Néo-démocratie

Néo-démocratie

Stochocratie

La stochocratie, du grec kratein, « diriger, gouverner » et stokhastikos « conjectural, aléatoire »[réf. nécessaire], désigne le tirage au sort des gouvernants au niveau national ou local selon certaines formes de la démocratie athénienne. Le concept est parfois appelé « lotocratie » ou « sortition » (au Québec), ou encore « clérocratie » (le préfixe "cléro" est une abréviation du mot grec clérotérion, machine qui servait à tirer au sort les magistrats dans la démocratie athénienne, et le suffixe kratein de « diriger, gouverner »[réf. nécessaire]).

Sommaire

Principe

L'expression fut inventée par l'écrivain Roger de Sizif, auteur du livre La Stochocratie (1998). Cependant, elle était déjà analysée et présente bien avant cela. Le terme « clérocratie » fut inventé par l'écrivain et théoricien politique François Amanrich.

Unique application historique : Athènes

Un tel système trouva son application dans la Grèce classique, à Athènes.

Elle n'est nulle part ailleurs appliquée, du moins à l'échelon national, dans le monde de nos jours.

Le système de Clisthène

Les réformes de Clisthène, qui s'étalent de 507 à 501, étendent la citoyenneté et réorganisent le territoire et la structure sociale : 10 tribus, réparties sur 100 dèmes, doivent fournir pour les dix mois de l'année 500 bouleutes (50 par tribu) qui siègent à la Boulè (Βουλή). Les bouleutes sont candidats (ils doivent avoir 30 ans au moins), mais ils sont tirés au sort et s'ils sont choisis sont soumis à examen de moralité et de compétence, la docimasie (ἡ δοκιμασία).

Après 487, les archontes (les trois archontes n'étaient alors plus désignés pour dix ans mais leur magistrature durait un an depuis 683) furent tirés au sort. Il faut toutefois, pour être tout à fait honnête, ajouter que c'est à cette date que l'on associe le transfert de pouvoir des archontes vers les stratèges qui étaient élus, transfert motivé par le risque de voir émerger un ou plusieurs archontes incompétents.

Le tribunal populaire, l'Héliée, était composé de 6000 citoyens répartis en dix classes de 500 citoyens, 1000 restant en réserve et tirés au sort chaque année. Par un système compliqué et selon l'affaire, on désignait par tirage au sort (sous contrôle d'un magistrat instructeur) un plus ou moins grand nombre d'héliastes pour chaque procès. Ainsi à un procès privé, 201 juges siégeaient normalement, 401 exceptionnellement, et pour les procès publics, ils étaient 501, 1001, voir 1501 juges.

On peut remarquer:

  • que la confiance dans le tirage au sort est limitée : les archontes n'ont plus que des pouvoirs limités dès lors qu'ils ne sont plus élus (et tous leurs pouvoirs sont transférés aux stratèges, élus par tribu), les héliastes sont très nombreux, les bouleutes soumis à un examen d'entrée ont avant tout un role :
    • de proposition et de préparation des lois et décrets, la probouleuma (προβούλευμα) à soumettre a l'Ecclésia
    • d'application des décisions de l'Ecclésia,
    • de représentation internationale,
c’est-à-dire un rôle limité, et qui ira en s'amenuisant surtout après la Guerre du Péloponnèse et la dictature des Trente
  • que la notion de candidature, donc d'engagement, persiste puisque le tirage au sort se fait dans une population de volontaires. La charge de bouleute est lourde (un mois sur les dix de présence indiscontinue lors de la prytanie de leur tribu, convocations à la discrétion des prytanes le reste de l'année) et mal remunérée (cinq oboles par jour).

