Rapière

Rapière
Garde de rapière damasquinée en argent, entre 1580 et 1600. Lame factice.
Rapière, première moitié du XVIIe siècle.

La Rapière (de l'espagnol espada ropera: littéralement épée à vêtement, épée que l'on porte en habits de ville) était une épée longue et fine, à la garde élaborée, à la lame flexible, destinée essentiellement aux coups d'estoc. On notera que la rapière, même si elle n'est pas faite pour trancher un homme en deux, est affûtée, et qu'elle peut causer de sérieuses entailles si un coup à la volée atteint l'adversaire. Seules les "épées de cour" (et certaines grandes "épées de guerre" du XVe ou XVIe siècle) ont des lames uniquement destinées à l'estoc, lames qui sont d'ailleurs de section ronde, carrées, triangulaires ou de toute autre forme qui la dépourvoit de tranchant.

Sommaire

Histoire

C'est une arme très courante entre la fin du XVe et la fin du XVIIe siècle. Pour mieux situer dans le temps et comprendre l'apparition de la rapière, il convient de se pencher un peu sur son "ancètre": l'épée de taille et d'estoc. Elle apparait tout d'abord, dans sa forme la plus basique, en Espagne dans la seconde moitié du XVe siècle sous le nom de espada ropera (explication dans l'introduction), et consiste en une épée à la lame plus légère, et à la garde plus élaborée et plus ornée, qui peut donc se porter à la cour. Autour de cette arme les Espagnols développent un système de combat très efficace basé sur des cercles, une vision de l'espace et des attaques en pointe très "mathématiques", techniques longtemps tenues secrètes.[réf. souhaitée]

L'arme est importée en Italie à la fin du XVe siècle, mais pas son maniement. Alors, à partir des systèmes de combat mediévaux de Dei Liberi et Vadi, des maîtres d'armes italiens tels que Lippo Bartolomeo Dardi (école de Bologne) développent à leur tour une nouvelle école d'escrime. Pour mieux protéger la main qui, par manque de fer, ne peut être gantée, ils ménagent sur la nouvelle épée un ricasso (espace entre la lame et la poignée) autour duquel vont se placer ce qu'on appelera les pas d'âne (un sur chaque quillon), anneaux destinés à protéger l'index, dont la nouveauté consiste à placer ce dernier au-dessus du quillon avant (pour une meilleure prise de l'arme). Enfin ils complètent la garde par une branche de garde partant de la base du quillon avant et rejoignant le pommeau, destinée à protéger les trois autres doigts de la main maintenant la fusée (poignée). La lame, bien que plus fine que ses devancières médiévales, reste plus large que celles dont seront équipées la majorité des rapières, et est d'ailleurs le plus souvent de section hexagonale. Cette spada da lato (nom donné à l'arme en Italie) s'exporte dans une partie de l'Europe durant le XVIe siècle (en France, sous le règne de Charles IX, qui verra la création de l'académie des maîtres d'armes en 1567) et perdure jusqu'à environ la fin de ce siècle (il s'avère qu'elle a en réalité coexisté avec la rapière, son évolution). Parmi les innovateurs, principalement italiens, on notera un petit nombre de français, dont Henry de Saint-Didier (1573), et Noël Carré. Parallèlement, les espagnols perfectionnent leurs techniques, avec des maîtres comme Jerónimo de Carranza (De la filosophia de las armas y de su destreza, 1582), qui sera à l'origine de la Verdadera Destreza.

Plus tard, pendant la seconde moitié du XVIe siècle, les épées subiront plusieurs changement. En effet, les gardes verront leurs quillons s'entourer de deux anneaux perpendiculaires à ceux-ci, partant du haut du ricasso, et à partir desquelles d'autres branches viendront éventuellement s'ajouter, de part et d'autre de la poignée à la branche de garde initiale. Ce panier, protégeant davantage la main, puisque l'enveloppant presque totalement, contribue, avec l'allongement et l'affinement des lames (à section losangique, destinés alors plus à l'estoc) à l'avènement de la rapière.

À partir de la fin du XVIe siècle, les techniques italiennes vont de plus en plus inclure la dague main-gauche (remplaçant éventuellement la rondache) dans l'armement du tireur. Et c'est autour de cette école italienne que les maitres d'arme français et anglais vont se fixer. Ainsi, c'est à l'aube du Grand Siècle que la rapière et la dague deviennent inséparables. C'est également à cette époque que les Italiens, qui vont alors entrer dans leur période Baroque, vont, à l'image de ce mouvement, donner un caractère plus excessif et plus généreux à l'esthétique de la garde. Et c'est la rapière en squelette telle que on se la figure: multiplication des anneaux du panier, rajout d'autres branches de garde...

