- Odette Sansom
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Odette Sansom (1912 - 1995) fut un agent franco-britannique du Special Operations Executive, pendant la Seconde Guerre mondiale. Sous le nom de guerre « Lise », elle fut courrier du réseau SPINDLE dirigé par Peter Churchill actif dans le midi de la France. Arrêtée par les Allemands et déportée à Ravensbrück, elle survécut.
Sommaire
Identités
- État civil : Odette Marie Céline Brailly, ép. 1. Sansom, 2. Churchill, 3. Hallowes
- Comme agent du SOE :
- Nom de guerre (field name) : « Lise »
- Nom de code opérationnel : CLOTHIER (en français DRAPIER)
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Famille
- Son père : Gaston Brailly est un héros de la Première Guerre mondiale, tué à Verdun en 1918.
- Son premier mari : Roy Sansom, Anglais (mariage 1931 ; mort pendant la guerre).
- Leurs trois filles : Françoise, Lily et Marianne.
- Son deuxième mari : Peter Churchill (mariage 1947 ; divorce 1956 ; mort en 1972).
- Son troisième mari : Geoffrey Hallowes (mariage 1956, décédé le 25 septembre 2006, voir Timesonline)
Biographie
Jeunesse
1912. Le 28 avril, Odette Brailly naît à Amiens, département de la Somme, région de Picardie, France.
1918. À la mort de son père, elle n'a que six ans. Elle sera élevée par sa mère, avec la présence de ses grands-parents, d'abord à Saint-Saëns (entre Rouen et Dieppe), puis à Boulogne-sur-mer, où elle achève ses études.
1926. . Elle est pensionnaire chez les sœurs à Boulogne-sur-mer. Appréciation de la mère supérieure : « Odette est une élève intéressante et intelligente, et a beaucoup de volonté ».
1930. Elle fait la connaissance de Roy Sansom, un jeune Anglais dont la famille est amie des Brailly.
1931. Elle épouse Roy Sansom à l'église Saint-Pierre de Boulogne. Son mariage lui confère la nationalité britannique.
1932. Naissance de Françoise. La famille s’installe en Angleterre.
1934. Naissance de Lily à Londres.
1936. Naissance de Marianne.
1941. Elle se sépare de son mari, et conserve la garde de ses trois filles.
Entrée en Résistance
1942.
- Printemps. Quand le War Office demande aux Londoniens d’origine française de fournir des photographies de leurs villes, Odette envoie ses photos de famille qui contiennent de nombreux renseignements utiles sur la côte de la Manche. Dans la lettre qui accompagne les photos, elle explique qu'elle a vécu près de quatre ans à Boulogne et qu'elle connaît très bien cette partie de la côte française. Cela attire l'attention du War Office. Elle est reçue par le major Guthrie, à qui elle explique qu'elle recherche un emploi à temps partiel !...
- Juillet. ... Puis, sur une invitation reçue fin juin, elle a un entretien le 10 avec Selwyn Jepson à l'hôtel Victoria, chambre 238, Whitehall. Il lui propose de travailler pour la section F, en étant recrutée par le FANY[1]. Elle trouve dans l'Essex un pensionnat religieux qui pourra prendre en charge ses filles. Et une semaine après l'entrevue, elle téléphone à Jepson pour lui communiquer son acceptation. Il lui demande de se rendre à Orchard Court pour y rencontrer Maurice Buckmaster, ce qu'elle fait. Elle y apprend en quoi consistera sa mission.
- Août. Elle suit l'entraînement.
Mission en France
Définition de la mission : il lui est demandé d'organiser un réseau dans la région d'Auxerre. Son nom de guerre est « Lise ».
- Octobre. Elle est expédiée par un transport de troupes par bateau, de Gourock à Gibraltar.
- Novembre. Partie de Gibraltar, la felouque Seadog la dépose début novembre à Port-Miou, près de Cassis (Bouches-du-Rhône)[2]. Elle établit le contact avec le chef de réseau SPINDLE, Peter Churchill, qui obtient du SOE que sa mission soit changée et qu'elle lui soit affectée en tant que courrier.
1943.
- À l'occasion d'un retour de Peter Churchill en Angleterre, elle reste seule en France. Elle rencontre Hugo Bleicher, qui se présente comme un agent de l'Abwehr (ce qu'il est) et qui prétend souhaiter se rendre en Angleterre pour y servir les Alliés.
