- Purépucha
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Tarasques
Cet article concerne un peuple amérindien. Pour la bête imaginaire, voir Tarasque.Les Tarasques (ou Purhepechas, purépucha, Tarascan) sont un peuple amérindien habitant le Michoacán et les États limitrophes du centre-ouest du Mexique. En 2000, l'Institut National Indigéniste recensait 121 409 locuteurs de langue tarasque (dont 103 168 bilingues tarasque / espagnol). Ces chiffres sont faussés car un certain nombre d'Indiens tentent de se faire passer pour métis devant l'enquêteur. La raison vient de ce que le terme Indio conserve dans le langage courant une connotation insultante et que les indigènes qui occupent le niveau le plus bas de l'échelle sociale sont victimes de discriminations. De plus, les enfants de moins de cinq ans ne sont pas recensés. Les estimations présentent donc une erreur d'environ 15 % (M. Antochiw, J. Arnauld, A. Breton).
Géographie physique du pays tarasque
Le pays tarasque s'étend sur les 2/3 nord de l'actuel Michoacan. Il peut être divisé en trois sous-régions que sont les bassins des rios Lerma et Tepalcatepec et l'Axe Néo-Volcanique.
Le bassin du rio Lerma
La limite septentrionale du royaume tarasque se caractérise par une succession de vallées que séparent des chaînes montagneuses. L'altitude générale tourne autour de 1500 - 2000 m. L'ensemble est irrigué par le bassin du rio Lerma, fleuve qui prend sa source dans l'État de Mexico et se déverse dans le lac de Chapala (1524 m) après un parcourt de 515 km.
L'Axe Néo-Volcanique
Immédiatement au sud, on trouve l'axe Néo-Volcanique qui traverse le centre du Michoacan d'est en ouest. Le volcan Paricutin (2800 m) est un des phénomènes naturels les plus connus de cette entité géographique de 880 km de long. Le relief se présente sous la forme d'une suite interminable de Montagnes entre lesquelles s'insèrent de petites vallées et des lacs situés entre 1500 et 2600 m. De par sa superficie, 111 km carré, le lac de Patzcuaro (2035 m) est le plus vaste. Il se rattache au système hydrographique du rio Lerma.
La dépression du rio Tepalcatepec
Une dépression inférieure à 1000 m borde la façade méridionale de l'Axe Néo-Volcanique. Cette limite méridionale du pays tarasque est constituée de petite collines qui délimitent en partie une plaine où coule le rio Tepalcatepec, principal affluent du rio Balsas.
Le climat
Un climat tempéré caractérise les hautes terres du pays tarasque: les hivers sont froids et secs, les étés chauds et humides. Les variations thermiques annuelles se situent entre 0° et 22°. La végétation est dominée par les pins, les chênes et les agaves. Une atmosphère tropicale règne sur le bassin du rio Tepalcatepec: Les températures annuelles qui ne descendent pas en dessous de 20° permettent la culture du coton, du cacao, du melon, de la mangue, de la vanille, de l'ananas, de la papaye, de l'ananas...
La Relation des cérémonies, des rites, des peuples et du gouvernement des Indiens de la province de Mechuacan
Contenu du manuscrit
L'essentiel de nos connaissances sur la civilisation tarasque provient de la Relation de Michoacan. Ce manuscrit daté de 1541, aujourd'hui conservé à la bibliothèque royale de l'Escorial (Espagne), comporte 140 pages divisées en trois sections : la première partie, presque entièrement perdue, était consacrée aux divinités et aux fêtes religieuses. La seconde partie narre l'histoire des tarasques depuis l'arrivée de nomades Chichimèques dans le nord du Michoacan jusqu'à la veille de la conquête espagnole. Le récit ne peut être pris au pied de la lettre puisque sa construction est structurée avant tout par la symbolique religieuse et l'idéologie politique. La troisième partie porte sur la venue des Espagnols ainsi que sur les us et coutumes des Indigènes.
Quel auteur?