Au début du XVIIe siècle, c'est la suprématie du style italien, avec l'importance de maîtres d'arme tels que Salvator Fabris (Lo Schermo, overo Scienza d’Arme, 1606), puis Ridolfo Capoferro (1610). Les lames des rapières sont alors longues et effilées. La lame ne servant pas à trancher, et étant très légères par rapport à une épée de taille, elle a l'avantage de pouvoir être très longue, sans que l'on ne se soucie de la taille ou du poids de la poignée, du centre de gravité ou de la place du point de coupe le plus important. On a donc vu certaines rapières, comme celle du célèbre d'Artagnan, faire 1 m 20 de lame, avec, toujours, une poignée à une main caractéristique aux rapières.[réf. nécessaire]

Mais à partir de 1620 environ, la rapière va aller de changement en changement. En effet, les allemands, sans pour autant s'intéresser énormément aux techniques d'estoc de l'arme, vont avoir l'idée de garnir de plaques les anneaux de sa garde. Ainsi, c'est la naissance de la garde Pappenheimer, qui malgré sa lourdeur, en séduira plus d'un pour son coté plus défensif. De la même manière, les espagnols, restés très classiques, vont, vers 1630, débarrasser la rapière de sa garde filiforme et compliquée en la remplaçant par un simple bol renversé (en taza, tasse en espagnol) d'où ne sortira plus en théorie qu'une seule branche de garde. C'est par cette arme que la Verdadera Destreza de Pacheco de Narváez (Grandezas de la espada, 1600 ; Nueva ciencia, 1632) pourra connaître un nouveau souffle. On notera que c'est cette garde en taza qui préfigurera les gardes des armes de l'escrime sportive actuelle.

Enfin, vers la fin du règne de Louis XIII apparaît en France une nouvelle lame, plus légère: la lame à pans creux (de section triangulaire, à trois pans), uniquement destinée à l'estoc. On s'empresse alors d'équiper les nouvelles armes espagnoles de ces lames, en allégeant encore une fois le tout (raccourcissement net du ricasso, ceci entraînant inévitablement la construction de plus petites gardes en coupe). Cette nouvelle esthétique constitue la base des épées de cour du XVIIIe siècle. Ne pouvant plus servir qu'en société (trop faible contre les sabres militaires), elle donne tout de même à l'escrimeur l'occasion d'abandonner la dague, puisque sa légèreté permet de se défendre par la seule rapidité de l'arme. La main gauche, qui servait autrefois à tenir la dague (devant soi, en parallèle à la main droite), sert dorénavant de balancier et est placée derrière soi, au niveau de la tête. Le corps, qui adoptait alors une position plutôt écrasée (en particulier chez Fabris), se redresse et vient reposer sur la jambe gauche (pour les droitiers). Les pionniers de cette nouvelle escrime sont des maîtres comme Le Perche Du Coudray (1635)[réf. nécessaire] ou, un peu plus tard, Charles Besnard (1653). C'est le tout début de l'école française, le début de la prédominance française dans le monde de l'escrime.

Au début de la seconde moitié du XVIIe siècle, c'est la petite épée de cour qui voit le jour et qui, séduisant presque toutes les cours d'Europe, clôt le cycle de la rapière (bien qu'on en verra encore jusqu'à la fin du siècle).

Construction

Les lames sont forgées à Tolède et à Solingen, le fort de la lame ouvragé ou non par une ou des feuillures qui renforcent la rigidité.

Les gardes sont élaborées par les armuriers locaux. Deux genres, le filiforme et la coupe, l'Italie et l'Espagne.

Les courbes et les volutes des gardes filiformes italiennes (en Squelette) tiennent de la puissante envolée lyrique issue du baroque émergeant, multipliant les anneaux à partir du ricasso. Les branches se rejoignent autour du quillon pour s'échapper à nouveau avant d'aboutir au pommeau en haut de la garde. Cette rare élégance laisse toutefois des jours où se glisserait facilement une lame blessant la main. La réponse espagnole classique est la garde en Taza, coupe hémisphérique, qui préfigure les gardes d'épée sportive actuelles. Solution intermédiaire provenant d'Europe du Nord, les espaces entre les anneaux sont garnis de plaques, percées de losanges, trèfles pour la garde Pappenheimer. Les écoles françaises et anglaises multiplient les anneaux à partir du ricasso.

L'ultime évolution de la rapière en fait une épée de duel, parfaite quand elle est opposée à une autre rapière. On raccourcit progressivement le ricasso et la garde en coquille est nettement plus petite que sa devancière espagnole, en taza. De plus, on délaisse les trop lourdes lames de section losangique pour les nouvelles lames françaises de section triangulaire, communément appelées mousquetaires. Mais ces lame de 110cm sont encore un peu longue pour le corps à corps des batailles. Pour optimiser la vitesse de la pointe, on a allégé l'ensemble jusqu'à une largeur à la garde de 19mm et une épaisseur de 6mm, mais elle ne peut résister aux coups de taille des épées de cavalerie beaucoup moins élancées.

En Espagne, dans sa forme taza, elle persiste jusqu'au XVIIIe siècle pour la cour et jusqu'au XIXe dans les écoles d'escrime. Dans le reste de l'Europe, on adopte l'épée de cour, (issue de la rapière française "allégée" évoquée quelques lignes plus haut) à la garde plus simple et à la lame courte, 90cm, parfois de section triangulaire.

Voir aussi

Liens internes

Liens externes

Les Gentilshommes de la Brette - École d'escrime spécialisée dans la rapière et le XVIIe siècle

Escrime de Duel


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