- Politique europeenne des transports ferroviaires
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Politique européenne des transports ferroviaires
Si l'Union européenne devint subitement si « ferrophile », c'est qu'à l'inverse des États-Unis, il y a en Europe de larges possibilités d'utiliser toutes les infrastructures disponibles et très maillées, incluant le chemin de fer et la voie fluviale. Cette richesse de l'Europe a permis d'éviter le syndrome américain qui consiste à n'utiliser pour se déplacer que l'auto et l'avion, deux modes par ailleurs réputés polluants. Elle étend ainsi sa politique des transports sur quatre modes disponibles du Vieux Continent. L'Union est convaincue que le rail pourrait être capable d'absorber une partie de l'énorme croissance de trafic prévue dans une Europe sans frontières, plutôt que de concentrer le tout sur deux modes de transport dominants, en risquant l'asphyxie et la pollution. Solution privilégiée : fonctionner autrement.
Car selon certains cette politique européenne des transports ferroviaires ne pouvait se faire avec des structures administratives datant pour la plupart de 50 à 80 ans. Côté juridique, il avait été estimé que le maintien des monopoles nationaux était en contradiction avec les principes de base du Traité de Rome, à savoir la libre circulation des biens et des personnes. Par ailleurs, en dépit de la montée en puissance du TGV français ou ICE allemand, les parts de marché du mode ferroviaire étaient en déclin continu, alors que s'amorçait à grande vitesse la libéralisation du transport routier et aérien, ce dernier permettant l'arrivée sur le marché de l'aviation "low-cost".
L'Union européenne se propose alors de marchandiser le secteur des transports ferroviaires en Europe, essentiellement par l'introduction de la concurrence. Cette politique a été lancée dès 1991 pour être "en phase" avec le Grand Marché instauré le 1er janvier 1993, avec la publication d'une toute première directive : la 91/440.
Les étapes de mise en œuvre
1991 : la directive 91/440 relative au développement de chemins de fer communautaires
Article détaillé : Directive transport ferroviaire.Elle s'est concrétisée en premier lieu par la directive 91/440/CEE du 29 juillet 1991 qui enjoignait aux États-membres de modifier la situation des entreprises ferroviaires sur quatre points :
- assainir leur situation financière pour les rendre compétitives, notamment en réduisant leur endettement ;
- de les rendre indépendantes de l'État en établissant une comptabilité propre à ces entreprises ;
- en ouvrant les réseaux aux entreprises ferroviaires des autres États-membres dans certains secteurs (transport combiné et transport international de marchandises).
- séparer la gestion de l'infrastructure ferroviaire de celle de l'exploitation des services de transport, au moins sur le plan comptable, de manière à garantir une plus grande transparence dans l'utilisation des fonds publics.
Avec le recul, on se rend compte ici que l'Union avait une vue relativement "simpliste" du fonctionnement ferroviaire, imaginant que ces seuls points suffiraient à rattraper le retard sur la route. La 91/440 provoqua surtout un déluge de critiques sur "l'amateurisme" déployé en hâte pour 1993. Si peu précis, les quatre points susmentionnés avaient le défaut d'être interprétés de manière minimaliste, de sorte qu'il ne se passa pas grand chose au sein des administrations ferroviaires. Ce constat engendra l'accélération de 1996, nous le verrons plus loin.
1995 : les directives sur les licences et la répartition des sillons
Deux directives nouvelles sont adoptées le 19 juin 1995. Le délai de transposition par les États membres est de deux ans.
- La directive 95/18/CE fixe les critères d'attribution des licences aux entreprises ferroviaires européennes.
- La directive 95/19/CE définit les conditions de répartition des capacités d'infrastructure ferroviaire.
1996 : un premier Livre Blanc
Rappelons qu'un Livre Blanc n'a pas de portée juridique, mais il lève néanmoins le voile sur les intentions réelles de la Commission. Et l'expérience a permis de constater que ce qui était écrit dans un Livre Blanc se réalisait d'une manière ou d'une autre dans les années qui suivent, au travers d'un arsenal législatif en bonne et due forme, à caractère obligatoire pour les États membres.