Si l'auteur de la Relation de Michoacan nous est inconnu, nous savons Toutefois qu'il s'agissait d'un religieux espagnol de l'ordre de Saint François. À partir cet indice, plusieurs noms ont été proposés: Vasco de Quiroga (premier évêque du Michoacan), Fray Geronimo de Alcala (évangélisateur) ou encore Fray Maturino Gilberti (auteur du premier dictionnaire bilingue tarasque / espagnol).
Les motifs de la rédaction
C'est à la demande du vice-roi de la Nouvelle-Espagne, Don Antonio de Mendoza, que fut entrepris la rédaction de la Relation de Michoacan. Les informations furent recueillies oralement auprès des nobles tarasques.
Toponymes et ethnonymes
Purepecha
Les Tarasques actuels parlent d'eux-même sous le terme Purepecha. Ce nom, qui apparaît dans la seconde moitié du XVIe siècle et se traduit par « les Hommes », est la conséquence d'une incompréhension culturelle entre les Espagnols et les Tarasques. Les premiers cherchèrent à savoir sous quel ethnonyme s'identifiaient les seconds. Or, toutes les civilisations de l'Amérique pré-hispanique ignoraient ce qu'était un ethnonyme. Les Amérindiens se désignaient en tant que membre d'une cité et non d'une nation (Ch Duverger, 2003). L'une des raisons évoquées vient de ce que chaque culture préhispanique se caractérisait par une grande diversité linguistique : Les Tarasques parlaient non seulement le tarasque, mais aussi le nahua (parlé dans toute la Méso-Amérique), l'otomi, le mazahua et le matlatzinca. Plusieurs de ces groupes pouvaient vivre dans une même cité mais dans des quartiers séparés. Pour compliquer le tout, les traits culturels de la civilisation tarasque étaient nahuas mais la langue du pouvoir était le tarasque (la structure étatique était d'esprit nahua).
Tarasque
L'ethnonyme Tarasque apparait à la fin de la première moitié du XVIe siècle. Ce sont les Espagnols qui donnèrent ce nom aux Indiens du Michoacan. Les sources ethno-historiques de l'époque coloniales divergent quant à son étymologie :
- Selon F. Bernardino de Sahagún, le terme dériverait du nom du dieu Tares Upeme ou Taresupeme (il s'agit de Mixcóatl : divinité aztèque du Nord, de la chasse et de la voie lactée).
- Pour la Relation de Michoacán, le dictionnaire Espagnol / Tarasque de F. Maturino Gilberti ou la Relation de la Cité de Pátzcuaro (1581) de B. J. Martínez... l'ethnonyme désignerait soit le gendre, soit la belle-fille, soit les beaux-enfants des deux sexes, soit le beau-père, soit les beaux-parents.
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Michoacan
Les Aztèques appelaient le pays tarasque Michoacán que l'on peut traduire par : « le pays des pêcheurs ». ce nom nahua est composé d'un radical - Mich - (de Michin : "le poisson") + un suffixe possessif -oa- : « qui à, qui possède...» + un suffixe locatif -can-. Les habitants du Michoacán étaient les Michoaque.
Histoire de la civilisation tarasque
Le passé préhispanique du Michoacan se divise en deux grandes périodes :
- De 8000 à 1200 - 500 avant J.-C.
- De 1200 - 500 avant J.-C. à 1522 - 1530 après J.-C.
De 8000 à 1200 - 500 avant J.-C.
Vers 8000 avant J.-C.: Des petits groupes de chasseurs-cueilleurs de langue tarasque, on les appelle les Proto-Tarasques, s'installent au Michoacan. Ils se déplacent au gré des saisons en direction de sites déjà connus d'eux.
Vers 6000 - 5000 avant J.-C.: Développement de l'agriculture.
Vers 3000 - 2000 avant J.-C.: Sédentarisation des Proto-Tarasques. Apparition des premiers villages.
Vers 1500 / 1200 avant J.-C.: Invention de la céramique.
De 1200 - 500 avant J.-C. à 1522 - 1530 après J.C.
Entre 1200 et 500 avant J.-C.: Les Nahuas se superposent aux Proto-Tarasques. Les particularismes culturels de ces derniers sont intégrés dans le moule de la pensée nahua. Si la civilisation tarasque nait de ce syncrétisme, la mésoaméricanisation du Michoacan ne devient réellement effective qu'à partir de 500 avant J.-C.