Les raisons de la stochocratie

  • La méfiance : la Grèce classique fut le théatre d'un constant affrontement entre oligarques et démocrates (on lira de Thucydide sa Guerre du Péloponnèse pour s'en convaincre : au-delà du clivage Dorien & Ionien, l'opposition Sparte & Athènes cristallise la fracture entre oligarques & démocrates). De plus, les cités eurent les plus grandes difficultés à renverser les tyrannies. Le tirage au sort permettait de limiter l'importance de l'ambition personnelle dans l'accession aux magistratures, et de fait de défavoriser les minorités (les oligarques, les aristocrates) et les individus (les monarques).
  • La religion : les Grecs anciens attribuaient le hasard à la volonté des dieux. De ce point de vue, le tirage au sort assurait que le choix serait meilleur que s'il était fait par les mortels.
  • L'idéal démocratique : « Il est démocratique que les magistratures soient attribuées par le sort, et oligarchique qu'elles soient électives » dit Aristote; choisir les meilleurs équivaut à retrouver un système aristocratique, alors qu'un tirage au sort permet de faire participer tout le peuple sans aucune distinction.
  • La répartition des tâches : les charges publiques étaient lourdes, puisqu'elles réclamaient une présence régulière (voire continue), et la rémunération de cinq oboles par jour (une drachme, c'est-à-dire 6 oboles pour les prytanes) ne représentait que le salaire d'un ouvrier manuel. Ainsi, un tel système permettait de répartir la charge entre tous, et de fait les volontaires devaient être plus nombreux.

Démocratie et stochocratie

Les anti-démocrates ont souvent fait le lien entre démocratie et stochocratie. C'est le cas notamment :

  • d'Aristote : « Il est démocratique que les magistratures soient attribuées par le sort, et oligarchique qu'elles soient électives » Les Politiques, IV, 9, 4 Traduction: Pierre Pellegrin (le livre IV est parfois placé en VI)
  • de Montesquieu : « Le suffrage par le sort est de la nature de la démocratie. Le suffrage par le choix est de celle de l'aristocratie. Le sort est une façon d'élire qui n'afflige personne; il laisse à chaque citoyen une espérance raisonnable de servir sa patrie. » De l'esprit des lois.

Cependant, de graves défaillances empêchent de faire un corollaire entre démocratie et stochocratie :

  • les gouvernants ne sont pas forcément issus du peuple, cela dépend de la base et des conditions du tirage au sort ;
  • absence de contrôle par le peuple :
    • le peuple ne choisit pas, c'est le sort qui le fait ;
    • celui qui est tiré au sort n'a pas de programme politique sur la base duquel il est élu : il peut être incompétent, il peut avoir des tendances dictatoriales... ;
    • les élections régulières sont la base de la démocratie car elles permettent au peuple de sanctionner les programmes politiques qui ont été engagés (en réélisant si le programme est approuvé ou en changeant si le programme est mauvais) ; les conditions du tirage au sort peuvent déterminer qu'une personne soit choisie à vie ou qu'elle soit choisie à nouveau, sans que le peuple ne puisse rien dire.

Des auteurs, comme Gérard Klein dans le Sceptre du hasard, en ont ainsi fait la critique.

Néanmoins, il est aujourd'hui possible de penser une certaine forme de stochocratie dans la démocratie. Certains proposent ce système pour compléter (mais non remplacer) celui des élections, car ils considèrent qu'il constituerait un frein au carriérisme politique, et aboutirait à des décisions :

  • plus représentatives de l'avis de l'ensemble de la population, sans pour autant avoir la lourdeur de la démocratie directe,
  • mais en même temps plus courageuses, moins démagogiques, les représentants n'étant pas conditionnés par la perspective de préparer une réélection.

Voir aussi

  • L'élection organise une aristocratie, Laurent Henry et Philippe-Alexandre Pouille, 10 mars 2008. Aussi sur France Culture, “Sur le bateau d’Ulysse”, 15 août 2008.
  • La Stochocratie, Roger de Sizif, 1998.
  • Loterie solaire, Philip K. Dick, 1974.
  • La démocratie est morte, vive la clérocratie ! Ou la clérocratie comme alternative à la démocratie, François Amanrich, , Barre & Dayez, 1999, 104 p.
  • Pour en finir avec la démocratie, François Amanrich, Éditions du Papyrus, 2007, 180 p.

Articles liés

Liens externes

  • La Néodémocratie, proposition pour résoudre les crises de la démocratie libérale par l’utilisation raisonnée du tirage au sort.
  • Portail de la politique Portail de la politique
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