Aux mains de l'ennemi
- Avril. Le 16, le réseau ayant été trahi par un agent double, Odette et Peter Churchill sont arrêtés à Saint-Jorioz, près du lac d'Annecy et emprisonnés. Elle est torturée par le Gestapo à la prison de Fresnes, près de Paris. Elle prétend alors qu'elle est la femme de Peter Churchill et que celui-ci est le neveu du premier ministre (ce qui n'est pas le cas). Avec ce mensonge, elle espère ainsi pour eux un traitement moins rigoureux. Cela se révèle judicieux, car les Allemands les laissent en vie, probablement avec l'idée de les utiliser un jour comme monnaie d'échange politique avec le Royaume-Uni.
1944.
- Odette est condamnée à mort par un tribunal réuni avenue Foch, sans avocat et sans défense.
- Mai. Le matin du 12, Odette Sansom, en même temps que six (ou sept) autres agents féminins du SOE, Andrée Borrel, Yolande Beekman, Vera Leigh, Eliane Plewman, Diana Rowden, Madeleine Damerment (et Sonia Olschanesky[3] ?), est extraite de la prison de Fresnes. Elles ne se connaissent pas les unes les autres, n'ayant jamais eu à se côtoyer, ni à l'entraînement, ni sur le terrain, ni en prison. Elles sont envoyées au quartier général du SD, avenue Foch, où elles sont enfermées quelques heures, puis emmenées en camion, attachées deux par deux, à la gare de l'Est, mises dans le train et déportées en Allemagne. Le 13, le trajet s'arrête à Karlsruhe. Des sept (ou huit ?) femmes, seule Odette Sansom reviendra et pourra faire le récit de ce "voyage".
Récit du transfert en Allemagne de sept prisonnières de la section F[4][Le récit commence le 12 mai 1944]
Vers 11 heures du matin, la porte de la cellule 237 s'ouvrit et la gardienne entra [...] Odette, la tête haute, longea pour la dernière fois les couloirs de Fresnes. Le panier à salade l'attendait dans la cour de la prison. Le capitaine de la division des femmes était là. Il salua Odette, en mettant dans son salut une nuance particulière qui faisait de ce geste autre chose qu'une banale politesse. « Frau Churchill, dit-il, je vous ai apporté quelques fleurs. Vous me ferez plaisir en les acceptant ». Il lui tendit un petit bouquet. [...] Avec un sourire, elle lui tendit la main et il la serra. Elle grimpa ensuite dans le fourgon cellulaire et fut enfermée dans sa cage.
Elle avait passé un an et quatre jours à Fresnes et, le jour où elle s'en alla, la troisième division perdit un peu de ce qui formait son âme...
À une heure et demie, le panier à salade arrivait devant le 84 de l'Avenue Foch. Les portes s'ouvrirent et la cargaison humaine du fourgon fut poussée dans une des pièces du premier. Pour la première fois, Odette put voir se compagnons de route. Il y en avait sept - toutes des femmes. Elles se dévisagèrent avec une curiosité nuancée de méfiance. Soudain elles réalisèrent qu'elles appartenaient toutes à la section française. Elles ne se connaissaient pas mais elles furent aussitôt rapprochées par un sentiment de grande camaraderie et elles bavardèrent à cœur ouvert. Il n'y avait plus besoin de se taire, car elles savaient bien, au fond d'elles-mêmes, qu'elles venaient de parcourir la première étape d'un voyage sans retour. On leur avait rendu leurs sacs à main ; poudriers et bâtons de rouge furent aussitôt mis en commun. On échangea des souvenirs ; Londres, le stage dans le New-Forest, les missions, Fresnes, étaient autant d'épisodes identiques de leur histoire. Elles se révélèrent mutuellement leurs noms véritables, en même temps que leurs noms de guerre, et goûtèrent un plaisir intense à ce retour si longtemps attendu à la vérité. Pour six des sept femmes qui se trouvaient ce jour-là réunies Avenue Foch, la mort n'était pas loin :
- Andrée Borrel « Denise », Vera Leigh « Simone » et Diana Rowden « Juliette » devaient mourir à Natzweiler le 6 juillet ;
- Yolande Beekman « Mariette », Madeleine Damerment « Martine » et Eliane Plewman « Gaby » vécurent un peu plus longtemps et moururent côte à côte, le 13 septembre , dans l'enfer de Dachau.
Toutes moururent assassinées sans jugement, et toutes firent preuve, au moment de leur mort, d'un courage tranquille qui couvrit de honte leurs geoliers eux-mêmes. La dernière, Odette Sansom « Lise » avait seule été officiellement condamnée à mort ; par un paradoxe plein d'une macabre ironie, ce fut la seule qui survécut.