Entre 500 avant J.-C. et 200 après J.-C.: apparition des premières traditions artistiques tarasques. Elles sont connues sous les noms de styles El Opeño (500 - 200 avant J.-C.) et Chupícuaro (500 avant J.-C. - 200 après J.-C.).
Entre 200 et 600 après J.-C.: De par ses valeurs culturelles et son esthétique, la civilisation Teotihuacan influence profondément le pays tarasque.
Entre 800 - 900 et 1200: Horizon toltèque. Le Michoacan et l'ensemble de la Mésoamérique connaissent une uniformisation de l'inspiration artistique.
Vers 1450: Naissance du royaume tarasque. La capitale Tzintzuntzan, laquelle était située sur la rive est du lac de Pátzcuaro, atteignait les 20000-30000 habitants au moment de la conquête espagnole.
1478 ou 1479: Les Aztèques tentent de soumettre le Michoacan. Ils connaissent la première défaite militaire de leur histoire.
Juillet 1522: La conquête espagnole du royaume tarasque est menée de manière expéditive et pacifique par Cristobal de Olid. Les Espagnols laissent le souverain Tangaxoan Tzintzicha sur le trône tout en le surveillant. Ses pouvoirs sont devenus insignifiants.
1525 : arrivée de missionnaires franciscains au Michoacan.
Juin-juillet 1529: Tangaxoan II est invité à Mexico par Nuño Beltrán de Guzmán. Ce dernier le fait prisonnier afin d'extorquer un maximum d'or aux Tarasques.
Décembre 1529 - février 1530: Nuño de Guzmán entreprend une longue série d'explorations et de guerres de conquête dans l'ouest et le nord-est du pays. Il arrive au Michoacán en janvier 1530. Accusé de cacher des trésors et de conspirer contre les Espagnols, Tangaxoan II est torturé puis exécuté en février 1530. Cette condamnation marque la fin de la civilisation tarasque.
Un gouvernement bicéphale
L'organisation étatique des Tarasques était de tradition méso-américaine. Le pouvoir était détenu par un conseil et un souverain appelé Cazonci. Les membres de l'élite politique et militaire (prêtres, guerriers et proches parents du souverain) siégeaient au conseil. Les décisions qui étaient prises au sein de cet organe ne l'étaient que selon la règle de l'acceptation de tous. La première fonction du conseil était de désigner un nouveau souverain, presque toujours un membre de la famille royale. Ses membres pouvaient éliminer physiquement le Cazonci si ce dernier n'était pas en phase avec leurs sentiments. Toutefois, il ne faut pas sous-estimer les pouvoirs du souverain: Il cumulait les charges de chef des armées, de grand prêtre et de juge suprême. Il recevait les ambassadeurs des cités vassales ou des territoires indépendants et présidait aux assemblées du conseil.
Un isolat linguistique
La langue tarasque n'appartient à aucun des phyla américains connus. Deux chercheurs ont tenté de mettre fin à cette situation d'isolat en faisant appel à la lexico-statistique: Il s'agit de comparer le vocabulaire de plusieurs langues puis d'en comptabiliser le pourcentage de racines communes. M. Swadesh découvrit ainsi des affinités entre le tarasque et l'aymara (parlé sur les rives du lac Titicaca), le quechua (parlé dans toutes les Andes centrales) ou encore le Zuñi (parlé dans le sud-ouest des États-Unis). J. H. Greenberg présente des conclusions radicalement différentes: la langue tarasque appartiendrait à un phylum nommé Chibcha-Paeza. Cette famille linguistique se divise en deux branches: le sous-groupe Chibcha, auquel appartient le groupe linguistique tarasque, et le sous-groupe Paeza. Les divergences de point de vue entre les études de M. Swadesh et de J. H. Greenberg nous incitent à utiliser les résultats obtenus à partir de la lexico-statistique avec la plus grande prudence.
Une écriture glyphique
Les Tarasques possédaient une écriture composée de pictogrammes (le glyphe représente la chose) et d'idéogrammes (le glyphe exprime un concept ou une idée). Un glyphe peut avoir un sens pictographique et idéographique (Ch. Duverger, 1999).
