Melencolia I

Melencolia I

Melencolia de Dürer

Melencolia I d'Albrecht Dürer, 1514
gravure sur cuivre, 23.9cm x 16.8cm.

Melencolia I ou La Melencolia, est le nom donné à une gravure sur cuivre d'Albrecht Dürer datée de 1514. Le titre est pris de l'œuvre même où il apparaît comme un élément de la composition. Melencolia I est souvent considérée comme faisant partie d'une série, Meisterstiche, comprenant également Le chevalier, la mort et le diable, (1513) et Saint Jérôme dans sa cellule (1514). Cette œuvre d'une richesse symbolique exceptionnelle a été l'objet d'un nombre considérable d'études[1].

Sommaire

Une œuvre unique, de multiples énigmes

La Melencolia intègre, de manière synthétique, une multiplicité d'éléments dont les commentateurs s'accordent à reconnaître la forte prégnance symbolique. Ces éléments, représentés séparément, s'appellent les uns avec les autres pour composer un ensemble symbolique complexe et dont les résonances semblent susceptibles d'interprétations inépuisables et indéfinies:

« 

[...] et l'on pourrait [...] considérer ce chef-d'œuvre selon d'autres perspectives [...] convergeant toutes vers l'harmonieuse unité du point de vue synthétique qui les commande.[2]

 »

Ces objets symboliques se parent également d'éléments affectifs qui renforcent les contrastes destinés à susciter notre fascination: ainsi de la posture du grand ange, représenté de manière hiératique mais qui semble apporter, par son indifférence majestueuse ajoutée à la force de son regard, une tension secrète dirigée vers le dénouement de la mélancolie émanée de l'astre sombre et la créature volante.

Celle-ci porte, sur la face interne de ses ailes, le nom de la gravure: Melencolia. Étymologiquement, mélancolie est exactement restitué par bile noire ou humeur noire, et le tempérament mélancolique, avec prédominance de l'atrabile (ou bile noire) était le quatrième et dernier tempérament considéré par la médecine hippocratique.

Dürer a inséré un signe entre le mot Melencolia et le I final. Les exégètes se sont interrogés sur sa signification, et c'est probablement de manière intentionnelle que Dürer l'a dessiné de façon telle qu'on peut, en raison de son caractère "ornemental" qui ne se rencontre pas dans les autres lettres, y voir une simple "arabesque" décorative, ou bien une allusion à un S orné, dont la signification ouvre la voie à des interprétations complexes.

Selon la première lecture, on obtient Melencolia-I, qui conduit à entrevoir la forte signification apocalyptique révélée par les autres éléments symboliques de l'œuvre, et dont on rendra compte dans cet article: si on comprend la Melencholia selon une allusion allégorique à l'illusion, aux ténèbres et à l'ignorance, le retour au Principe, c'est-à-dire la restitution d'un monde conforme au vouloir divin est symbolisé par la lettre I, transcription directe du Iod hébraïque.

Selon la seconde lecture, on obtient : Melencolia-S.I, les deux dernières lettres étant les initiales latines du Saint-Empire, ce qui conduit aussi à une interprétation de nature apocalyptique.

Quoi qu'il en soit, la présence des divers éléments symboliques dans ce chef-d'œuvre, leurs relations mutuelles et les multiples échos qu'ils se renvoient, l'unité organique qui se dégage de leur arrangement, conduisent à interpréter la gravure de Dürer selon la description d'un monde divin et angélique en attente, prêt à restituer à un monde humain sous l'emprise des ténèbres la lumière divine oubliée. Et les moyens mis en œuvre pour réaliser cette opération nous plongent au cœur d'un univers de connaissances hermétiques dont l'artiste a voulu rappeler la puissance toujours effective. Erwin Panofsky, qui est l'un des spécialistes académiques les plus reconnus sur Dürer, voit dans la Melencolia un autoportrait spirituel du Maître, selon une interprétation qui n'est nullement exclusive d'autres points de vue, et qui pose la question de comprendre ce que « représentait » Dürer à son époque, et les influences qu'il a « condensées » dans ses œuvres.

