] B.R. 808.
  11. Art. 1554 al. 2 C.c.Q.
  12. a et b Art. 1491 al. 1 C.c.Q.
  13. Art. 1491 al. 2, 1701, 1703 à 1705 C.c.Q.
  14. Steckmar Corp. c. Consultants Zenda ltée (26 avril 2000), Montréal 500-17-000800-972, REJB 2000-18212 (C.S.), p. 20.
  15. Art. 1400 al. 2 C.c.Q.
  16. Baudouin et Jobin, supra note 6 à la p. 556.
  17. Art. 1699 C.c.Q.
  18. Pineau et Gaudet, supra note 2 à la p. 471.
  19. Château c. Placements Germarich Inc., [1990] R.D.J. 625 à la p. 631.
  20. Pineau et Gaudet, supra note 2 à la p. 472.
  21. a et b Pineau et Gaudet, supra note 2 à la p. 473.
  22. a et b Art. 1491 al. 2 C.c.Q.
  23. Art 2925 C.c.Q.
  24. Pineau et Gaudet, supra note 2 à la p. 474; Anglehert c. Chenel, [1950] C.S. 307, à la p. 310.

Voir aussi

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