Un double calendrier
Comme toutes les civilisations de la Méso-Amérique, les Tarasques possédaient deux calendriers :
Un calendrier de 260 jours appelé Tonalpohualli en nahuatl: Deux suites de 20 signes et de 13 nombres compris entre 1 et 13 étaient combinées pour donner naissance à 20 divisions de 13 jours. Chacun d'eux était influencé par son signe, son nombre (lequel pouvait être néfaste, bénéfique ou neutre), la divinité associée au jour, celle de la treizaine, le point cardinal associé au jour (le centre, le nord, le sud, l'est et l'ouest qui ne contiennent qu'une connotation symbolique et abstraite. L'intégration des cinq directions dans le Tonalpohualli montrent que l'espace et le temps sont intimement liés.), la couleur du point cardinal... Ce système calendérique était utilisé à des fins divinatoires: les Méso-Américains consultaient des prêtres, les Tonalpouhque, pour définir la date d'un événement à venir (guerre, mariage, voyage, inauguration religieuse d'un édifice...), pour interpréter un fait survenu ou pour donner un destin et un nom à un nouveau-né.
Un calendrier de 365 jours appelé Xiuitl en nahuatl et Uriyata Miuqua en tarasque. Il comportait 18 mois de 20 jours auxquels il fallait ajouter 5 jours additionnels néfastes: les Nemontemi. On se servait de ce calendrier pour mesurer le temps historique, noter les hauts faits, les conquêtes, les guerres, la succession des souverains, les signes célestes, pour organiser les cycles agricoles...
La date de départ du calendrier de 260 jours coïncidait avec celle du calendrier de 365 jours tous les 52 ans. Ce long cycle était divisé en 4 périodes de 13 ans combinant 4 signes issus du Tonalpohualli et 13 chiffres allant de 1 à 13. L'ensemble formait les signes de chaque année. La première année d'une treizaine influençait les douze suivantes ainsi que la date du Tonalpohualli.
L'architecture
Les 5 Yacatas de Tzintzuntzan (1200 - 1500 après J.-C.)
Il s'agit du cœur cérémoniel de la capitale tarasque. L'ensemble est constitué d'une gigantesque terrasse artificielle haute de 18 m, longue de 425 m et large de 250 m. Elle est édifiée sur un terrain en pente au pied du mont Yaguarato. Un escalier permettait d'accéder au sommet de la structure où s'alignent 5 pyramides (ou Yacatas en langue tarasque). La plate-forme de chacun de ces 5 édifices est haute de 13 m. Elle présente un corps rectangulaire long de 75 m accolé à un corps circulaire d'un diamètre de 35 m. Un sanctuaire de plan cylindrique et à la toiture conique en chaume coiffait le sommet de la section circulaire. Un escalier reposait contre la face principale de la plate-forme rectangulaire. On peut observer de semblables constructions un peu partout en Mésoamérique : Ihuatzio, Tula, Cempoala, Tlatelolco/Tenochtitlan, Calixtlahuaca… Le chiffre 5 se rapporte à deux conceptions culturelles nahuas qui se rapportent aux 5 directions et au mythe de la création du monde.
Les Yacatas jumelles d'Ihuatzio (1200 - 1500 après J.-C.)
Ce site tarasque situé à quelques kilomètres de Tzintzuntzan possède deux pyramides jumelles contigües qui reposent sur une plate-forme rectangulaire. On accédait au sommet de chacune des deux structures par un escalier. Ce dernier menait à un sanctuaire de plan rectangulaire. Des édifices identiques existent dans la vallée de Mexico (Tlatelolco/Tenochtitlan, Tenayuca) ainsi que dans les hautes terres du Guatemala (Mixco Viejo). Les pyramides jumelles se rattachent au système de la pensée dualiste nahua où les contraires sont mutuellement complémentaires.
Le terrain de Tlachtli de Tingambato (800 - 900 après J.-C.)
