Antoine Court de Gebelin

Antoine Court de Gebelin

Antoine Court de Gébelin

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Antoine Court de Gébelin
Antoine Court Gebelin.jpg
Naissance février 1719
Nîmes
Décès 12 mai 1784 (à 65 ans)
Paris
Nationalité France France

Antoine Court de Gébelin[1], né à Nîmes en février 1719, mort à Paris le 12 mai 1784, est un écrivain et érudit français.

Fils du ministre protestant Antoine Court, Court de Gébelin exerça d’abord le ministère évangélique, mais il l’abandonna bientôt pour se livrer à de longs travaux d’érudition, dont l’étude des anciennes mythologies, et pour être plus libre de poursuivre, à l’exemple de son père, le triomphe des principes de la tolérance religieuse.

Fidèle à la cause de ses coreligionnaires, il quitta Lausanne en 1763, pour s’établir à Paris, où il pouvait trouver les secours littéraires nécessaires à ses travaux et où il était mieux en position de plaider avec succès la cause de ses coreligionnaires. Il reçut la place de censeur royal.

Après vingt ans d’études, il commença à publier l’ouvrage auquel il dut sa réputation et dont il s’occupa jusqu’à sa mort, le Monde primitif analysé et comparé avec le monde moderne, ouvrage dont il a paru neuf volumes in-4° à Paris, de 1775 à 1784, et qui devait avoir encore six ou sept autres volumes.

Le premier volume, Allégories orientales, est une explication de la mythologie ancienne, considérée d’un bout à l’autre comme une allégorie, ayant à la fois pour base les travaux des champs et les phénomènes astronomiques : partant de l’idée, admise déjà dans l’antiquité, que la mythologie se compose d’allégories, il en chercha l’explication dans l’agriculture, qui en délivrant les premiers hommes des poignantes angoisses de la faim fut pour eux le plus grand des biens, et dont les différents travaux auraient été, selon lui, décrits et enseignés sous le voile de fictions poétiques faciles à retenir. C’est ainsi que dans l’histoire de Saturne on aurait célébré les heureux effets de l’agriculture; dans celle de Cérès, la culture du blé ; dans celle d’Hercule, les premiers défrichements, ces antiques exploits par lesquels les peuplades primitives domptèrent la terre. Les noms des divers personnages qui figurent dans les récits mythologiques seraient également allégoriques. Pour en déterminer le sens, Court de Gébelin crut devoir remonter à une langue primitive, dont toutes les langues connues seraient dérivées, et qui, tout en étant expliquées par elle, peuvent servir à la reconstituer, par les racines communes qu’elles en ont conservées. Court fut amené par là à des recherches étendues sur l’origine du langage et de l’écriture, recherches qui forment une des bases essentielles de son système.

Le deuxième volume, Grammaire universelle, a pour idée fondamentale que la parole est née avec l’homme, comme une conséquence nécessaire de sa nature, et que, partant, les premiers éléments de toutes les langues, aussi anciens que l’humanité, consistent en un certain nombre de sons naturels ayant partout le même sens, malgré les modifications qu’ils paraissent subir chez les différents peuples.

Dans le troisième volume, Histoire naturelle de la parole, où l’auteur considère les voyelles comme représentant les sensations et les consonnes les idées, il cherche à établir que, dans toute langue, l’écriture a été primitivement hiéroglyphique, chaque lettre figurant d’abord un objet naturel.

Les cinquième et neuvième volumes sont des Dictionnaires étymologiques des langues grecque, latine et française. Les autres s’occupent du monde primitif au point de vue de divers objets d’histoire et de science, l’Histoire du calendrier, et des réponses aux critiques qui avaient été faites sur l’ouvrage. Court de Gébélin laissa en mourant des notes assez bien disposées pour qu’on pût espérer de les voir mettre en ordre et publier par Moulinié, jeune ministre genevois, qu’il avait initié à ses travaux. Mais suite aux malheurs qu’il éprouva à la fin de sa vie, ses manuscrits furent dispersés et disparurent en grande partie. Le Monde primitif est ainsi resté une œuvre inachevée. Les neuf volumes publiés suffisent néanmoins à donner une idée complète du système de Court, dont que les volumes supplémentaires n’auraient pu, tout au plus, que faire connaître des faits de détail et d’érudition et de la sagacité de leur auteur, sans rien ajouter à la valeur de ses théories. Tout en accordant à Court de Gébelin que la faim a dû être dans les temps primitifs le besoin le plus pénible des hommes, et que par conséquent la découverte et la pratique de l’agriculture ont été pour eux des biens qui ont dû prendre une grande place dans leurs traditions, qui, en complète opposition avec les systèmes des mythologues allemands de son époque qui faisaient intervenir l’élément moral dans les allégories antiques, ne tient compte que des besoins physiques.