Intitulé Une stratégie pour revitaliser les chemins de fer communautaires, ce premier document ferroviaire paru le 30 juillet 1996 annonçait surtout une nouvelle stratégie législative de l'Union européenne. Au lieu de directives éparpillées au fil des ans, dorénavant les directives seront proposées par paquet. Ce traitement par bloc permet d'empêcher que le Parlement et/ou le Conseil des ministres, co-décideur, ne saucissonnent les projets en n'adoptant - ou enterrant - ce qui les arrangent. En clair, c'est tout ou rien.
Cette stratégie se révèlera payante, nous le verrons ci-dessous, d'autant plus que le secteur ferroviaire était soumis à une reconfiguration totale de ses structures, et ce à tous les niveaux. Le travail législatif était donc colossal et il était préférable de travailler en ordre.
Les mesures contenues dans ce Livre Blanc annonçaient surtout un virage vers davantage de précisions dans l'arsenal législatif. La directive 91/440 était en effet trop vague et très critiquée pour sa non-application. On se rendait rend compte de la technicité particulière du secteur ferroviaire, par exemple que le contrôle des trains sur une infrastructure étrangère ou la connaissance par le mécanicien de toutes les signalisations est virtuellement impossible vu la quantité de systèmes nationaux différents (d'où la future interopérabilité). L'objectif, pour qu'une entreprise ferroviaire nouvelle puisse rouler sur des réseaux conçus différemment, est de rendre le plus homogène possible ce qui peut l'être, comme par exemple les licences de conducteurs ou certaines interfaces techniques. Il faut savoir que l'homologation d'une locomotive nouvelle sortie d'usine sur un réseau n'équivaut pas à l'homologation sur le réseau voisin.
Au vu de l'ampleur de la tâche, qui s'engage dans des aspects très techniques (les futures STI), l'Union européenne se contente sagement de libéraliser au préalable le seul secteur fret, secteur nettement plus rémunérateur et qui intéresse davantage les industriels. Il ne fallu que deux ans pour accoucher d'un premier paquet.
1998 : le « premier paquet » dit « Infrastructure »
Il s'agit de trois nouvelles directives adoptées par le Conseil européen le 26 février 2001 et qui devaient être transposées en droit national avant le 15 mars 2003. Ce paquet s'inspirait des insuffisances de la directive 91/440 et du consensus des décideurs sur l'analyse du Livre Blanc du 30 juillet 1996 "Une stratégie pour revitaliser les chemins de fer communautaires".
- La directive 2001/12/CE modifie la directive 91/440/CEE. Cette directive prévoit l'ouverture de l'accès au réseau transeuropéen de fret ferroviaire (RTEFF), et dans ce but, prévoit des mesures pour éviter toute discrimination dans l'accès à l'infrastructure. Elle impose non seulement la séparation des entités assurant l'exploitation des services ferroviaires de celles chargées de gérer l'infrastructure, mais aussi que les fonctions de répartition des capacités ferroviaires, de perception des redevances d'usage de l'infrastructure et de délivrance des licences soient assurées par des organismes indépendants. Elle impose en outre la séparation au moins comptables des activités de transport de voyageurs et de marchandises.
- La directive 2001/13/CE modifie la directive 95/18/CE. Elle définit les conditions d'attribution des licences permettant l'exploitation de services de fret ferroviaire sur le RTEFF.
- La directive 2001/14/CE remplace la directive 95/19/CE. Elle organise la répartition des capacités ferroviaires, la tarification des « sillons » et la certification en matière de sécurité.