Les éléments symboliques

L'inventaire des éléments présents dans la gravure inclut une vingtaine d'articles, tous aisément identifiables :

  • un ange assis, tenant sur ses genoux un livre, avec un compas à la main ; une bourse et des clés pendent de sa ceinture ;
  • à côté de lui, un putto assis sur une roue de meunier ;
  • derrière eux, le coin d'une construction mal définie (maison, piédestal) avec, accrochés sur ses murs, un sablier, surmonté d'un cadran solaire, une cloche, une balance ; un carré magique est tracé et une échelle monte en arrière plan ;
  • devant l'ange et le putto, sur le sol, divers outils, un creuset sur le feu, une sphère, un lévrier et un polyèdre ;
  • en arrière-plan, le paysage est formé par une surface d'eau et une partie du ciel où apparaissent un arc-en ciel, ou une trajectoire elliptique, un corps céleste dont la nature exacte reste à déterminer, et un animal volant, chauve souris ou gargouille, qui montre, sur la face interne de ses ailes une inscription comprenant un élément ornemental en forme de S et l'inscription "Melencolia I".

La représentation est en vue perspective avec le côté droit encombré de détails tandis que le côté gauche apparaît plutôt vide.

L'ange

L'ange est apparemment la figure principale de la composition. Beaucoup d'auteurs l'envisagent au féminin, le voyant comme personnification de la géométrie ou de la mélancolie.

Le putto

Le putto et l'ange sont deux figures allégoriques (par leurs ailes) qu'on ne manque pas de mettre en parallèle. Tous deux sont assis, tournés dans la même direction et tiennent des objets semblables. Sur ce fond de similitudes leurs différences d'âge et d'attitude apparaissent renforcées. Étant perchée sur une roue de meunier, la figure du putto rappelle manifestement l'imagerie de la Rota fortuna médiévale. Ce putto semble en sommeil.

Les outils éparpillés sur le sol

Les outils sur le sol, près du grand ange, se rapportent les uns au travail de la pierre, peut-être sont ils destinés à évoquer la réduction en pierre cubique du grand polyèdre, les autres au travail du bois. Dans le contexte de l'époque de Dürer, ces outils ne peuvent manquer de rappeler les initiations correspondantes: celle des maçons et des tailleurs de pierre d'une part, celle des charpentiers d'autre part.

Le Lévrier (Veltro)

L'animal couché au pied du grand ange est un lévrier, veltro en italien. Selon L. Barmont, cet animal, associé à la signature numérique du 515 (le Cinq-Cent-dix-et-cinq) figure dans la Divine Comédie de Dante, et on l'associe à certains éléments apocalyptiques[3], dont la connaissance s'est très probablement transmise dans les multiples organisations reliées aux Fidèles d'Amour. Il semble très probable que Dürer ait incorporé, dans sa gravure, des éléments symboliques propres à l'hermétisme chrétien. Dans ce qui suit, nous reproduisons l'interprétation de L. Barmont relative au Veltro[4].

Dans la Divine Comédie de Dante, le Veltro est introduit par ces vers:

« 

Les mâles sont nombreux auxquels elle [la Louve] s'accouple
Et seront plus encore, jusqu'à ce que le Veltro
Vienne, qui la fera mourir à grand douleur.

Il ne se repaîtra ni d'argent ni de terres,
Mais de vertus de sagesse et d'amour,
Et sa patrie sera de Feltre à Feltre.

 »

(Inferno, I, 34-37) et:

« 

Je vois, si clairement que je puis le prédire,
Des astres qui, déjà libres de tout obstacle
Et de tout frein, sont prêts à nous donner un temps

Durant lequel un Cinq-cent-dix et cinq
Envoyé de Dieu, occira la Rapace
Et le géant qui fornique avec elle.