Court de Gébelin fut également un zélé partisan des principes des physiocrates. Quesnay l’appelait son « disciple bien aimé ». Il est probable qu’il fut entraîné vers cette école de pensée par ses idées sur la mythologie, dans laquelle il ne voyait que la glorification de l’agriculture. Ses travaux d’érudition ne lui firent jamais oublier la cause de ses coreligionnaires. « Arabe et visites des savants, écrit-il lui-même dans un registre de notes, tout a été interrompu pour composer des mémoires et solliciter en faveur de nos frères. » Avant même de s’établir à Paris, il avait plaidé la cause de la tolérance religieuse dans un ouvrage intitulé les Toulousaines, ou lettres historiques et apologétiques en faveur de la religion réformée et des divers protestants condamnés dans ces derniers temps par le parlement de Toulouse et dans le haut Languedoc, Édimbourg [Lausanne], 1760, 1 vol. in-8°, 458 p. Ce livre, écrit avec peu de méthode et de précision, n’eut pas le succès qu’il en attendait.

Un établissement qu’il forma dès son arrivée à Paris fut d’une importance plus réelle. C’était un bureau d’agence destiné à centraliser les plaintes, les vœux et les vues diverses des protestants de tout le royaume et à recueillir tous les faits par lesquels ou pouvait intéresser les hommes influents, portés par la philosophie de cette époque à défendre les principes de la liberté de conscience, aux mesures propices à les faire triompher. Court de Gébelin devint par cela même comme le centre de tout le mouvement en faveur de cette cause. Ses vues et ses désirs allaient même plus loin que la liberté religieuse. La liberté civile et politique trouva en lui un généreux avocat, et ce fut pour en répandre les principes qu’il coopéra, avec Franklin, Robinet et quelques autres écrivains, à une publication consacrée à la défense de l’indépendance des Américains et paraissant sous le titre de Affaires de l’Angleterre et de l’Amérique (Anvers, 1776 et suiv., 15 vol. in-8°), et qu’il composa un ouvrage qui ne fut publié que cinq ans après sa mort, sous le titre : Discours du Prince et du Citoyen, Paris, 1789, 1 vol. in-8°.

Ayant aussi trouvé, vers la fin de sa vie, quelque soulagement aux maux dont il souffrait dans les pratiques du magnétisme animal, il en fit, dans une Lettre sur le Magnétisme animal, Paris, 1783, in-4°, 47 p. (2e édit., avec un supplément ; Paris, 1784, in-4°, 48 p.) une apologie, qui fit grand bruit.

Il est probable que sa fin fut hâtée par les nombreux chagrins que lui causa l’administration d’un établissement littéraire qu’il avait contribué à fonder en 1780, sous le nom de « Musée », et dont il avait accepté la présidence. Plus accoutumé à s’orienter dans les obscures traditions de l’antiquité que dans le dédale des affaires d’argent, il se laissa tromper par deux hommes qui abusèrent de sa confiance pour lui faire contracter des dettes, dont il ignorait lui-même la somme totale. Tourmenté par des créanciers qu’il ne connaissait pas, il sacrifia toutes ses économies et, quand il mourut, il était depuis un mois au bout de ses ressources et dans le plus triste dénuement. Il laissa trente mille livres de dettes. Les créanciers firent saisir le Musée, en même temps que tous ses papiers, qui furent vendus à l’encan. Parmi ces papiers se trouvaient non seulement les notes qui devaient servir à la rédaction de la fin du Monde primitif, mais encore toute sa correspondance au sujet des affaires protestantes de son temps, et une immense quantité de documents que son père avait recueillis sur l’histoire des protestants français réfugiés, et à la rédaction desquels Court de Gébelin avait formé le projet de consacrer sa vieillesse.

En outre des écrits déjà mentionnés, on a encore de lui : Histoire naturelle de la Parole, ou grammaire universelle à l’usage des jeunes gens, Paris, 1776, in-8°; 2e édit, avec une préface et des notes de Lanjuinais, Paris, 1816, in-8°, 3 pl. ; Dictionnaire étymologique et raisonné des racines latines, à l’usage des jeunes gens, Paris, 1780, in-8°. Le premier de ces deux ouvrages est un résumé du IIe vol. du Monde primitif, et le second un abrégé des VIe et VIIe.

Sommaire

Notes

  1. Le surnom de Gébelin est un nom d’emprunt : Antoine Court le prit, à l’exemple de tous les ministres protestants français, qui pour échapper plus facilement aux lois sévères qui menaçaient constamment leur vie, se cachaient sous un nom de fantaisie, qui est d’ordinaire plus connu que leur nom véritable.

Bibliographie

Oeuvres

  • Les Toulousaines ou lettres historiques et apologétiques en faveur de la religion réformée et de divers protestants condamnés dans ces derniers temps par le parlement de Toulouse, 1763. Il s'agit d'un mémoire sur les affaires Calas et Sirven.
  • Le Monde primitif analysé et comparé avec le monde moderne, 1773-1782, 11 vol.
  • Devoirs du prince et du citoyen, posthume, 1789.

Études

  • Ferdinand Hoefer, Nouvelle Biographie générale, t. 12, Paris, Firmin-Didot, 1857, p. 217-9.
  • Gustave Vapereau, Dictionnaire universel des littératures, Paris, Hachette, 1855, p. 538.
  • Darnton, La fin des Lumières, Perrin, 1984.
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