Vers le milieu de l'après-midi, le commandant de la Gestapo vint passer ses victimes en revue. Il leur annonça qu'elles allaient être expédiées en Allemagne - ce qu'elles savaient déjà. Avaient-elles une requête à formuler ? Odette prit la parole et réclama une tasse de thé pour tout le monde. « Et pas du thé comme on le fait en France ou en Allemagne, mais du thé à l'anglaise : une cuillerée de thé par personne et une pour la théière. Avec du sucre et du lait, s'il vous plaît ».
Il lui lança un long regard étonné et sortit. Quelques minutes plus tard, une femme entra avec un plateau sur lequel étaient disposées une théière et sept magnifiques tasses de Sèvres. Odette servit le thé et réclama de l'eau bouillante. Le moral de la petite troupe était déjà bon, mais, grâce au thé et au rouge à lèvres, il s'améliora encore ; le lugubre voyage en Allemagne devenait pour ces femmes héroïques une aventure qu'elles étaient prêtes à affronter avec calme et courage.
À six heures un officier de S.S. entra, suivi d'une douzaine d'hommes en uniforme. Il les informa que l'heure du départ était arrivée. Les prisonnières allaient être attachées deux par deux. Si elles faisaient du scandale ou cherchaient à s'évader, les gardes tireraient sur elles sans hésiter. « Vous allez être conduites à la gare dans un car ordinaire, avec des fenêtres ; il vous est interdit de faire des signes aux passants ou de leur faire comprendre, de quelque façon que ce soit, que vous n'êtes pas des voyageuses comme les autres. »
Odette se trouva enchaînée à Yolande Beekman. Elles se sourirent avec une résignation amusée. Toute cette mise en scène était grotesque. Il y avait vraiment trop de gardes armés pour un si petit groupe de femmes réduites à l'impuissance ! Au moment où elles descendaient l'escalier, une des femmes se mit à chanter et les autres reprirent le refrain en chœur, jusqu'au moment où on leur intima rudement l'ordre de se taire. Elles traversèrent le trottoir entre deux files de S.S., mitraillette au poing. Odette éclata de rire. C'était bien là une manifestation typique de l'esprit teuton ! Un des commissaires qui l'avaient si souvent interrogée se tenait au balcon du quatrième étage. Il avait tenu à assister au départ de la petite procession et les regardait d'en haut avec l'air protecteur d'un curé surveillant un défilé d'enfants de Marie. À sa grande confusion, Odette l'aperçut et, levant sa main enchaînée, lui fit un joyeux signe d'adieu. « Au revoir, au revoir », lui lança-t-elle.
Il se recula d'un air furieux et, dissimulé derrière un rideau, il attendit que le car eût disparu au coin de la rue pour quitter sa fenêtre.
À la gare de l'Est, on leur avait réservé deux compartiments de seconde classe et elles furent séparées en deux groupes de trois et quatre prisonnières, respectivement. Un S.S. s'assit près de la porte du compartiment et une gardienne S.S. de l'autre. Les fenêtres étaient surveillées avec le même luxe de précautions et une dizaine de S.S. se tenaient en permanence dans le couloir. Yolande Beekman et Odette avaient pour vis-à-vis Andrée Borrel et Vera Leigh. Le train s'ébranla. Il laissa bientôt derrière lui la banlieue parisienne et s'enfonça dans la campagne. Au passage de plusieurs gares, les prisonnières eurent la satisfaction d'apercevoir des traces peu équivoques de l'activité de l'aviation alliée. Odette ne tarda pas à s'endormir, mais son sommeil était coupé de brusques réveils, car ses menottes trop serrées la faisaient souffrir chaque fois qu'un mouvement involontaire la déplaçait. La nuit se passa sans incident notable et, peu après le lever du jour, le train traversa un large fleuve. La sentinelle S.S. grommela fièrement que c'était le Rhin, le vieux Rhin allemand. Odette sentit un petit pincement au cœur quand les roues du train firent vibrer sourdement à ses pieds le tablier du grand pont métallique. Le passage du Rhin marquait une étape décisive du voyage. Jusque là, elle s'était sentie réconfortée par la présence de la France et de gens autour d'elle dont elle savait qu'ils parlaient français, même si elle ne pouvait les entendre. C'était absurde, mais c'était ainsi. Maintenant elle était en Allemagne. Non pas dans l'Allemagne de Goethe ou des frères Grimm, mais dans le Reich sanguinaire et sadique de Hitler, royaume diabolique du fouet, des potences et des fours crématoires.
- Où allons-nous ? demanda Odette au S.S.