Ce terrain de jeu de balle est le plus ancien que l'on connaisse au Michoacan. Il présente un plan en forme de I majuscule long de 36 m et large de 13 m. Deux structures latérales limitent l'allée sur ses côtés. Elles sont longues de 34 m larges d'1 m. Une banquette s'appuie sur chacune de ces deux structures. Sa hauteur varie entre 0,5 et 1 m. Sa longueur et sa largeur sont respectivement de 34 m et d'1 m. Deux zones terminales délimitent de petites aires situées au nord et au sud de l'allée. Elles couvrent une surface de 16 m par 1m. Leurs murs verticaux sont ornés d'un décor en Talud-tablero: Il s'agit d'un court talus incliné et surmonté d'un panneau vertical encadré par des corniches. Ce style apparait pour la première fois à Teotihuacan. Il survivra au déclin de la cité comme en témoignent des exemples d'époques toltèque et aztèque. Le Tlachtli (terme d'origine nahua qui signifie : « voir, regarder ») était un rituel présacrificiel nahua. Les parties opposaient deux équipes qui symbolisaient le dédoublement de l'astre solaire: diurne / céleste / masculin et nocturne / chtonien / féminin. Elles se disputaient une balle de caoutchouc dont la trajectoire évoquait le mouvement du soleil. Il faut voir dans ce rituel une réactualisation « théâtrale » d'une cosmologie fondée sur le dualisme. La finalité des parties de Tlachtli est le sacrifice de l'ensemble des joueurs, lesquels sont des prisonniers de guerre Il est important de mentionner le fait que tous les terrains de Tlachtli sont des sanctuaires religieux.
Les tombes à puits d'El Opeño (500 - 200 avant J.-C.)
Il s'agit de 12 sépultures présentant une chambre souterraine de forme ovale aménagée avec deux banquettes symétriques. L'accès à la chambre sépulcrale se faisait par un petit escalier aménagé dans un couloir central, lequel était comblé de terre et de gravas. Chaque tombe abritait plusieurs individus essentiellement masculins (peut-être le défunt et ses esclaves sacrifiés pour l'accompagner dans l'au-delà) déposés sur les banquettes avec des offrandes. Ces hypogées appartiennent à la tradition andine des tombes à puits que l'on retrouve en Colombie, sur la côte sud du Pérou (culture Paracas: 600 - 200 avant J.-C.) ainsi que dans l'ouest mexicain (Cultures des Tombes à Puits: 500 avant J.-C. - 600 après J.-C.). Les coutumes funéraires associées à cette architecture sud-américaine sont méso-américaines.
La sculpture
les Chac-Mool (1200 - 1500 après J.-C.)
Il existe cinq Chac Mool tarasques en basalte qui proviennent d'Ihuatzio et de Pátzcuaro. Ils représentent tous un homme à demi-couché sur le dos, redressé sur ses coudes, les mains sur le ventre, les genoux pliés et la tête tournée sur le côté. Bien qu'entièrement nu, il porte des ornements aux chevilles (?). Deux de ces Chac-Mool (exposés au Museo Nacional de Antropología de Mexico et au Museo Michoacano de Morelia) tiennent dans leurs mains un plateau. Ils sont sexués et ridés. La représentation du phallus (en érection?) renvoie aux principes de fertilité et de fécondité. Les rides expriment toujours la vieillesse. La taille des cinq sculptures tarasques varie fortement: entre 20 et 90 cm de hauteur et entre 30 et 160 cm de longueur. L'identité de ce curieux personnage masculin est débattue. L. López-Lujan et M.-F. Fauvet-Berthelot estiment que les Chac-Mool ne sont pas des images de culte au sens strict mais des messagers divins chargés de recueillir sur leurs ventres les cœurs humains arrachés dans le but de les offrir à l'astre solaire. L'usage cérémoniel de ces sculptures est incertain. A. López Austin, L. López-Lujan et M.F. Fauvet-Berthelot donnent plusieurs fonctions possibles : Tlamanalco (table d'offrande) ou Techcatl (pierre sacrificielle). La dernière hypothèse ne peut pas s'appliquer pour petites pièces. Les Chac-Mool tarasques témoignent de l'imprégnation culturelle nahua au Michoacán. Les archéologues ont découvert des pièces semblables dans toute la Mésoamérique: à Tenochtitlan, Tula, Chichen-Itza, Cempoala, dans l'État de Tlaxcala ainsi qu'au Salvador.
