Marc de Mailliet

Marc de Mailliet

Marc de Maillet

Marc de Maillet ou Mailliet, à Bordeaux vers 1568 et mort vers 1628, est un poète français.

Maillet dit lui-même, dans la dédicace de son recueil dépigrammes, quil resta attaché huit ans à la maison de la reine Marguerite de France dont il faisait partie. Ce ne fut sans quelques disgrâces plus ou moins passagères car, la haute opinion de soi et lhumeur satirique de ce poète vaniteux, bizarre, pauvre en firent le jouet de ses contemporains. Il fut, à diverses reprises, momentanément banni de la cour, sans que pour cela la reine, qui laimait, le privât de ses bienfaits. Cependant, plus altéré dhonneur que dargent, Maillet nacceptait pas ces gratifications destinées à le dédommager de sa disgrâce, et il navait de cesse quil neut, à force de requêtes en vers, reconquis sa position. Il finit toutefois par être exilé définitivement de la cour.

Le vaniteux Maillet ne pouvait souffrir les représentations : il se cabrait à la critique la plus anodine, et y répondait par dâpres satires. Vital dAudiguier ayant un jour trouvé quelque chose à redire dans une ode quil avait présentée à la reine Marguerite pour louer son éloquence, il le maltraita en prose et en vers avec violence :

Excrément du Parnasse, erreur de la nature
Hibou, pour ton faible œil je luis trop vivement :
Lexcez de ma lumière est ton aveuglement
Apprends que Maillet parle ainsi quon parle aux cieux,
Et que, sil ne parloit le langage des dieux,
II ne pourroit parler de cette Marguerite.

DAudiguier ne demeura pas en reste, et lui répondit sur le même ton.

Maillet était également possédé dune rage effrénée de réciter des vers à tout venant : il empoignait sa victime par un des boutons de son pourpoint, et ne la lâchait pas quil ne leût martyrisée à son aise. François Colletet a rapporté quune fois, « il arracha à mon père les glands de son rabat et sept boutons de son habit, ce dont il lui fit bien des excuses dès quil fut revenu de sa fureur poétique. Encore quil fit profession de traîner toujours une espée à son costé, son espée estoit aussy douce que son humeur estoit revesche. » Il se vantait souvent à son ami Guillaume Colletet dêtre brave, mais dêtre prudent.

Maillet tomba, pour comble de ridicule, éperdument amoureux dune jeune et charmante personne, Anne Olive, femme dun conseiller au parlement de Bordeaux, du nom de Jehan. Avec sa mine austère, ses yeux hagards, son poil confus et mêlé, sa haute taille courbée, ses habits que la misère mettait en lambeaux, sou entretien rustique et sauvage, cétait un assez piètre amoureux, et qui navait nulle chance de réussir. Il ne laissa pas dadresser force vers à sa maitresse, et même de lui dédier un recueil tout entier.

Maillet se plaint souvent dans ses poésies de lextrême indigence dans laquelle il vivait. Assez libéral dès quil avait quelque argent, ceci ne contribuait point à lenrichir. Il était également doué dun solide appétit, aimant surtout de passion les gigots, passion incommode et ruineuse. Il en avait toujours dix douze pendus, comme des jambons de Mayence, au plancher de sa chambre, il les laissait mortifier pour les manger plus tendres, ce qui ne lempêchait point de sarrêter dix fois par jour devant les rôtisseries de la rue de la Huchette, et den humer les parfums dun air rêveur et concentré.

Sa pauvreté le réduisait à toutes sortes dexpédients burlesques. Tallemant rapporte quil fit un jour marché avec une femme qui chantait sur le Pont-Neuf, et qui lui promit de lui donner un écu pour sa chanson, ou quatre livres si cétait un chef-dœuvre. Maillet se hâta de livrer le produit de sa verve, mais ce nétaient qu’« astres » et « soleils » : il ne sen vendit pas un exemplaire. Furieuse, la chanteuse lui fit un procès et il fallut que Combauld restituât lécu pour le pauvre poète.

