Métapolitique

Métapolitique

Métapolitique, terme composé des racines "meta" ("au-delà" en grec) et "politique", du grec "polis" (la cité, les affaires publiques) signifie littéralement : « ce qui se situe au-delà des affaires publiques ». À la différence du terme « métaphysique » en usage depuis l'époque d'Aristote (IVe siècle avant notre ère), il n'est apparu qu'à la fin du XVIIIe siècle chez quelques philosophes allemands et français. Mais sa signification actuelle, comme étant le domaine d'action et de réflexion qui se situe au-delà du politique tout en restant concerné par les affaires publiques, voire en cherchant à les influencer sur le long terme, lui a été attribuée dans la deuxième moitié du XXe siècle, sur la base des travaux du penseur marxiste italien Antonio Gramsci (infra).

Sommaire

Origine du concept moderne

Le concept de métapolitique est apparu pour la première fois en France sous la plume de Joseph de Maistre qui le reprenait lui-même des philosophes allemands Christoph Wilhelm Hufeland (1762-1836) et August Ludwig Schlözer (1735-1809) en ces termes :

« J'entends dire que les philosophes allemands ont inventé le mot métapolitique, pour être à celui de politique ce que le mot métaphysique est à celui de physique. Il semble que cette nouvelle expression est fort bien inventée pour exprimer la métaphysique de la politique, car il y en a une, et cette science mérite toute l'attention des observateurs[1] ».

Dans cette acception traditionaliste, reprise en partie par la vision ésotérique d'un Raymond Abellio, entre autres, les développements politiques internationaux sont la traduction d'un plan divin, supra-politique, qu'il s'agit d'interpréter pour en saisir la signification et en prédire le déploiement à venir.

Métapolitique et gramscisme de droite

Dans un tout autre ordre d'idées, à partir d'une réflexion du dissident communiste italien Antonio Gramsci (années 1920-1930), le concept de métapolitique fut principalement développé durant les années 1970 par le courant de pensée dit de la « Nouvelle Droite ». C'est une stratégie qui « consiste à agir dans le champ idéologique et culturel, préalablement à la prise du pouvoir effectif (politique)[2] ».

Cette stratégie consiste en une diffusion dans la collectivité et dans la société civile de valeurs et d'idées (ou d'« idéologèmes ») en excluant tout moyen ou toute visée politicienne, comme toute étiquette politique, mais dans l'optique d'une « grande politique » (Nietzsche), c'est-à-dire orientée vers la recherche d'un impact historique.

La métapolitique se situe en dehors et au-dessus (meta) de la politique « politicienne », laquelle – aux yeux de ses promoteurs – serait devenue théâtrale et ne constituerait plus le lieu de la politique. La stratégie métapolitique diffuse une conception-du-monde (Weltanschauung) de sorte que les valeurs de cette dernière acquièrent une portée historique et produisent un résultat à long terme. Cette stratégie est incompatible avec l'ambition de détenir le pouvoir, d'« être dans » le pouvoir à court terme. La métapolitique n'est donc pas, par définition, quelles que soient par ailleurs ses motivations idéologiques, supposée s'intéresser à l'actualité politique, si ce n'est comme le symptôme d'un esprit du temps qu'elle cherche à transformer.

La théorisation de la métapolitique en France a surtout été l'objet du Groupement de recherche et d'études pour la civilisation européenne, avec les travaux d'Alain de Benoist, Jacques Marlaud ou Pierre Le Vigan.

Elle s'inspire notamment de la réflexion du penseur communiste italien Antonio Gramsci qui fit de la guerre culturelle menée par des « intellectuels organiques » une précondition du succès de l'action politique sur le long terme.

« La théorie gramscienne diverge fondamentalement du marxisme classique qui réduit la société civile à l'état de simple infrastructure économique. Pour elle, c'est l'ensemble de la culture, dont l'économie n'est qu'un secteur, qui est en jeu dans la lutte pour le pouvoir. La culture constitue l'infrastructure qu'il faut investir ou subvertir par des moyens intellectuels avant même de s'attaquer au pouvoir politique[3]. »

Sans renoncer à la métapolitique, Alain de Benoist relativise aujourd'hui l'importance du pouvoir intellectuel et du combat des idées face à d'autres facteurs de changements contemporains tels que les progrès de la technique :

« Bien entendu, on peut se demander si, dans le monde où nous sommes, les idées peuvent encore jouer un rôle comparable à celui qu’elles ont eu dans le passé. Le temps où les intellectuels détenaient, au moins dans certains pays dont la France, une véritable autorité morale est visiblement passé. L’Université elle-même a beaucoup perdu de son prestige, au profit du système médiatique. Or, les grands médias, à commencer par la télévision, ne sont guère aptes à faire passer une pensée complexe. Dans le même temps, il est clair que les transformations sociales les plus décisives sont aujourd’hui induites, non par les instances politiques classiques, mais par l’évolution des technologies. Il n’en reste pas moins que les idées ont toujours de l’importance, car elles influent sur les valeurs et les systèmes de valeurs auxquels se réfère la société globale. La multiplication des réseaux, qui est un des phénomènes les plus caractéristiques de notre époque, peut contribuer à leur diffusion[4]. »

Alain Badiou et la métapolitique

Plus récemment, le concept de métapolitique a été employé par le philosophe maoïste Alain Badiou:

« Par "métapolitique", j’entends les effets qu’une philosophie peut tirer, en elle-même, et pour elle-même, de ce que les politiques réelles sont des pensées. La métapolitique s’oppose à la philosophie politique, qui prétend que, les politiques n’étant pas des pensées, c’est au philosophe qu’il revient de penser "le" politique » [5].

Notes et références

  1. Joseph de Maistre, Considérations sur la France, suivi de l'Essai sur le principe générateur des constitutions, 1797, éd. Complexe 2006, p. 227
  2. Article « Métapolitique », dans Erwan Lecoeur, Dictionnaire de l'extrême droite, Paris, Larousse, « À présent », 2007, pp. 202-203.
  3. Jacques Marlaud, « Métapolitique : la conquête du pouvoir culturel. La théorie gramscienne de la métapolitique et son emploi par la Nouvelle droite française », Interpellations. Questionnements métapolitiques, Dualpha, 2004, pp. 121-139.
  4. Extrait de l'entretien d'Alain de Benoist donné à la revue The Occidental Quarterly (repris dans C'est-à-dire, vol. 1, Les Amis d'Alain de Benoist, 2006, pp. 181-183).
  5. Abrégé de métapolitique, Seuil, 1998.

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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Métapolitique de Wikipédia en français (auteurs)

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