Les coyotes (1200 - 1500 après J.-C.)
Ces sculptures en basalte qui proviennent d'Ihuatzio sont au nombre de huit. Elles se divisent en deux groupes. Quatre coyotes sont représentés sur leurs quatre pattes et la queue dressée. Leurs troncs ont la forme d'un bloc rectangulaire, ce qui suggère que ces pièces aient pu servir de trône ou d'autel. Les quatre autres coyotes sontanthropomorphisés: La tête de l'animal est associée au corps d'un être humain nu et sexué. Il est debout, les jambes fléchies et les mains jointes sur l'abdomen. Celles-ci se touchent sans pourtant être jointes. Ces sculptures se doivent d'être mises en relation avec une pièce de l'American Museum of Natural History de New-York: Il s'agit d'un homme nu, debout, nu, sexué, les jambes fléchies et les mains jointes posées sur l'abdomen. Tous les coyotes ont la gueule ouverte, les dents dégagées et la langue pendante. Les yeux sont incisés. À quelle divinité correspondent ces sculptures? Les indices sont à chercher du côté de la symbolique de l'animal. Selon G. Olivier, le coyote était l'un des Nahualli (c'est la faculté qu'a une divinité ou un homme à se transformer en animal) de prédilection du dieu Tezcatlipoca (dieu aztèque du nord, de la nuit, du vent nocturne, de la grande ourse et protecteur des jeunes guerriers et des esclaves). Le plus connu de tous est Huehuecoyotl (dieu du rythme, de la danse et de la musique) Cet animal lubrique, qui mouchardait et semait la discorde, est souvent représenté le sexe en érection comme les coyotes anthropomorphisés d'Ihuatzio. Il se pourrait donc que nous ayons affaire à des effigies de Huehuecoyotl / Tezcatlipoca, plus connu chez les Tarasques sous le nom de Tiripeme Curicaueri.
La métallurgie
La métallurgie est née dans la Andes centrales vers 1500 avant J.-C. Les sud-américains l'exportèrent dans le nord-ouest de la Méso-Amérique, par voie maritime, à partir de 800 - 900 après J.-C.
Les haches (900 - 1500 après J.-C.)
Elles sont en cuivre, en bronze ou en alliages cuivre-bronze, étain-bronze-arsenic ou cuivre-bronze-arsenic. Selon Ch. Duverger, les haches en métal du Michoacán servaient de monnaie d'échange. Leur fabrication se faisait de la façon suivante : un homme souffle à l'aide d'une canne de soufflage dans un feu de braise. Du métal en fusion s'échappe du foyer, il s'agit d'un creuset en céramique, pour se déverser dans un moule. Selon D. Hosler, un martelage à froid donnait à la lame sa forme définitive, laquelle dérive du Tumi péruvien.
Les pinces à épiler (1200 - 1500 après J.-C.)
les premières pinces à épiler du Michoacán datent de 1200-1300 après J.-C. Les plus anciennes proviennent de l'Équateur et dateraient de 800 après J.-C. environ. Elles se caractérisent par des formes originales: rondes, rectangulaires aux bouts légèrement arrondis, en forme de Tumi péruvien avec ou sans spirales. L'élite tarasque Les portait ces objets autour du cou. Les pinces à épiler pouvaient être en or, en argent , en cuivre ou en alliages cuivre-argent, cuivre-or, cuivre-étain, cuivre-bronze-arsenic-étain ou cuivre-or-argent. Pour leur confection, L'orfèvre crée tout d'abord une pièce uniforme. Il supprime ensuite une partie de la surface du métal pour donner à l'ensemble la forme qu'il désire. celle-ci peut comporter 4 « membres » informes qui seront allongés pour donner naissance à un décor en spirale. L'artisan plie enfin la plaque de métal en deux.
Les grelots (900 - 1500 après J.-C.)
