- Pénibilité au travail
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La pénibilité au travail est un problème de société qui tend à s'étendre. Selon l'enquête SUMER de 2002/2003, la proportion de salariés exposés à au moins une pénibilité physique, en France, se situe à 56 %, toutes durées hebdomadaires d’exposition confondues (i.e. moins de deux heures à plus de vingt heures). Ces pourcentages représentent respectivement 9 800 000 salariés. En intégrant le critère de cumul de pénibilités physiques, 4 % des salariés, soit 700 000, cumulent au moins deux pénibilités physiques, dont la durée d’exposition est (pour chacune) supérieure ou égale à vingt heures par semaine. Et la liste des statistiques pourrait être longue dans le domaine.
Sommaire
La pénibilité, un concept complexe
La pénibilité au travail se révèle être un concept difficile à manipuler. En effet, il contient en lui-même un certain nombre de caractéristiques subjectives rendant son opérationnalité délicate :
- tout d'abord, les situations de travail sont généralement sous l'effet de multiple expositions, variant dans le temps et l'espace ;
- il y a des effets dus à la combinaison de ces différents facteurs ;
- le sujet d'une étude sur le thème est également un salarié avec les enjeux que cela peut impliquer ;
- il y a des enjeux sociaux différents d’une situation de travail à l’autre ;
- les parcours de vie, de santé et professionnels ne peuvent être dissociés.
De fait, toute intervention ergonomique sur la thématique de la pénibilité est socialement "située" : il va falloir prendre en compte les caractéristiques de la situation et du contexte au niveau social, économique et technique du moment.
Avec cet ensemble de facteurs qui interviennent de façon plus ou moins "objective" sur la pénibilité au travail, il est également important de prendre en compte le vécu de cette pénibilité en particulier pour en comprendre la construction et l'origine dans la situation de travail.
Évaluer la pénibilité
S'il est important de poser des critères "objectifs" pour évaluer la pénibilité, ça n'est pas sans amener d'autres problèmes. Il y a ainsi plusieurs façons d'évaluer la pénibilité :
Évaluer les facteurs de pénibilité
Parmi les facteurs de pénibilité que l'on pourra évaluer on va trouver :
- les contraintes physiques : les manutentions de charges lourdes,les contraintes articulaires et posturales, les vibrations transmises aux membres supérieurs par des machines, etc.
- les contraintes d'environnement :l’exposition au bruit, le travail au froid ou à la chaleur, l'exposition à des produits mutagènes, cancérogènes ou reprotoxiques, à des poussières ou fumées ou des rayonnements ionisants
- les rythmes de travail : les gestes répétitifs sous cadence élevée, le travail de nuit, le travail posté en équipes successives alternantes, les déplacements hors domicile, etc.
- les contraintes psychiques : l'exposition à un risque d'agression physique, les exigences du travail, les risques psychosociaux
Évaluer les effets de la pénibilité
Un certain nombre de critères plus ou moins faciles à définir peuvent permettre ce type d'évaluation : accident du travail, espérance de vie sans incapacité, état de santé et morbidité, …
Définir des critères permettant d'identifier les populations les plus sensibles
Pour des besoins de prévention à une échelle collective, il peut être intéressant de se pencher sur des critères du type : catégorie socio-professionnelle, parcours professionnels et « métiers spécifiques», âges, …
Évaluer n'est pas mesurer
Toutefois, on se trouve vite à une limite : évaluer, ce n'est pas mesurer. On ne peut donc pas parler de mesures objectivables ou vérifiables quand il s'agit de pénibilité. De plus on se trouve vite limité par la notion de pénibilité perçue.
Le regard de l'ergonomie sur la pénibilité
Identifier les contraintes réelles du travail
Lorsque l'on parle de pénibilité au travail, les écarts entre le travail tel qu'il est prescrit et le travail réel ne sont pas neutres. La pénibilité émerge souvent de contraintes qui n'ont pas été prévues, qui n'ont pas été intégrées dans la fiche de poste ou qui ont été minimisées. De fait, l'intervenant doit utiliser l'analyse ergonomique du travail pour administrer la preuve de ces écarts et de leurs conséquences afin de démontrer aux décideurs l'intérêt des préconisations.
Aller au-delà des normes
Il existe actuellement toute une série de «recommandations», de standards qui permettent d’évaluer scientifiquement (objectivement) les coûts du travail (voir INRS). Mais, il faut utiliser ces normes avec prudence. En effet, elle ne prennent pas en compte :
- les variabilités individuelles (qu'est-ce que l'homme "normal" ?) ;
- les composantes psychiques de la pénibilité ;
- les temps de latence entre les niveaux de sollicitation et leurs effets.
La gestion informelle de la pénibilité
Au sein des équipes de travail, il peut y avoir des régulations formelles ou informelles de la pénibilité, par exemple, en fonction de l'âge des salariés.
La pénibilité de pointe
Les demandes des entreprises et des décideurs incitent à évaluer la pénibilité moyenne alors que sur le "terrain", l’expression de la pénibilité porte souvent sur moments particuliers qui sont vécus comme plus pénibles que d'autres. On peut également se rendre compte avec les données issues de l’analyse de l’activité qu'il y une variabilité de l’astreinte (la réaction à la contrainte) entre un moment et un autre ou entre un salarié et un autre.
L’article 60 de la loi de réforme des retraites prévoit, parmi d'autres dispositions, l’obligation pour l’employeur de consigner dans une fiche, « les conditions de pénibilité auxquelles le travailleur est exposé, la période au cours de laquelle cette exposition est survenue ainsi que les mesures de prévention mises en œuvre par l’employeur pour faire disparaître ou réduire ces facteurs durant cette période ».
Voir aussi
Articles connexes
- Intervention ergonomique
- Analyse ergonomique du travail
- Ergonomie
- Risques psychosociaux
- Troubles musculosquelettiques
- Approche systémique
- Ergologie
Liens externes
- Société d'Ergonomie de Langue Française
- Page Ergonomie et Santé Sécurité du Travail du Portail du risque QHSE- Université Bordeaux 1 dép HSE
- Dossier sur la pénibilité - Ministère du Travail
- Accords de branche sur la prévention de la pénibilité au travail
Bibliographie
- François Guérin, François Daniellou, Jacques Duraffourg, Henri Rouilleault, Comprendre le travail pour le transformer. Éditions ANACT
- Yves Clot, La fonction psychologique du travail.
- Eric Brangier, Alain Lancry, Claude Louche, Les dimensions humaines du travail : théories et pratiques de la psychologie du travail et des organisations. Éditions des Presses Universitaires de Nancy
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