 »

(Purgatorio, XXXIII, 14-15)

Le nombre 515, retranscrit en lettres latines dont on a changé l'ordre, donne DVX, équivalent latin du Khan tartare, mot qui se rapproche phonétiquement d'une notion de "puissance" associée à la racine can (pouvoir en anglais) qui se retrouve dans l'appellation du Veltro: un chien de chasse, un canidé. Les vers de Dante nous disent que sa patrie sera de Feltre à Feltre, en ialien: E sua nazion sarà tra Feltro e Feltro. Feltro ressemble phonétiquement à Veltro, mais il faut y voir une allusion à une doctrine propagée dans les sociétés rosicruciennes contemporaines de Dürer: la fonction représentée par le Veltro, destinée à mettre fin au règne des ténèbres, est de nature hermétique est est associée à l'Asie centrale, région dont les habitants habitent des tentes de feutre. Le Veltro représenté dans la gravure de Dürer est donc probablement, au moins sous un certain rapport, une représentation de cette fonction et Dante, en affirmant que le Veltro « ne se repaîtra ni d'argent, ni de terres, mais de vertus de sagesse et d'amour » indique par là qu'il sera lié à la fonction sacerdotale et à la noblesse, et non à la bourgeoise.[5]

La balance

La Balance exprime classiquement une notion de "jugement", qui serait ici en relation avec un jugement de nature apocalyptique, étant donné la présence des autres éléments de la gravure. La balance est située près du petit ange, pour l'instant en sommeil.

Le compas

Le compas est représenté sur la gravure avec une ouverture de 30 degrés, mais comme il n'est pas vu de front, on peut spéculer sur son angle « véritable ». Sa valeur semble proche de 51,4 degrès c'est-à-dire (2π / 7). Le milieu géométrique de la gravure se trouve très proche de la tête du compas (en fait un peu au dessus) et un certain arrangement compositionnel en cercle autour de ce centre est peut être perceptible, bien que l'organisation gauche/droite et haut/bas soit tout aussi significative.

Le sablier

Le sablier est bien évidemment une figuration de l'écoulement du temps, et cet élément renforce la posture d'attente qui semble baigner le monde angélique du premier plan. Toutefois il est représenté au moment où les deux bulbes sont également remplis, suggérant plutôt un certain équilibre statique comme celui de la balance à sa gauche ou la cloche à droite. On notera au dessus du sablier un cadran solaire dont le gnomon ne projette nulle ombre, tandis que celle du sablier est bien marquée sur le mur. Le luminaire devrait être quelque part sur le prolongement de la diagonale montant du coin gauche de la gravure.

L'échelle

L'échelle est souvent associée aux sept Arts libéraux, qui sont en relation avec l'hermétisme. Sur la nature hermétique de la gravure, on remarque la présence d'un creuset alchimique, juste à côté du polyèdre.

Le carré magique

Sur le mur derrière l'ange, figure un carré magique, dont la valeur est 34. Les carrés magiques sont, notamment dans les ésotérismes juif et islamique, associés à des connaissances secrètes qui furent transmises, pendant et avant l'époque de Dürer par des confréries d'ésotérisme chrétien qui maintenaient des relations suivies avec les initiés à l'ésotérisme islamique.

En ordonnant les nombres de 1 à 16 (ou à 9, 25 ou tout autre nombre carré supérieur à 4), une grille carrée peut être remplie de façon telle que la somme sur chaque ligne horizontale, verticale ou diagonale ait la même valeur. Les carrés magiques utilisés dans l'hermétisme sont d'ordre n, c'est-à-dire qu'ils ont n lignes et n colonnes, correspondant aux entiers allant de 1 à n2. La somme de tous les nombres d'un tel carré magique de taille n a pour valeur:


1+ 2 + \cdots + n^2= \frac{n^2(n^2 + 1)}{2}~,

tandis que la valeur de ce carré, c'est-à-dire le même nombre que l'on retrouve en sommant les lignes, les colonnes, ou les deux diagonales vaut, puisqu'il y a n lignes et n colonnes, la quantité précédente divisée par n c'est-à-dire:


\frac{1+ 2 + \cdots + n^2}{n}= \frac{n(n^2 + 1)}{2}~.

