Organisation politique de l'Assyrie

Organisation politique de l'Assyrie

Organisation politique de l'Assyrie

L'organisation politique de l'Assyrie se complexifie au cours de sa longue histoire, qui voit le royaume passer du statut de simple cité-état à celui d'un empire à prétention universelles. La grande figure politique de l'Assyrie est le roi, et dans ce royaume la glorification de la figure royale a été poussé à l'extrême.

Sommaire

Le roi

Sargon II et un haut dignitaire, palais de Dur-Sharrukin

Dès l’époque paléo-assyrienne, le pouvoir est exercé à Assur par un roi (rubā'um, "prince"). Ce dernier porte le titre de « vicaire d’Assur » (iššak Aššur), qui résume bien la théologie assyrienne du pouvoir : le véritable roi (šarrum) est le dieu Assur, qui délègue son pouvoir à un représentant sur terre qu’il choisit lui-même. A cette période, les autorités municipales d’Assur tempèrent le pouvoir du roi, qui est limité à des aspects religieux et juridiques.

Après la période de domination de Samsi-Addu, le pouvoir royal se renforce. Avec la création du royaume assyrien à la période médio-assyrienne, la figure royale prend une nouvelle dimension : le roi prend le titre traditionnel de « roi » (šarru), même s’il conserve le titre de « vicaire d’Assur ». Le lien avec ce dieu est renforcé par l’utilisation de l’expression « prêtre d’Assur » (šangu). Les rois sont d’ailleurs représentés à cette période le plus souvent en posture de prière. Mais leur rôle s’étoffe et leur pouvoir s’affirme, dans les inscriptions royales qui commémorent leur hauts faits (victoires militaires et constructions). Tukulti-Ninurta Ier est le premier à avoir des prétentions universalistes en se nommant « Roi de la totalité (du Monde) ». En tant que gérant du territoire du dieu Assur, donc du royaume assyrien, le roi s’arroge le droit de redistribuer les terres conquises en apanage aux grands du royaume.

Après la crise que connaît l’Assyrie au tournant du IIe et du Ier millénaire, la nouvelle expansion que le royaume connaît à l’époque néo-assyrienne entraîne de nouvelles modifications dans la conception du pouvoir royal. Si le roi est toujours considéré comme le représentants du dieu Assur, l’accent est de plus en plus mis sur ses hauts faits militaires, commémorés dans de longs textes, les Annales royales, rapportant toutes ses victoires. Le pouvoir royal est cependant contesté par les grands nobles assyriens, ce qui explique la période de faiblesse que connaît le royaume entre 800 et 745.

Teglath-Phalasar III reprend la situation en main, et avec lui le roi prend définitivement le pas sur les grands du royaume, qu’il affaiblit en réduisant leurs charges. Les Sargonides poursuivent son action, en s’attachant des eunuques, qui leur sont plus fidèles. L’idéologie impériale atteint alors son paroxysme, que ce soit dans les Annales, ou bien sur les reliefs des grands palais royaux, consacrés quasiment uniquement aux victoires militaires des rois assyriens (qui paradoxalement participent de moins en moins aux expéditions de l’armée). Le rôle du successeur désigné du roi augmente, puisqu’on le charge à partir du règne de Sargon II des affaires intérieures routinières du royaume. Les rites suivant la mort du roi, puis l’intronisation de son successeur, bien attestés pour les Sargonides, se passent à Assur, comme le veut la tradition assyrienne. Pour s’assurer la fidélité de ses sujets, le roi a recours à la pratique des serments collectifs (adē). Le souverain conserve également un rôle religieux important, en tant que grand prêtre d’Assur, et doit effectuer de nombreux rituels.

Les épouses royales et le harem

Comme le veut la tradition de l'Orient ancien, le roi pratique la polygynie. Ses épouses sont aussi bien des filles de rois de rang égal (quand il y en a) ou de vassaux, des filles de nobles assyriens ou encore des femmes enlevées lors de conquêtes. De ce fait, le harem du roi voit sa taille croître proportionnellement à la puissance de celui-ci.

Le harem royal occupe une grande partie du secteur privé des palais royaux. Il est régi par un ensemble de principes, qui sont codifiés dans un édit sous Teglath-Phalasar Ier. On y apprend ainsi que les épouses sont classées hiérarchiquement. Au premier rang se trouvent la reine-mère, et les « épouses royales », parmi lesquelles le roi a une favorite, qui est souvent la mère de l'héritier présomptif. Après se trouvent les épouses de rang secondaire, puis un ensemble de servantes.