Les plus anciens grelots apparaissent en Colombie vers 200-500 après J.-C. La technique employée par les artisans tarasques pour leur fabrication est celle de la cire perdue: On utilise un moule fait d'un mélange de cire et de résine de copal enveloppé dans une gangue d'agile mêlée de matières organiques, souvent du charbon de bois. Après un temps de séchage, le moule est mis au jour de manière à faire s'écouler la cire par l'évent. Le métal en fusion est alors versé dans l'ouverture. Après refroidissement, on brise le moule. On ébarbe puis on polit avec une pierre l'objet démoulé. Après la fonte à la forme perdue, on soude l'attache et d'autres éléments de décor au moyen d'une pâte comportant une matière combustible et de l'oxyde de cuivre. Chauffés ensemble, la matière organique est carbonisée tandis que l'oxyde de cuivre s'unit avec le métal. Notons enfin que certains grelots présentent un alliage de cuivre-étain ou de cuivre-bronze-arsenic.
La céramique
Trois méthodes étaient en usage pour confectionner des céramiques en méso-Amérique: Le modelage en bloc, la technique du colombin et le moulage.La première consiste à prendre une grosse boule d'argile que l'on évide en son centre pour lui donner la forme voulue. On amincie ensuite les parois à la main. La base et le col sont modelés à part et ajoutés après coup. La seconde méthode était la plus répandue: Des boudins d'argile sont montés en spirales pour donner naissance aux parois de la céramique, lesquelles sont lissées pour donner une surface homogène sans imperfections. Le moulage nécessite que l'on sculpte au préalable un modèle dans une couche d'argile. Cette dernière est ensuite coupée en deux pour obtenir le moule. On remplit les moules d'argile pour confectionner une céramique. Le tour de potier était inconnu sur le continent américain. La cuisson se faisait soit à feu ouvert, soit dans un four maçonné ou non. Le four non maçonné est souterrain. Il est recouvert d'une couche de fumier sec de combustion facile sur lequel on répandait des tessons.
Les vases à anse en étrier (500 avant J.-C. - 200 après J.-C. et 1200 - 1500 après J.-C.)
Les vases à anse en étrier sont une tradition sud-américaine. Elles apparaissent en Equateur dès 1500 avant J.-C.. et en Méso-Amérique dès 1000 avant J.-C. Les premiers exemples tarasques sont datés entre 500 avant J.-C. et 200 après J.-C. Elles appartiennent aux styles El Opeño et Chupicuaro. Ils disparaissent du Michoacan vers 300 après J.-C. et réapparaissent autour du lac de Patzcuaro vers 1200 après J-C. L'anse de ces céramiques se caractérise par deux tuyaux courbes qui se rejoignent pour former le goulot. Les poteries à anse en étrier tarasques les plus récentes se distinguent des plus anciennes par la présence d'un bec verseur protubérant de forme tubulaire. J. L. Rojas Martinez (2004) y voit une connotation phallique en rapport avec les principes de fertilité et de fécondité.
Les céramiques tripodes (500 avant J.-C. - 1500 après J.-C.)
Les céramiques tripodes sont une caractéristique culturelle nahua que l'on trouve dans toute la Méso-Amérique dès 500 avant J.-C. La charge symbolique des trois pieds est à mettre en relation avec le feu: Les pierres plates sur lesquelles les Méso-Américains faisaient cuire leurs galettes de maïs reposaient toujours sur trois pierres. Le récipient tripode porte donc en lui l'essence même du foyer. Le chiffre 3 évoque aussi la triade sacrificielle eau / sang / jade: Le sang versé, symbolisé par le jade, est indispensable à la survie du monde tout comme l'eau.
Les Figurines creuses Chupicuaro (500 - 300 avant J.-C.)
La hauteur des figurines creuses de style Chupicuaro varie entre 30 et 40 cm environ. Il s'agit de représentations féminines sur pieds. On connaît toutefois quelques exemplaires masculins. Les cuisses sont parfois callipyges, le ventre est proéminent et les seins sont traités discrètement quand ils ne disparaissent pas. Le sexe est toujours représenté. Les Mains reposent sur le ventre. Elles ne portent pas d'ornements corporels mais quelques unes des figurines ont les lobes des oreilles percés. Le corps et quelquefois la tête de ces figurines sont peints. Les décors sont des motifs géométriques qui incluent des lignes en zig-zag, des rectangles... Les tonalités employées sont: rouge, crème et noir. Dans certains cas une sorte de bonnet semble allonger la tête. D'après des découvertes archéologiques récentes, ces statuettes pourraient avoir été associées à des sépultures d'enfants et auraient été confectionnées entre 500 et 300 avant J.-C.