- À Karlsruhe, dit-il gaiement. C'est là que vous serez exécutée.Ses yeux bleus se firent soudainement plus doux. « Vous pensez si je suis content qu'on ait décidé de vous exécuter en Allemagne et pas en France ! Cela me donne quarante-huit heures de permission sur lesquelles je ne comptais pas. Je vais pouvoir aller embrasser meine liebste Mutti, ma chère Maman... »
Karlsruhe...
Sur le quai les gens avaient l'air bien nourris et bien vêtus [...] Partout un certain malaise semblait régner. Les visages étaient tendus et anxieux et on jetait parfois un coup d'œil inquiet vers le ciel.
Odette et ses compagnes furent conduites à la prison de droit commun de Karlsruhe, et on les enferma dans des cellules aussi éloignées que possible les unes des autres.
Huit semaines se passèrent [...] Une fois par semaine, les condamnées de la section française avaient le droit de prendre un peu d'exercice dans la cour, chacune à des heures différentes. De sa fenêtre, Odette pouvait apercevoir ses camarades, quand c'était leur tour de promenade, et même leur lancer un rapide bonjour, mais, à part cela, elle était privée de tout contact avec elles.
[...]
- Juillet. Elle est transférée au camp de concentration de Ravensbrück, où elle arrive le 18.
1945. Le 28 avril (jour de son 33e anniversaire), le commandant du camp, le Sturmbannführer Fritz Sühren, la fait sortir du camp dans un fourgon cellulaire qui l'emmène au camp de Neustadt. Le 1er mai, nouveau transfert dans un autre camp. Le 3 mai, Sühren l'emmène en voiture, la remet aux Américains (en la leur présentant comme parente de Winston Churchill) et se rend.
Après la guerre
1946. Le 16 décembre, elle témoigne contre sept femmes, anciennes gardes du camp de concentration de Ravensbrück, devant le Tribunal Allié de Hambourg chargé de la répression des crimes de guerre.
1947. Elle épouse Peter Churchill (son mari est décédé pendant qu'elle était en prison).
1955. Ils divorcent.
1956. Elle épouse Geoffrey Hallowes.
1967. Vice-présidente du First Aid Nursing Yeomanry (FANY).
Elle préside l'association des titulaires de la George Cross
1995. Elle meurt le 13 mars à Walton-on-Thames.
Reconnaissance
- Royaume-Uni : MBE, 1945 ; George Cross, 16 août 1946 (elle est la première de 3 femmes à la recevoir).
- France : Chevalier de la légion d'honneur.
Annexes
Notes
- First Aid Nursing Yeomanry.
- Port-Miou, le Seadog commandé par Buchowski débarque 9 personnes et 500 kg de matériel, et embarque 6 personnes. Les personnes débarquées sont : George Starr, Marcus Bloom, Mary Herbert, Marie-Thérèse Le Chêne, Odette Sansom, Gracomino Galea, et trois autres. Les personnes embarquées sont : John Starr, Isidore Newman, Jean Nohain-Jaboune « Quintet » (Radio-Patrie), X « Richard » et son fils, et un autre. [Source : Sir Brooks Richards, p. 930]. Dans la nuit du 3 au 4 novembre, à
- La présence de Sonia Olschanesky dans le groupe est à vérifier : Siedentopf (2008) la mentionne, mais Odette Sansom, qui faisait partie du groupe, ne la mentionne pas dans son récit rapporté dans Tickell (1950).
- J. Tickell, p. 239-245.
Sources et liens externes
- Œuvres consacrées à Odette Sansom;
- Livre : Jerrard Tickell, Odette agent S.23, préface de Pierre H. Clostermann, coll. Audace n° 1, Nicholson & Watson, 1949, tr. en français par Alain Glatigny de (en) Odette: The Story of a British Agent, Nicholson & Watson, 1949 ; Chapman & Hall, 1950, Bath, Chivers, 1984. Il s'agit d'une biographie d'Odette Sansom, jugée « partiellement exacte » par M.R.D. Foot.
- Film : Odette, agent S 23 (titre original : Odette, 1950), réalisateur Herbert Wilcox, d'après le livre de Jerrard Tickell mentionné ci-dessus.
- Autres sources
- Fiche Odette Sansom, avec photographies : voir le site (en) Special Forces Roll of Honour
- (en) Odette Sansom in the George Cross Database
- "National Archives" britanniques. Accessible depuis le 12 mai 2003, le dossier personnel d'Odette Sansom (classement alphabétique : Hallowes) porte le référence HS 9/648/4 : Description du contenu du dossier personnel, Conditions d'accès au dossier personnel.
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