Les différentes tailles n sont mises en correspondance avec les « cieux » dans les représentations traditionnelles. Le carré d'ordre 4, tel celui que l'on trouve dans la Melencholia, est associé au ciel de Jupiter. La somme de tous ses nombres vaut donc 136, et sa valeur est 34. Le carré d'ordre 3 correspond au ciel de Saturne. Le carré d'ordre 6 est traditionnellement associé au ciel du Soleil. La somme de tous ses nombres vaut donc 1 + 2 + ... + 36 = 666, et sa valeur est 111. Ainsi, on retrouve le fait que 666 est avant tout considéré, notamment par la Kabbale, comme un nombre « solaire », et c'est uniquement l'un de ses aspects, négatif, qui doit être considéré comme « maléfique », et non le nombre en lui même, qui garde avant tout cet aspect "solaire".

Le carré figurant dans la Melencholia est un type particulier de carré magique: la somme dans l'un de ses quatre quadrants, ainsi que la somme des nombres du carré du milieu, valent également 34, la valeur du carré[6]. C'est un carré magique gnomon.

Vers la fin du XVe siècle Luca Pacioli a été le premier à publier des exemples mais il est possible que Dürer ait eu connaissance du manuscrit De Philosophia Occulta que Cornelius Agrippa avait déjà rédigé vers 1510. L'arrangement particulier qu'il a choisi, comporte, au milieu de la dernière ligne, les nombres 15 et 14 qui correspondent à la date de la gravure, 1514. De plus, étant lié avec Jupiter, par son caractère « jovial » ce carré devrait être une influence bénéfique contre la mélancolie. Les propriétés numérologiques de cet élément de la gravure peuvent donner l'occasion à de nombreuses interprétations. La valeur numérique du carré magique présent dans la Mélencolia est 34. Ici, ce sont les nombres 3 et 4 qui sont significatifs : il apparaissent de façon symétrique dans la Tetraktys phytagoricienne: 1 + 2 + 3 + 4 = 10 = 3 + 4 + 3. Ce carré magique est relié à une certaine interprétation cyclique du dénaire (c.f. La monade hiéroglyphique de John Dee, composée à Londres et terminée en 1564, donc véhiculant probablement des connaissances contemporaines à la vie de Dürer), et donc, dans le cas de la gravure, à une interprétation de nature apocalyptique. Dans le carré magique, si on se réfère aux carrés intérieurs, en parcourant le sens des aiguilles d'une montre, on trouve la suite consécutive des nombres 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, avec un dédoublement pour la valeur 17.

Le polyèdre

Une vue en perspective du solide de Dürer reconstruit (à gauche) et la géométrie d'une face non triangulaire. La valeur des angles somme toujours à 9.
Le graphe associé au solide de Dürer.
Le polyèdre en vue frontale, son quadrillage et le carré magique

La signification du polyèdre est une énigme qui est encore débattue. Ce polyèdre s'apparente aux solides d'Archimède mais c'est une construction originale qu'on a fini par appeler, faute de mieux, « polyèdre de Dürer ».

Il s'agit d'un polyèdre à 8 faces. Dürer ne précisa pas, dans les documents qui nous sont restés, la façon dont ce polyèdre peut être construit. Cependant, en 1999, Schreiber[7] remarqua que ce solide peut être obtenu à partir d'un cube, d'abord étiré pour produire 5 faces rhombiques ayant des angles de 72°, puis tronqué à son sommet et sa base pour donner les faces triangulaires dont les sommets sont sur la sphère inscrite sur les sommets azimuthaux du cube.

