Pariser Kanonen

Pariser Kanonen
Paris-Geschütz (canon de Paris)

Les Pariser Kanonen (canons de Paris) sont plusieurs pièces d'artillerie à longue portée utilisées au cours de la Première Guerre mondiale par les Allemands pour bombarder Paris entre le 23 mars et le 9 août 1918[1].

Sommaire

Dénomination

Alain Huyon, colonel au Service historique de l'armée de Terre, relève de multiples dénominations pour ces pièces[2] :

  • du côté allemand :
    • Parisener Kanonen ou Parisgeschütz : canon des Parisiens ou bouche à feu de Paris ;
    • Lange Frédéric : Frédéric le long, le grand, surnom donné par le personnel des usines Krupp en référence au propriétaire, Frederic Krupp. On trouve aussi Lange Max ;
    • die Pariserin : la Parisienne, pour le commun des Allemands ;
    • le tube en lui-même est nommé Wilhelmsrohr, en référence à l’empereur Guillaume II.

Les Français ont surnommé ce canon « Bertha » et « Grosse Bertha » dès son entrée en service[3]. Les grosses pièces appelées Grosse Bertha (Dicke Bertha) par les Allemands ont souvent été confondues par les Français vivant à proximité de leurs emplacements de tir, ceux-ci entendant les artilleurs utiliser le nom allemand, mais pour désigner une autre pièce[2].

Conception et fabrication

Le canon Pariser Kanonen est conçu par l’état-major allemand comme une arme psychologique, destinée à terroriser les Parisiens, les désordres et les manifestations ainsi suscitées poussant le gouvernement français à demander un armistice[2]. C’est l’ingénieur allemand Rausenberger qui conçoit un canon de 750 tonnes, tirant depuis des plates-formes métalliques démontables[2].

Sept tubes sont construits dans les usines Krupp d’Essen et les usines Skoda de Pilsen[2].

  • Longueur du tube : 34[2] à 36 m[réf. nécessaire]. Le tube était une juxtaposition de 3 tubes de calibre 380 mm[2]. Afin d'éviter la pliure, voire la rupture d'un tel fût, un solide haubanage partant d'un mât central renforce et soutient le canon sur toute sa volée[2].
  • Calibre : 210 mm. Les munitions étaient toutes des obus de 210 mm chemisés entre 210 et 240 mm pour s’adapter à l’usure progressive du tube provoquée par l’effet d’arrachement des munitions. Le tube était usé après 65 coups ; chaque obus était numéroté de 1 à 65. Le 65e tiré, il fallait changer le tube.
  • Diamètre du canon : 1 m au tonnerre[2]
  • Poids du tube : 175 tonnes[2]
  • Portée maximale : 128 km (130 km selon certaines sources) sous un angle de tir fixe de 55°
  • Poids du canon : 750 tonnes (avec la plate-forme de tir)[2]
  • Poids de l’obus : plus de 400 kg (avec un poids du projectile de 125 kg et un poids de la poudre nécessaire de 150 à 200 kg selon la distance à parcourir[2])
  • Vitesse initiale du projectile à charge maximale : 1 500 à 1 600 m/s[2]
  • Temps de vol du projectile : 180 à 210 secondes[2]

L'obus tiré atteint l'altitude maximale de 40 km à l'apogée de sa trajectoire. Ce fut longtemps le record d'altitude atteint par un objet lancé par l'homme (jusqu'à l'invention de la fusée V2 lors de la Seconde Guerre mondiale)[2].

La mise en œuvre est complexe :

  • des plates-formes de tir doivent être aménagées, soit en béton (12 m² et 4 m d’épaisseur), soit en adaptant des plates-forme en acier destinées aux canons de 380 mm ;
  • le canon, très lourd, ne peut être acheminé que par voie ferrée, qui doit donc aller jusqu’à ces plate-formes ;
  • l’affût de 575 t devait être descendu du train et monté pour recevoir le canon ;
  • des abris pour les officiers, le personnel, les générateurs électriques, ainsi que des communications abritées entre ces installations doivent être aménagés avant la mise en œuvre du canon[2].