Les règles du harem sont très strictes, et visent à limiter les contacts des épouses du roi avec l'extérieur, ainsi que les querelles intestines qui troublent le harem, grand lieu d'intrigues. Souvent des reines pouvaient voir leur position menacée par d'autres cherchant à acquérir les faveurs du roi. Les épouses de premier rang pouvaient parfois quitter le harem, tandis que les épouses secondaires y étaient visiblement recluses à vie. Les grandes épouses royales disposaient d'un domaine foncier parfois important, qu'elles géraient elles-mêmes avec leur propre service administratif, constitué essentiellement d'eunuques. Le harem était par ailleurs placé à l'époque néo-assyrienne sous l'autorité du chef des eunuques.

Plaque en bronze portant une représentation de la reine mère Naqi'a/Zakutu, derrière son fils Assarhaddon.

Certaines reines ont réussit à exercer un rôle très important à la cour d'Assyrie, en particulier en tant que reines-mères. Les deux cas les plus connus sont ceux de Sammuramat, mère d'Adad-Nirari III, passée à la postérité sous le nom de Sémiramis, et celui de Zakutu, épouse de Sennacherib, qui réussit à faire de son fils Assarhaddon l'héritier de son royal époux, avant de permettre à son petit-fils Assurbanipal de monter à son tour sur le trône.

Les grands du royaume

La noblesse du pays assyrien a accru considérablement son pouvoir avec l’expansion du royaume. Ce sont ses membres qui constituent l’entourage du roi, auquel ils sont souvent liés par des liens matrimoniaux. Ils occupent les plus hautes charges dans l’administration du royaume et l’armée. Les grands nobles obtiennent des propriétés foncières importantes pendant les phases de conquêtes, en échange de leur services, selon la vieille tradition du Proche-Orient antique. Certains peuvent se constituer un très grand patrimoine, et avoir de formidables richesses.

Pendant les phases d’expansion de l’époque médio-assyrienne et des débuts de l’époque néo-assyrienne, certains personnages acquièrent un pouvoir considérable dans le royaume, en obtenant des charges très importantes, et un domaine foncier qui va avec. Ils constituent alors une menace pour l’autorité royale. Les cas les plus représentatifs sont ceux de la dynastie des « Rois du Hanigalbat » à l’époque médio-assyrienne, dont un des descendants, Ninurta-Apil-Ekur, finit par prendre le pouvoir à Assur, et celui de Shamshi-ilu, grand général de l’Assyrie dans la première moitié du VIIIe siècle, qui se constitue quasiment son propre royaume autour de Til-Barsip. A partir de Teglath-Phalasar III, le roi va prendre le pas sur les grands de son royaume, en diminuant leur pouvoir. Les rois Sargonides détiennent un pouvoir absolu sur les nobles, et ils font et défont le pouvoir de ceux-ci à leur guise.

Administration centrale

L’administration du royaume assyrien est centralisée autour du roi, dans le palais royal. Les charges évoluent dans le temps, que ce soient les titres ou la fonction qu’ils recouvrent, que l’on a par ailleurs bien souvent du mal à comprendre.

La période paléo-assyrienne est particulière, dans la mesure où le roi doit alors partager son pouvoir avec une institution importante, la "Ville" (ālum). Le centre politique d'Assur est alors le "Bâtiment de la Ville", ou "Hôtel de Ville" (bēt alim), et non le palais royal. Ces deux parties partagent le pouvoir politique et judiciaire, et les ordres sont proclamés en leur deux noms. La Ville se réunit en assemblée (puhrum), apparemment devant le temple du dieu Assur. On ignore s'il s'agit d'un regroupement de notables, d'Anciens (ce terme revenant souvent dans les textes), ou bien de tout le peuple de la ville, et aussi s'il y avait une ou deux chambre(s). L'Hôtel de Ville était chargé de la collecte des taxes et redevances, des dettes sur les taxes impayées. Il était géré par un personnage important, le limmu, élu à cette charge pour la durée d'un an. C'est d'ailleurs lui qui donne le nom à l'année durant laquelle il exerce cette fonction.

L'époque médio-assyrienne voit l'affermissement du pouvoir royal, qui n'est plus contrebalancé par les autorités municipales, l'Assyrie étant alors un véritable état territorial et non plus une simple cité-état. Le plus grand dignitaire est le vizir (šukkallu), sorte de "premier ministre", qui a des attributions militaires, civiles ou judiciaires. Lors de l'organisation des conquêtes, la partie ouest du territoire est confiée à un "grand vizir" (šukkallu rabiu). L'intendance du palais est gérée par le "maire du palais" (rab ekalli). D'autres fonctions palatiales sont confiées à des eunuques (ša rēši). La charge de limmu subsiste, mais elle est alors honorifique, et est attribuée à un dignitaire qui donne juste son nom à l'année où il occupe ce rang. Ses détendeurs sont souvent des personnages parmi les plus importants du royaume.