Le squelette du polyèdre de Dürer est un graphe à 12 sommets montré sur la figure.

Le polyèdre figure non loin d'une sphère dans la gravure. Or le polyèdre de Dürer est sphérique, c'est-à-dire que ses sommets sont tous situés à égale distance par rapport à un centre. La présence simultanée de ce polyèdre sphérique et de la sphère ont conduit certains, dont Louis Barmont, à envisager une corrélation possible avec le problème de la quadrature du cercle, selon une perspective de type « apocalyptique » dans la gravure de Dürer, en relation avec l'instant limite de la fin des temps.

Il est remarquable qu'une projection symétrique dans un plan perpendiculaire aux faces triangulaires inscrive la figure dans une grille carrée de dimension 4x4 dont les sommets sont tronqués[8]. Ainsi une correspondance s'établit entre le solide géométrique et le carré arithmétique.

Le satellite sombre ?

Gérard de Nerval, chante, dans El Desdichado, comme une dans une biographie rêvée:

« 

Je suis le Ténébreux, - le Veuf, - l'Inconsolé,
Le Prince d'Aquitaine à la Tour abolie :
Ma seule étoile est morte, - et mon luth constellé

Porte le Soleil noir de la Mélancolie. »

et certains auteurs établissent une relation entre ce Soleil noir de la Mélancolie nervalien et l'astre rayonnant d'une lumière noire dans la gravure de Dürer. Selon Louis Barmont, cette interprétation est fausse[9]et l'astre sombre est, selon cet auteur, une comète qui traversa effectivement le ciel occidental au cours des années 1513 et 1514. D'autre auteurs établissent une relation entre cet astre et la notion du « Satellite sombre », telle qu'on la trouve par exemple chez Burgoyne[10].

Une telle interprétation irait dans le sens d'une forte prégnance « apocalyptique » à l'œuvre : le Satellite sombre, dont le rayonnement dans la gravure de Dürer semble apporter sa part de victoire à la créature volante, et dont les effluves se déversent sur l'ensemble du monde humain (symbolisé ici par l'arrière plan), représenterait le triomphe passager de l'obscurcissement et des ténèbres, qui ne seront dissipées que lorsque les éléments divins du premier plan se « réveilleront » au moment opportun.

Cet astre sombre est orienté nord-ouest sud-est, il tend vers la balance, « évocatrice du signe zodiacal de ce nom, du "Jugement dernier" et de la date même de la "Fin des Temps" »[11]. En relation avec les connaissances hermétiques présentées par Dürer, Louis Barmont note que la comète symbolyse l'agent igné qui aide à la « calcination » d'un monde finissant , selon la formule hermétique résumée par les initiales I.N.R.I: Igne Natura Renovatur Integra.

La date

La date 1514 qui apparaît à côte du monogramme de Dürer, figure aussi dans le carré magique. Elle n'est probablement pas anodine et fournit peut-être l'une des clefs de l'œuvre. On a en effet[12] avancé que Dürer aurait été membre d'une de ces nombreuses confréries d'hermétisme chrétien, ramifiées en un nombre indéterminé de sociétés secrètes, reliées aux Fidèles d'Amour dont Dante aurait fait partie, à la suite de la destruction de l'Ordre du Temple ; destruction qui se produisit, précisément en 1314, c'est-à-dire exactement 200 ans avant la date de réalisation de la gravure.

Si cette clef s'avérait exacte, ce qui est encore débattu aujourd'hui, la signification apocalyptique de la Melencolia s'en trouverait renforcée. Une telle signification semble en tout cas fortement prégnante dans l'œuvre qui nous représente un monde divin et angélique dans une posture d'attente, jusqu'à ce que la clochette au-dessus du carré magique ne retentisse... ou que le sablier ne soit totalement épuisé, ce qui ne se produira qu'à la fin des temps, c'est-à-dire au moment limite et intemporel représenté par la quadrature du cercle.