Utilisation opérationnelle

Deux embases bétonnées et toutes les installations annexes nécessaires sont aménagées dès fin 1917 au pied du Mont de Joie, une colline du Laonnois. À l’avantage de donner une position cachant les canons (il est haut de 100 m), il allie celui d’une bonne desserte : la RN 44 passe d’un côté de la colline, la voie ferrée Calais-Dijon de l’autre. Les plate-formes de tir sont aménagées dans le bois de l'Épine, au lieu-dit l’Anchette, commune de Crépy-en-Laonnois, à 2,5 km du village. Il est possible qu’une troisième pièce ait été installée à proximité[2].

La première campagne de tir débute le 23 mars 1918, et dure jusqu’au 3 mai. Le premier jour, les tirs se succèdent de 7 h 09 à 14 h 00, par temps nuageux garantissant une absence de repérage par avion. Des tirs intenses de batteries de 170 et 210 mm sont déclenchés pour camoufler le son du Parisener. Quatre mortiers de SKL/45 Max de 380 mm, disposés à proximité, tirent également pour éviter tout repérage par les SRS françaises (sections de repérage par le son). Enfin, dix escadrilles aériennes sont en vol pour protéger le canon. Plus d’une vingtaine d’obus tombent sur Paris dans la même journée. Le lendemain, les tirs reprennent, encouragés par la nouvelle de la réussite (qui parvient à 13 heures, d’après lecture des journaux parisiens). À partir du 25 mars, des espions allemands font des comptes-rendus par téléphone à un intermédiaire : les artilleurs ont connaissance du résultat de leur tir en moins de quatre heures[2].

Les rumeurs les plus folles courent sur l'arme nouvelle dont semble disposer l'armée allemande. On pense à un avion volant à haute altitude. Lorsqu'ils en sont informés, les Parisiens la surnomment "Bertha". Cependant, la terreur n’est pas au rendez-vous. De plus, les SRS repèrent très vite l’emplacement de cette pièce unique dans le tonnerre provoqué par tous les tirs d’artillerie. Dès le 24 mars, des tirs de contre-batterie de 240 mm, 305 mm et 340 mm (huit pièces de 340 des Bruyères-sur-Fère, les 16 et 17 juillet, mais l’utilisation du site est interrompue par l’offensive du 18 juillet 1918, les Allemands évacuant leur pièce afin qu'elle ne tombe pas aux mains des Alliés[2].

Enfin, la dernière campagne de tirs, à partir des plates-formes métalliques aménagées Beaumont-en-Beine, dure jusqu'au 9 août 1918[2].

En tout, 367 obus sont tombés sur Paris, causant la mort de 256 personnes (dont 91 dans la seule église Saint-Gervais le 29 mars 1918) et en blessant 620 autres[2].

Non loin de Crépy-en-Laonnois, on peut voir encore aujourd'hui, près de Coucy-le-Château[4] dans le bois du Montoir[5], une énorme cuvette de béton sur laquelle les Allemands avaient installé un SKL/45 Lange Max Brummer[6] un obusier de 380 mm dont le tube avait 17 m de long, appelé aussi à tort Grosse Bertha. À quelques kilomètres de là, ils avaient fait construire un canon de bois et une fausse voie ferrée qui servait de leurre afin de tromper d'éventuels repérages par l'aviation ennemie.

Suites

Le ou les canons restants sont démontés devant la progression de l’offensive alliée, et renvoyés en Allemagne. Tout le matériel, toutes les archives ayant servi sont détruits[2].

Notes et références

  1. Centre d'histoire sociale du XXe siècle, Françoise Blum, Sylvie Le Dantec, André Kaspi, Les vies de Pierre Naville, 2007, p. 79
  2. a, b, c, d, e, f, g, h, i, j, k, l, m, n, o, p, q, r, s, t, u, v, w et x Alain Huyon, « La Grosse Bertha des Parisiens » Revue historique des armées, 253 | 2008, mis en ligne le 5 janvier 2009. Consulté le 15 août 2010.
  3. Voir par exemple l'article Paris again Shelled by Long-Range Gun dans le The New York Times, 6 août 1918, page 3 lire en ligne
  4. La fausse Bertha de Coucy
  5. Le mystère de la Grosse Bertha sur le site Chemins de mémoire du Ministère de la défense
  6. Tout savoir sur le SKL/45 Lange MAX de 380 mm

Voir aussi

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