Sous les Sargonides, le chef cuisinier (rab nuhhatimi), a la charge de réceptionner les messages royaux. Les autres grands dignitaires sont le vizir (šukkallu), le grand échanson (rab šaqē), le grand intendant (mašennu), le héraut du palais (nāgiru ekalli), le chef des eunuques (rab rēšē) et le majordome du palais (ša pān ekalli), qui gère l’administration du palais royal. Le grand général (turtanu) dispose souvent d’un rôle considérable. Cette charge est d’ailleurs dédoublée pour éviter qu’il ne concurrence le roi. A l’époque des Sargonides, le dauphin, installé dans la Maison de succession (bīt redūti), y exerçait des charges importantes, concernant les affaires de routine (le roi gérant les affaires exceptionnelles), et la surveillance des fonctionnaires du royaume.

Administration des provinces et royaumes vassaux

Les établissements de marchands paléo-assyriens installés dans les pays étrangers sont gérés par une autorité particulière, le karūm ("quai", du nom du quartier commercial d'une ville). Elle est contituée des principaux marchands assyriens en poste dans la ville. Ses attributions sont essentiellement juridiques, mais aussi diplomatiques, puisque le karūm passe des accords commerciaux avec des royaumes étrangers. Il reste toujours soumis au pouvoir central d'Assur, représenté par la roi et la Ville, qui font office d'institutions juridiques suprêmes, et restent en contact avec les établissements assyriens de l'étrangers, comme cela est bien documenté à Kanesh.

A l'époque médio-assyrienne, le royaume qui se constitue est vite découpé administrativement après les conquêtes, selon un principe qui perdure par la suite. On crée des provinces (pahatu), administrées par un gouverneur (bēl pahati, plus tard šaknu). Il veillait au versement des taxes et redevances, et à la sécurité de la province. Quelquefois, une charge à l’administration centrale entraînait l’administration d’une province précise. Les provinces étaient divisées à leur tour en districts (haslu), qui ont aussi leurs administrateurs (hassillu). Tout ce système faisait sans doute l’objet d’une surveillance par le pouvoir central, effectuée par des inspecteurs (qēpu). Au niveau local, on trouve d'autres agents royaux : les maires (hazanu), et les inspecteurs (rab alāni) chargés de la collecte des taxes.

Le roi Jéhu d'Israël faisant sa soumision à Salmanazar III.

A côté des provinces administrées directement par des gouverneurs assyriens, on trouvait un ensemble de royaumes vassaux. Leurs rois avaient prêté serment de fidélité au roi assyrien (māmītu à l'époque médio-assyrienne, adē à l'époque néo-assyrienne), en échange de sa protection. Ils devaient verser un tribut fixé précisément lors de la signature du traité. A la période néo-assyrienne, de nombreux royaumes vassaux sont transformés en province après des rébellions, surtout à partir de Teglath-Phalasar III dans la seconde motié du VIIIe siècle. Les Assyriens éliminent leurs élites ou les déportent pour les remplacer par un gouvernement pro-assyrien (quand le gouverneur n'est pas lui-même assyrien).

Quelques villes disposaient de situation privilégiées : le roi leur avait accordé des franchises (zakūtu). C’est le cas des grandes villes d’Assyrie, de certaines en Babylonie. Le roi accordait souvent ce privilège en remerciement du soutien que lui avaient apporté ces cités lors de révoltes.

Voir aussi

Lien externe

  • (en) S. Parpola, « Sons of God. The ideology of Assyrian Kingship » (dans Archaeology Odissey Archives, Décembre 1999) [1]

Bibliographie

  • P. Garelli, A. Lemaire, Le Proche-Orient Asiatique, tome 2 : Les empires mésopotamiens, Israël, P.U.F., 2002
  • F. Joannès :
    • (dir.), Dictionnaire de la civilisation mésopotamienne, Robert Laffont, 2001,
    • La Mésopotamie au Ier millénaire avant J.-C., Armand Colin, 2000
  • (en) R. Westbrook (dir.), A History of Ancient Near Eastern Law, 2 vol., Handbuch der Orientalist 72, Brill, 2003
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