Ostraca

Ostraca

Ostracon

Ostracon portant le nom de Thémistocle, vers -490/-480, Musée de l'Agora antique d'Athènes

Un ostracon (pluriel ostraca), ou dérivé du grec, ostrakon (pluriel ostraka), est un tesson de poterie réutilisé dans l’Antiquité comme support d'écriture. Il désigne au départ la coquille d'huître en grec ancien, mais son sens évolue assez rapidement par analogie formelle.

Sommaire

Un support d'écriture modeste

L'utilisation d'ostraca fut le fait de plusieurs civilisations antiques - Égyptiens, Grecs, Romains... - durant de nombreux siècles. Dans chacun de ces cas elle possédait ses spécificités. Il n'en reste pas moins qu'un certain nombre de traits communs existent.

Utilisation : l'ostracon témoin de l'écriture au quotidien

On pouvait écrire de différentes manières sur les ostraca, soit en pratiquant une gravure, par des incisions, soit bien plus souvent en utilisant de l'encre et un calame ou plus rarement une plume, comme si l'on écrivait sur une feuille de notre papier actuel. Réutilisant un matériau destiné au rebut - fragments de céramiques et d'amphores, éclats de pierre, la pratique de l'ostracon permettait de trouver un support d'écriture bon marché, bien que peu pratique. Elle était donc surtout utilisée pour des usages éphémères de l'écriture : un vote, la rédaction d'un brouillon, d'un document peu important (aide mémoire, liste de courses …), d'une lettre peu importante destinée à un correspondant, d'un bref rapport administratif ou militaire, ou encore pour un usage ludique etc. Après usage les ostraca étaient généralement jetés au dépôt d'ordures : il ne s'agit pas, sauf exception, de documents destinés à être archivés durablement.

À la différence des inscriptions, l'ostracon n'était pas fait pour durer et mentionne donc rarement directement de grands faits historiques, il permet en revanche de pénétrer le quotidien des habitants de l'antiquité, à la manière de certains papyrus.

Une conservation difficile

Si les tessons de céramiques sont presque indestructibles, ils peuvent être fragmentés, brisés et devenir, pour cette raison, illisibles. Le plus souvent cependant les conditions de conservation des sites archéologiques ne permettent pas le maintien de l'encre qui était utilisée pour écrire sur les ostraka. Les ostraka lisibles se retrouvent donc en général sur les sites archéologiques des pays les plus chauds et les plus secs : Égypte, Libye, Syrie. La présence des ostraca dans les dépotoirs explique aussi que ce fut longtemps une source négligée, voire inaperçue par les archéologues.

Égypte antique

En Égypte antique, ce terme est appliqué à des éclats de calcaire ou des fragments de poterie sur lesquels le scribe, ou l'apprenti scribe, inscrivait un texte ou faisait un dessin rapide. Le coût du papyrus ne permettait pas d'utiliser ce support pour des notes écrites non officielles, des dessins explicatifs ou satyriques, et encore moins pour apprendre l'écriture hiéroglyphique.

Pour l'Égypte gréco-romaine, la papyrologie est la science qui étudie les textes grecs, latins et démotiques contenus non seulement sur les papyrus mais également sur les ostraca (voir ci-dessous).

Les forts de la route Coptos-Bérénice

Le long de la route qui relie la vallée du Nil aux ports de la mer Rouge, une série de fortins militaires romains jalonnaient le parcours. De nombreux ostraca y ont été retrouvés. Ils révèlent la vie quotidienne de ces garnisons au début du deuxième siècle de notre ère. La correspondance des soldats nous montre les liens qu'ils entretenaient, leurs tentatives pour améliorer leur ordinaire. Les tessons retrouvés permettent aussi de mieux connaître le système de la poste militaire romaine, et la protection de la route caravanière. Il y a peu d'information cependant sur les caravanes elles-mêmes. L'image d'un contrôle romain assez tatillon se dégage de ces archives, qui révèlent aussi des moments de tensions : conflits entre les soldats romains et les "barbares" du désert.

Les carrières du désert égyptien

Les carrières du désert égyptien étaient, à l'époque romaine, administrées par des fonctionnaires impériaux, sous surveillance de l'armée. Plusieurs d'entre elles ont livré un nombre important d'ostraca, comme au Mons Claudianus. Là encore la vie quotidienne (alimentation, maladie, sociabilité…) de ces microcosmes peut-être devinée et l'administration de l'armée romaine mieux connue.

Grèce antique

À Athènes, dans la Grèce antique, le bannissement de la Cité était prononcé par une assemblée dont chaque membre pouvait écrire sur un tesson de poterie le nom de l'homme politique qu'il voulait voir éloigner de la ville, d'où le mot ostracisme, la procédure qui aboutissait à cet éloignement si un nombre suffisant de citoyens avait voté pour l'exil. De nombreux jetons d'ostracisme ont été retrouvés à Athènes (figure ci-contre).

Empire romain

Durant l'empire romain l'utilisation des ostraca fut sans doute considérable. Plusieurs collections importantes ont été retrouvées concernant l'armée romaine qui trouvait un matériau pratique pour ses besoins administratifs.

Bu Njem (Golas)

Le fort romain de Bu Njem en Tripolitaine (actuelle Libye) en Afrique, a été occupé dans la première moitié du troisième siècle de notre ère. Il a livré une importante collection d'ostraca, datables souvent de la fin des années 250. Ces ostraca livrent en fait une partie des procédures administratives de la garnison, de ce que nous appellerions sa « paperasserie ». On trouve donc des états d'effectifs, précisant le nombre d'hommes de garde, d'hommes à l'exercice, d'hommes punis, d'hommes s'occupant des thermes. On trouve aussi des fragments de correspondances liés au ravitaillement du camp et à la surveillance de ses abords : les caravanes de passages sont signalées ainsi que leur marchandise.

Références

Bibliographie

  • Jean Bingen, A. Bülow-Jacobsen, W.E.H. Cockle, H. Cuvigny, F. Kaiser, W. van Rengen, Mons Claudianus. Ostraca graeca et latina II, IFAO, Le Caire, 1997.
  • H. Cuvigny, Ostraca de Krokodilô. La correspondance militaire et sa circulation, IFAO, Le Caire, 2005.
  • R. Marichal, Les ostraca de Bu Njem, supplément à Libya antica, VII, Tripoli, 1992.

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