Paradoxe d'Olbers

Paradoxe d'Olbers

Le paradoxe d'Olbers (appelé aussi paradoxe de Chéseaux-Olbers ou paradoxe de la nuit noire) est une contradiction apparente entre le fait que le ciel est noir la nuit et le fait que l'Univers était supposé statique et infini à l'époque.

Il est nommé ainsi en l'honneur de l'astronome allemand Heinrich Olbers qui le décrivit en 1823 mais qui était déjà connu par Kepler en 1610 ainsi que Halley et Chéseaux au XVIIIe siècle.

Sommaire

Exposé du paradoxe

Le paradoxe d'Olbers en action : addition progressive des étoiles.

Si on suppose un univers infini contenant une infinité d'étoiles uniformément réparties, alors chaque direction d'observation devrait aboutir à la surface d'une étoile. La luminosité de surface d'une étoile est indépendante de sa distance : ce qui fait qu'une étoile semblable au Soleil est moins brillante que celui-ci, c'est que l'éloignement de l'étoile fait que sa taille apparente est beaucoup plus faible. Donc, dans l'hypothèse où toute direction d'observation intercepte la surface d'une étoile, le ciel nocturne devrait être aussi brillant que la surface d'une étoile moyenne comme notre Soleil ou n'importe quelle autre étoile de notre Galaxie.

Ce paradoxe est important, une théorie cosmologique qui ne saurait pas le résoudre serait évidemment invalide. Cependant, une théorie qui résout le paradoxe n'est pas forcément valide.

Élaboration progressive du paradoxe

Halley se dit vers 1720 que si l'univers est infini et rempli d'étoiles éternelles, alors la luminosité du ciel nocturne doit être infinie. Chéseaux précise ce paradoxe mathématiquement : il imagine les étoiles dans des coquilles sphériques (l'univers étant modélisé comme une série de coquilles concentriques) par rapport à un observateur. Le nombre d’étoiles est proportionnel à la surface de chaque coquille, donc au carré de leur rayon. Or, l'intensité lumineuse d'une étoile est inversement proportionnelle au carré de sa distance. Donc l'observateur reçoit autant d'énergie lumineuse de chaque coquille. De Chéseaux calcula que cette énergie lumineuse tombant sur Terre devrait être 180 000 fois plus intense que celle du soleil. Olbers raffine ce raisonnement en constatant que dans un univers rempli uniformément d'étoiles, les étoiles se masquent les unes des autres. Il calcule que la limite de visibilité est de l'ordre de 1018 à 1018 aL et en déduit que la luminosité du ciel nocturne n'est pas infinie mais égale à la luminosité de surface d'une étoile[1].

Article détaillé : Essaim (astronomie).

Solutions proposées avant le XXe siècle

Il est clair que dans sa formulation initiale, on faisait implicitement l'hypothèse que les étoiles pouvaient briller indéfiniment. On sait aujourd'hui que c'est faux et que les étoiles ont une durée de vie finie.

Finitude du temps ou de l'espace

On peut d'abord supposer, comme Kepler dans son opuscule de 1610, Conversation avec le messager céleste, que l'univers est fini ou du moins qu'il contient un nombre fini d'étoiles.

Une autre solution suggérée pour la première fois par l'écrivain et poète Edgar Allan Poe[2] et indépendamment quelques années plus tard par l'astronome français François Arago avance le fait que si l'univers a un âge fini, alors la lumière voyageant à une vitesse grande mais finie, seule une région finie de l'univers nous est accessible, ce qui se ramène à la solution proposée par Kepler.

Non-transparence de l'espace vis-à-vis des rayonnements

Une autre explication consiste à considérer que le milieu cosmique n'est pas parfaitement transparent, de sorte que la lumière provenant des étoiles distantes est bloquée par ce milieu non-transparent (des étoiles non-lumineuses, de la poussière ou des gaz), de sorte qu'un observateur ne peut percevoir que la lumière provenant d'une distance finie (comme dans un brouillard). Cette explication est incorrecte, car le milieu devrait s'échauffer en absorbant la lumière. Au final, il se retrouverait aussi chaud et aussi lumineux que la surface d'une étoile, ce qui pose à nouveau le paradoxe.

Structure non uniforme de l'Univers

Le paradoxe suppose une distribution uniforme des étoiles (permettant d'assurer que toute ligne de vue rencontre toujours une étoile).