Interprétations

Le foisonnement de symboles a donné lieu à de très nombreuses interprétations[13]. De nos jours il ne semble pas possible qu'une seule puisse rendre compte[14] d'une façon satisfaisante de tous les éléments de la gravure. Il n'est guère convaincant de se rabattre sur une intention autoriale à jamais inaccessible; non seulement les symboles sont susceptibles de lectures plurielles mais leur présence simultanée engendre des combinaisons dont la multiplicité ne saurait être épuisée. Toutefois l'exploration de certains thèmes a produit des interprétations qui méritent certainement de l'attention.

  • Erwin Panofsky propose de voir La Melencolia comme un autoportrait spirituel de Durer ; cette interprétation a été développée dans les éditions successives du livre Saturne et la mélancolie qui reste la référence de base sur le sujet[15].
  • Patrick Doorly a suggéré que Melencolia I serait l'illustration de l'échec à définir la beauté tel que Platon l'a décrite dans son dialogue Hippias Majeur[16].
  • Louis Barmont a écrit une étude sur l'ésotérisme de la Mélencolia intitulée : « L'ésotérisme d'Albert Dürer, la Mélencolia » (1947), dans laquelle on trouvera des éléments sur l'appartenance de Dürer à des sociétés d'ésotérisme chrétien de son temps.

Mélencolia dans la fiction

  • Mélencolia est la gravure autour de laquelle est construite l'intrigue du roman de Henri Loevenbruck : Le Testament des siècles, qui a également été adapté en BD.
  • Mélencolia est longuement citée et analysée dans le dernier roman de Dan Brown "the lost symbol" (pour l'instant uniquement disponible en anglais, mais à paraître le 26 novembre en français)

Références

  1. Pour une bibliographie récente se référer à l'étude en deux volumes de Peter-Klaus Schuster, Melencolia I : Dürers Denkbild. Berlin 1991, (2 Bände) ISBN 3-7861-1188-X ou Hartmut Böhme: Albrecht Dürer, Melencolia I : im Labyrinth der Deutung Fischer, 1989, ISBN 3-596-23958-3
  2. Louis Barmont, L'ésotérisme d'Albert Dürer "La Melencolia", 1947, ISBN 2-7138-0144-3.
  3. c.f. L. Olschki The myth of felt, University of California Press, 1949, et, en italien, Giorgio Brugnoli Le figure messianiche del veltro e del cinquecento diece e cinque, Giornale italiano di filologia, 2002, vol 54, n°1, pp 61-74, ISSN 0017-0461.
  4. L. Barmont, op. cit.
  5. L. Barmont, op. cit. pp. 10-17.
  6. c.f. J. A. H. Hunter and J. S. Malachy, Mathematical Diversions, New York, Dover, 1975.
  7. P. Schreiber, A new hypothesis on Dürer's enigmatic polyhedron in his copper engraving 'Melencholia I' Historia Math. 26, pp. 369-377, 1999.
  8. Lynch T., The Geometric Body in Dürer's engraving Melencolia, Journal of The Warburg and Courtaud Institutes, vol 45 (1982) 226
  9. c.f. Louis Barmont, op. cit.
  10. c.f. Thomas Burgoyne, Light of Egypt, tome I.
  11. c.f. L. Barmont, op. cit. p. 7.
  12. c.f. Louis Barmont, op. cit.
  13. Schuster, op. cit., pp 17-83
  14. Böhme H, op. cit.; Balus, W.,(1994) "Dürer's "Melencolia I": Melancholy and the Undecidable", Artibus et Historiae 15 (30): 9-21
  15. Panofsky E., Klibansky R. et Saxl F., Saturne et la mélancolie
  16. Doorly P., Durer's Melencolia I: Plato's abandoned search for the beautiful. The Art Bulletin 2006
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