Ce premier paquet a fait l'objet en 2006 d'un rapport d'évaluation sur l'état de transposition en droit national réalisée par les États membres. Il apparait que tout n'était pas encore fait en dépit de louables efforts, notamment concernant l'existence d'un organisme de contrôle indépendant ou des modalités du droit d'accès aux infrastructures. Le Grand Duché du Luxembourg était le seul à ne pas avoir encore transposé les directives du premier paquet. Un point noir concernait les subventions croisées entre le transport voyageur de service public et le transport marchandise censé être "self-supporting". Enfin, la Commission ne semble pas satisfaite de la séparation institutionnelle des gestionnaires d'infrastructure, certains restant « trop liés » - selon elle - à leur ancienne maison mère, artifice permettant à certains états membres de retarder au maximum l'arrivée de nouveaux entrants.
2001 : le second Livre Blanc
Intitulé La politique européenne des transports à l'horizon 2010 : l'heure des choix, ce volumineux document comportait un bilan de la situation ferroviaire à cette date et annonçait une nouvelle salve de mesures complémentaires. On voit ici que l'Union Européenne accélère le processus législatif alors que se profile pour mai 2004 un considérable élargissement vers 10 nouveaux membres, principalement à l'Est du continent.
Pour faire circuler des trains dans cette Europe agrandie, il était nécessaire d'accélérer le processus d'interopérabilité et d'y adjoindre un volet "sécurité" en raison du risque inhérent à la mise en concurrence (cf l'expérience britannique). Cet ensemble assez vaste nécessitait un pilotage communautaire au travers d'une Agence Ferroviaire assurant l'expertise et l'impartialité vis-à-vis de tous les acteurs du rail.
Ce sont notamment ces mesures qui se trouveront dans le second paquet ferroviaire détaillé ci-dessous.
2002 : le « second paquet ferroviaire »
Il s'agit d'un ensemble de cinq mesures, proposées le 23 janvier 2002 et adopté en avril 2004 par la Commission européenne, qui font suite à la publication du Livre Blanc de 2001 évoqué précédemment. Ce paquet avait notamment pour but de préciser une ouverture plus grande du marché fret, prévue in fine pour 2007.
- Directive relative à la sécurité.
- Modification des directives concernant l'interopérabilité.
- Règlement relatif à l'Agence ferroviaire européenne, qui s'est concrétisé par la création de cette agence en mai 2004.
- Recommandation concernant l'adhésion à la COTIF, un organisme qui gère les relations juridiques entre réseaux d'États.
- Modification de la directive 91/440/CEE.
2004 : le « troisième paquet ferroviaire »
Ce troisième paquet fut avant tout une exigence non pas de la Commission, mais du Parlement européen (PE), qui exigeait un complément de garanties avant de voter le second paquet. La Commission s'exécuta donc rapidement - sans "Livre Blanc" préalable -, et présenta lesdites "garanties" sous forme d'un troisième paquet, le 3 mars 2004. Satisfait, le PE a ensuite adopté le 2e paquet le mois suivant, en avril 2004, démontrant ainsi qu'il pouvait, lui aussi, décider du cours des choses.
À noter que la Commission estimait qu'après l'adoption de ce 3e paquet, le cadre réglementaire du secteur ferroviaire serait complet, ce qui n'excluait pas d'autres ajustements dans le futur, en fonction des difficultés apparues sur le terrain.
Ce dernier paquet annonçait les actions suivantes :
- la certification des conducteurs de locomotives;
- un règlement concernant les droits des passagers;
- un règlement concernant la qualité des services ferroviaires;
- une directive sur la l'ouverture du marché pour les services de transport de voyageurs.
Cette dernière proposition de libéralisation des services voyageurs fut la plus controversée car touchant au nerf de la guerre, le service public. Dans les allers-retours institutionnels de Bruxelles, le Parlement s'est prononcé en septembre 2005 pour une libéralisation du trafic voyageur uniquement international en 2008, et en totalité pour 2012, provoquant d'importants remous politiques. Le Conseil des ministres du 5 décembre 2005 à Bruxelles calma le jeu en repoussant "l'international" à 2010, et en faisant momentanément l'impasse sur une libéralisation totale des services intérieurs.
En 2006, ce paquet ainsi modifié revenait pour seconde lecture devant le PE.
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