Ce n'est pas le cas, car les étoiles sont regroupées en galaxies, amas, super-amas, etc. Cependant, on sait désormais qu'à grande échelle, la distribution des galaxies est uniforme, et donc les inhomogénéités dans la distribution locale des étoiles ne pourraient résoudre le paradoxe dans un Univers observable infini.

Il faut donc supposer soit un Univers fini, soit un Univers infini dont seule une partie finie peut être observée.

L'âge fini des étoiles

Une autre explication s'appuie sur le fait que la lumière circule à une vitesse finie. Dès lors, si les étoiles n'existent que depuis un temps fini (soit que l'univers soit lui-même d'âge fini, soit que « avant » l'univers ne contenait pas encore d'étoiles), alors une étoile n'éclaire à un moment donné qu'un volume fini (une boule dont le rayon correspond au produit de l'âge de l'étoile par la vitesse de la lumière). Cette explication circulait bien avant la théorie de la relativité et la théorie du Big Bang. L'astronome Kepler comprend que les étoiles brillent car elles sont massives et calcule déjà à son époque leur durée de vie : 30 Ma.

Sur la base de cette hypothèse, on peut calculer l'âge de l'apparition des étoiles connaissant la vitesse de la lumière, la luminosité moyenne des étoiles et la lumière reçue sur Terre. Il n'existe cependant aucune théorie viable rendant compte de ces observations.

La solution donnée par la Cosmologie moderne

La théorie de la Relativité Générale prédit que l'Univers est en expansion. Par suite, il est possible que l'âge de l'univers soit fini, ce qui laisserait penser que l'explication de Poe et d'Arago est la bonne, mais ce n'est que partiellement le cas.

En effet, c'est un autre effet qui résout le paradoxe d'Olbers. Du fait de l'expansion de l'Univers, la lumière en provenance des galaxies lointaines est décalée vers le rouge. Cela signifie que ces galaxies sont moins lumineuses que ne le seraient les mêmes galaxies situées à la même distance mais immobiles. Ainsi, les galaxies les plus lointaines sont en fait extrêmement difficiles à observer. De ce fait, même si l'Univers était éternel et infini mais en expansion (comme dans la théorie de l'état stationnaire), la brillance de surface des astres les plus lointains décroîtrait avec la distance. Le phénomène est également vrai dans les modèles de Big Bang. Cette décroissance rapide de la luminosité des galaxies en fonction du décalage vers le rouge est effectivement observée, ce qui résout le paradoxe d'Olbers tout en confirmant cette prédiction de la Relativité Générale.

Métaphoriquement, on pourrait dire que le ciel est effectivement « clair » (de feu) ; mais cette radiation est décalée vers le rouge (les basses fréquences) tel que la clarté céleste se situe dans les microondes, d'un rayonnement thermique à 2,76K (-270,1 °C). Et non à 3 000 K, température moyenne du rayonnement stellaire. Le ciel est ainsi plongé dans les ténèbres, en lumière visible.

Ce rayonnement de fond provient non pas des galaxies lointaines superposées, mais du gaz uniforme primordial lorsqu'il devint transparent vers 3 000 K, après ~500 000 ans. À cette époque, le Ciel était de Feu ! Il était semblable à la surface d'une étoile. Cela est conforme au scénario du Big Bang.

Autre solution (physique classique)

Un auteur vient de publier récemment ( [1] ScienceLib.fr, Astrophysique, mai 2011) une explication qui tient compte de ce que l'étendue de la partie noire dépend du détecteur. Ce serait l'incohérence de la lumière émise par les étoiles lointaines qui rend leur sommation algébrique inférieure au seuil de détection. La théorie du Big-bang n'est pas nécessaire, ni la finitude de l'Univers pour expliquer le paradoxe de Chéseaux-Olbers.

Notes et références

  1. Speaker Icon.svg : Pourquoi la nuit est-elle noire ? émission du 22 novembre 2010 sur Ciel & Espace radio
  2. Dans Eureka: A Prose Poem (1848).

Bibliographie

  • Edward Harrison ; Le noir de la nuit - Une énigme du cosmos, Collection Points-Sciences, Le Seuil (1998), ISBN 978-2-02-033433-4. Traduction française de : Darkness at Night: A Riddle of the Universe, Harvard University Press (1987).
  • Stephen Baxter ; "Les univers multiples : TEMPS", Edition Fleuve Noir (2007), ISBN 978-2-265-08362-2. Traduction française de "Time". Roman de hard science, il évoque le paradoxe d'Olbers p 311 et 312.

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes


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