Tournant de plus en plus à la bizarrerie, par suite de ses malheurs, toujours solitaire et mélancolique comme un esprit bourru, il ne tarda pas à devenir le jouet des grands et du peuple. Ses confrères, lui rendant à usure le mépris quil leur témoignait et bien aises dhumilier son orgueil, le prirent pour cible de leurs traits les plus piquants. Ce Théophile qui ouvrit le feu dans une de ses premières élégies (À une Dame:

Il est blesme, transy, solitaire, resveur
La barbe mal peignée, un œil branlant et cave,
Un front tout refrogné, tout le visage have,
Àhanne dans son lit et marmotte tout seul,
Comme un esprit quon oit parler dans le linceul,
Grimasse par la rue, et, stupide, retarde
Ses yeux sur un objet sans voir ce quil regarde.

Jean Rou, dans ses Mémoires, nous a conservé sur Maillet un sonnet de Claude Le Petit, lauteur du Paris ridicule, lon retrouve absolument les mêmes traits que dans les vers de Théophile.

Saint-Amant appuya rigoureusement, dans sa Gazette du Pont-Neuf, le Melon, et surtout dans son Poëte crotté il montre Maillet recouvert de laccoutrement le plus sordide, berné par les pages et les laquais, en permanence aux abords du cheval de bronze et sous le portail des Augustins, il ramasse dun air fier, avec des malédictions, les aumônes quon lui jette :

Ce vain espouvantail de classe,
Ce pot-pourry destranges mœurs,
Ce moine bourru des rimeurs,
Ce chaland de vieille tripière,
Ce faquin orné de rapière,
Cet esprit chaussé de travers,
Ce petit fagotteur de vers.

Il le montre forcé de se dérober par la fuite aux insultes et au mépris :

Après avoir esté vingt ans
Un des plus parfaits sots du temps,
Et sestre veu, par son mérite,
Fol de la reyne Marguerite,
Qui lestimoit, Dieu sçait combien !
Cest-à-dire autant comme rien,
A la fin saoul de chiquenaudes,
De taloches, de gringuenaudes...
Et de plusieurs autres caresses
Que dans le Louvre on lui faisoit
Quand son diable ly conduisoit,

Ce chef-dœuvre dune verve bouffonne et exubérante, quil ne faut sans doute pas prendre à la lettre, renferme néanmoins, sous la caricature, plus dun trait de Maillet et donne des renseignements curieux sur ce personnage de rimeur grotesque et dépenaillé.

Maynard, dAudiguier, Tallemant, lui ont aussi, entre autres, décoché plusieurs flèches. G. Colletet la mis en paraître, dans un de ses sonnets, avec Gomez, autre poète contemporain du même acabit, et aussi pauvre que lui : « Gomez et Maillet, lit-on dans les additions du Menagiana[1], sont parmi nous ce quont été Bavius et Morvius parmi les Latins. » Furetière revint à la charge, dans sa satire des Poètes et dans son Roman bourgeois, il la raillé sous le nom de « Mythiophilacte ».

Les vers de Maillet ont été décrits comme « dordinaire raboteux, barbares, contournés, obscurs et souvent inintelligibles[2] », mais un certain mérite a été reconnu à ses épigrammes. Lune de ses meilleurs morceaux dans ce genre a dailleurs souvent été attribué à tort à Saint-Amant :

Si Jаques, le roy du savoir,
Ne fut curieux de me voir.
En voiey la cause Infaillible :
Cest que, ravy de mon escrit,
Il crut que jestois tout esprit,
Et par conséquent invisible.

Maillet a publié : Poésies à la louange de la reine Marguerite ; Paris, 1612, in-8° ; Épigrammes ; Paris, 1620, 1622, in-8°. La dédicace de ce recueil adressée au comte de Luynes abonde en gasconnades des plus réjouissantes. Fr. Colletet parle aussi des Poésies de M. Maillet, dédiées à Mme de Jehan ; Bordeaux, 1616, in-8°, qui sont probablement la même chose que les poèmes, plus ou moins remaniés, adressés à Anne Olive.

Notes

  1. 1715, t. III, p. 55.
  2. Ferdinand Hoefer, Nouvelle Biographie générale, t. 32, Paris, Firmin-Didot, 1860, p. 883.

Sources

  • Ferdinand Hoefer, Nouvelle Biographie générale, t. 32, Paris, Firmin-Didot, 1860, p. 883.
  • François Victor Fournel, La Littérature indépendante et les écrivains oubliés, Paris, Didier, 1862, p. 142-3.
  • Gustave Vapereau, Dictionnaire universel des littératures, Paris, Hachette, 1876, p. 1305.

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