Bibliographie et liens externes
Il n'existe aucun livre de vulgarisation en langue française qui soit consacré aux Tarasques. On est donc obligé se tourner vers des auteurs étrangers tels que :
- (en) H. P Pollard, Tariacuri's legacy : The prehispanic tarascan state, University Of Oklahoma Press, Norman, 1993.
- (es) S. Pulido Mendez, Los Tarascos y los Tarascos-Uacusecha : Diferencias sociales y arqueológicas en un grupo, Instituto Nacional de Antropología e historia, Mexico, 2006.
Ceux qui ne parlent ni l'anglais, ni l'espagnol, trouveront quelques pages dans des ouvrages consacrés à l'ensemble des cultures de la Méso-Amérique:
- I. Bernal et M. Simoni-Abbat, Le Mexique: Des origines aux Aztèques, Gallimard, Paris, 1986.
- Ch. Duverger, La Méso-Amérique : L'art préhispanique du Mexique et de l'Amérique Centrale, Flammarion, Paris, 1999.
- E. Taladoire et B. Faugère-Kalfon, Archéologie et art précolombiens: La Méso-Amérique, École du Louvre, Réunion des Musées Nationaux, La Documentation Française, Paris, 1995.
Des articles ont été publiés dans des revues spécialisées:
- M.-C. Arnauld, M.-F. Fauvet-Berthelot et D. Michelet, "Les Tarasques du Michoacan" , Les Dossiers d'Archéologie, n° 145, 1990.
- G. Migeon, "Les grandes cités tarasques", Archéologia, n° 393, 2002.
- G. Migeon, "Les grandes cités tarasques du Malpais", Archéologia, n° 394, 2002.
On ne peut toutefois passer sous silence le remarquable dossier tarasque, uniquement en espagnol, d''Arqueologia Mexicana (vol. 09, n° 19, 1996).
Les ouvrages et articles suivants sont plutôt destinés à un public de connaisseurs:
- (es) R. M. Baracs, Convivencia y utopia : El Gobierno indio y español de la "ciudad de Mechuacan" 1521 - 1580, Instituto Nacional de Antropología e Historia, Mexico, 2005
- (es) P. Carot, Arqueologia de Michoacan, Nuevas aportaciones a la historia Purepecha, in: Introducion a la Arqueologia del Occidente de Mexico, Instituto Nacional de antropologia e Historia, 2004.
- (es) M. Castro-Leal, Tzintzuntzan : Capital de los Tarascos, Gobierno del estado de Michoacan, Morelia, 1986
- B. Faugère-kalfon & V. Darras, Chupicuaro: Au-delà de la sphère du funéraire, in: Archéologies: 20 ans de recherches françaises dans le monde, Maisonneuve & Larose - ADPF, Paris, 2005.
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- G. Olivier, Moqueries et métamorphoses d'un dieu aztèque: Tezcatlipoca, le "seigneur au miroir fumant", Institut d'Ethnologie, Paris, 1997.
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On terminera par quelques sources ethno-historiques de l'époque coloniale:
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- (es) R. Acuña, Relaciones geograficas del siglo XVI : Michoacan, Universidad Nacional Autónoma de México, Mexico, 1987.
- (es) F. M. Gilberti, Vocabulario en lengua de Mechuacan, Fimax Publicistas Editores, Morelia, 1989.
- (es) F. Miranda, La Relation de Michoacan, Fimax Publicistas editores, Morelia, Mexico, 1980.
- (es) F. B. de Sahagun, Historia general de las cosas de la Nueva-España, vol. 01 & 02, Editorial Nueva-España S. A., Mexico, 1946.
- (es) J. Tudela, Relacion de las ceremonias y ritos y poblacion y gobierno de los Indios de la provincia de Michoacan (1541) : reproduccion y facsimil del Ms C. IV.5 de El Escorial, Balsal Editores S.A., Mexico, 1977.
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