Metapolitique

Metapolitique

Métapolitique

Sommaire

Introduction

Existe-t-il un domaine de réflexion qui soit à la fois au-delà de la pensée et de l'action politiques proprement dites tout en conservant le domaine politique comme objet de réflexion ? C'est ce que pense le philosophe et polémiste du XVIIIe siècle, Joseph de Maistre pour qui la "métapolitique" serait à la politique ce que la métaphysique est à la physique (réf. ci-dessous). Ce qui suppose que les pratiques et les réflexions politiques stricto sensu reposent sur un ensemble de valeurs, une culture, une spiritualité qui en influencent, implicitement ou explicitement, les orientations. Le penseur italien Antonio Gramsci (réf. ci-dessous) estime par conséquent que pour agir efficacement et durablement dans le champ politique, il faut d'abord intervenir au niveau culturel, c'est-à-dire métapolitique.

Origine du mot

Le concept de métapolitique est apparu pour la première fois en France sous la plume de Joseph de Maistre qui le reprenait lui-même des philosophes allemands Christoph Wilhelm Hufeland (1762-1836) et August Ludwig Schlözer (1735-1809) en ces termes :

« J'entends dire que les philosophes allemands ont inventé le mot métapolitique, pour être à celui de politique ce que le mot métaphysique est à celui de physique. Il semble que cette nouvelle expression est fort bien inventée pour exprimer la métaphysique de la politique, car il y en a une, et cette science mérite toute l'attention des observateurs. [1]».

Dans cette acception traditionnaliste, reprise en partie par la vision ésotérique d'un Raymond Abellio, entre autres, les développements politiques internationaux sont la traduction d'un plan divin, supra-politique, qu'il s'agit d'interpréter pour en saisir la signification et en prédire le déploiement à venir.


Métapolitique et gramscisme de droite

Dans un tout autre ordre d'idées, à partir d'une réflexion du dissident communiste italien Antonio Gramsci (années 1920-1930), le concept de métapolitique fut principalement développé durant les années 1970 par le courant de pensée dit de la « Nouvelle Droite ». C'est une stratégie qui « consist[e] à agir dans le champ idéologique et culturel, préalablement à la prise du pouvoir effectif (politique)[2] ».

Cette stratégie consiste en une diffusion dans la collectivité et dans la société civile de valeurs et d'idées (ou d'« idéologèmes ») en excluant tout moyen ou toute visée politicienne, comme toute étiquette politique, mais selon une visée de « grande politique » (Nietzsche), c'est-à-dire de recherche d'un impact historique.

La métapolitique se situe en dehors et au-dessus (meta) de la politique « politicienne », laquelle – aux yeux de ses promoteurs – serait devenue théâtrale et ne constituerait plus le lieu de la politique. La stratégie métapolitique vise à diffuser une conception-du-monde (Weltanschauung) de sorte que les valeurs de cette dernière acquièrent dans l'histoire une portée et produisent un impact à long terme. Cette stratégie est incompatible avec l'ambition de détenir le pouvoir, d'« être dans » le pouvoir à court terme. Se voulant polyvalente, la métapolitique doit s'adresser aux décideurs, aux médiateurs, aux diffuseurs de tous les courants de pensée, auxquels elle ne dévoile pas forcément l'ensemble de son discours. La métapolitique diffuse aussi bien une sensibilité qu'une doctrine ; elle se fait culturelle ou idéologique selon les circonstances.

La théorisation de la métapolitique en France a surtout été l'objet du Groupement de recherche et d'études pour la civilisation européenne, avec les travaux d'Alain de Benoist, Jacques Marlaud ou Pierre Le Vigan.

Elle s'inspire notamment de la réflexion du penseur communiste italien Antonio Gramsci qui fit de la guerre culturelle menée par des « intellectuels organiques » une précondition du succès de l'action politique sur le long terme.

« La théorie gramscienne diverge fondamentalement du marxisme classique qui réduit la société civile à l'état de simple infrastructure économique. Pour elle, c'est l'ensemble de la culture, dont l'économie n'est qu'un secteur, qui est en jeu dans la lutte pour le pouvoir. La culture constitue l'infrastructure qu'il faut investir ou subvertir par des moyens intellectuels avant même de s'attaquer au pouvoir politique[3]. »

Sans renoncer à la métapolitique, Alain de Benoist relativise aujourd'hui l'importance du pouvoir intellectuel et du combat des idées face à d'autres facteurs de changements contemporains tels que les progrés de la technique :

« Bien entendu, on peut se demander si, dans le monde où nous sommes, les idées peuvent encore jouer un rôle comparable à celui qu’elles ont eu dans le passé. Le temps où les intellectuels détenaient, au moins dans certains pays dont la France, une véritable autorité morale est visiblement passé. L’Université elle-même a beaucoup perdu de son prestige, au profit du système médiatique. Or, les grands médias, à commencer par la télévision, ne sont guère aptes à faire passer une pensée complexe. Dans le même temps, il est clair que les transformations sociales les plus décisives sont aujourd’hui induites, non par les instances politiques classiques, mais par l’évolution des technologies. Il n’en reste pas moins que les idées ont toujours de l’importance, car elles influent sur les valeurs et les systèmes de valeurs auxquels se réfère la société globale. La multiplication des réseaux, qui est un des phénomènes les plus caractéristiques de notre époque, peut contribuer à leur diffusion[4]. »


Alain Badiou et la métapolitique

Plus récemment, et dans une acception politiquement moins engagée, le concept de métapolitique a été employé par le philosophe Alain Badiou:

« Par "métapolitique", j’entends les effets qu’une philosophie peut tirer, en elle-même, et pour elle-même, de ce que les politiques réelles sont des pensées. La métapolitique s’oppose à la philosophie politique, qui prétend que, les politiques n’étant pas des pensées, c’est au philosophe qu’il revient de penser "le" politique » [5].


Notes et références

  1. Joseph de Maistre, Considérations sur la France, suivi de l'Essai sur le principe générateur des constitutions, 1797, éd. Complexe 2006, p. 227
  2. Article « Métapolitique », dans Erwan Lecoeur, Dictionnaire de l'extrême droite, Paris, Larousse, « À présent », 2007, pp. 202-203.
  3. Jacques Marlaud, « Métapolitique : la conquête du pouvoir culturel. La théorie gramscienne de la métapolitique et son emploi par la Nouvelle droite française », Interpellations. Questionnements métapolitiques, Dualpha, 2004, pp. 121-139.
  4. Extrait de l'entretien d'Alain de Benoist donné à la revue The Occidental Quarterly (repris dans C'est-à-dire, vol. 1, Les Amis d'Alain de Benoist, 2006, pp. 181-183).
  5. Abrégé de métapolitique, Seuil, 1998.
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