- Manuel Noriega
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Le général Manuel Antonio Noriega, né le 11 février 1934, est une personnalité politique du Panama. De 1984 à 1990, en tant que chef des forces armées panaméennes, il exerça de facto le pouvoir dans le pays, sans avoir constitutionnellement le titre de chef d'État.
Sommaire
Débuts
Originaire d'un quartier pauvre de Panama, il y reste jusqu'à ses années universitaires avant de partir dans une école militaire située au Pérou. Il a également reçu une formation de renseignement et de contre-espionnage à l'École militaire des Amériques à la base militaire américaine de Fort Gulick au Panama, en 1967, ainsi qu'un cours spécialisé dans les opérations psychologiques (psyops) à Fort Bragg (Caroline du Nord). Il est recruté par la CIA en 1967 pour laquelle il travaillera jusque dans les années 1980. Il accède au grade de sous-lieutenant de la garde nationale panaméenne à son retour.
De 1968 à 1988 : homme de la CIA et force de plus en plus incontournable
On allègue[Qui ?] qu'il participa en 1968 au coup d'État qui renverse Arias et marque le début d'une ère de régime militaire dominé par Omar Torrijos. Noriega devient le bras droit de Torrijos, et s'installe à la tête du G-2, le service de renseignements, qui sème la terreur parmi les opposants à Torrijos. Noriega est l'homme le plus craint du pays à la fin des années 1970.
Torrijos meurt dans un accident d'avion en 1981, et Noriega tire vite profit des luttes de pouvoir qui en résultent. Nommé à la tête de l'armée en 1983, il représente de 1983 à 1989 une force incontournable pour tous les présidents panaméens successivement au pouvoir.
De 1987 à 1990 : une opposition aux États-Unis fatale au dictateur
Agent double de la CIA et des services cubains, il est fait commandeur de la Légion d'honneur en 1987, tout en relayant le trafic de la cocaïne colombienne[1].
Il est lâché par les États-Unis en 1987 et une cour américaine l'accuse de trafic de drogue et de racket en 1988. Le Sous-Comité du Sénat américain sur le terrorisme, les stupéfiants et les opérations internationales conclut alors que « la saga au Panama du général Manuel Antonio Noriega représente l'un des échecs les plus graves de la politique étrangère des États-Unis... Il est clair que chaque agence gouvernementale américaine qui avait une relation avec Noriega a fermé les yeux à sa corruption et au trafic de drogue, alors même qu'il était en train de devenir un acteur clé au nom du cartel de Medellin (dont un des membres était le notoire Pablo Escobar). « Noriega a été autorisé à établir la première narcocleptocracie de l'hémisphère » .
À cela s'ajoute de manière moins officielle son rôle de double agent, Noriega étant jugé coupable d'avoir transmis des informations hautement confidentielles à Cuba, d'avoir facilité le transfert de technologies sensibles à des pays du bloc de l'est et d'avoir vendu des armes aux guerilleros pro-communistes d'Amérique latine[2] et au gouvernement sandiniste[3] dès la fin des années 1970, les services de renseignement militaires américains tentant de l'espionner à partir de 1981, ignorant les activités de la CIA et vice-versa tandis que Noriega lui tentait d'infiltrer les unités de renseignement américains au Panama[4].
Les relations avec Washington se détériorent encore plus suite à l'annulation de l'élection présidentielle de mai 1989 et à l'auto-désignation de Noriega en tant que président. Celui-ci déclara alors « l'état de guerre » envers les États-Unis.
Le président américain George Bush prend alors pour prétexte l'exécution d'un soldat américain par des soldats panaméens pour ordonner l'invasion de Panama le 20 décembre 1989, dans le cadre de l'Opération Just Cause. Les pertes militaires de deux côtés furent minimes, mais elles entrainèrent des exodes massifs de population évalués à 20 000 à 30 000 personnes.
Réfugié dans la nonciature de Panama, Noriega se rendit le 3 janvier 1990 après un siège de plusieurs jours sous le vacarme assourdissant de musique rock[5] (dont notamment I Fought the Law de The Clash).
Procès
Le procès fut confié au parquet de Miami. Manuel Noriega fut condamné en 1992 à 40 ans de prison ferme. Sa peine est ensuite ramenée à 30 ans, puis réduite à 17 ans pour bonne conduite. Il vivait jusqu'en avril 2010 (avant son extradition en France) dans une prison de Floride, où il se convertit au christianisme en 1992[6].
Il aurait dû être libéré le 9 septembre 2007, mais son extradition a été réclamée par la France et le Panama[7].
Son procès a donné lieu à un certain nombre d'interrogations concernant l'importance des liens entre Noriega et la CIA alors que les documents du gouvernement américain soumis à la cour de Miami en audiences préliminaires en 1991-92 confirmaient que Noriega a été payé (au moins) 320 000$ par le gouvernement américain pour services rendus, ainsi que ses liens avec quelques figures clés de l'administration Reagan et Bush, ayant permis la fourniture d'armes aux rebelles Contras au Nicaragua payées avec les bénéfices de la vente de drogue du cartel de Medellin[8]. La plupart de ces questions n'a pas encore reçu de réponses précises.
Noriega, pour sa défense, avança que le chiffre réel des paiements américains avait approché 10.000.000 $ et demanda à être autorisé à divulguer les tâches qu'il avait effectuées pour les Etats-Unis. Le tribunal a statué que « l'information sur le contenu des opérations secrètes dans lesquelles Noriega avait été engagé en échange de versements présumés était sans rapport avec sa défense ». Il a jugé que la présentation de preuves concernant le rôle de Noriega dans la CIA pouvait « confondre le jury ».
La fortune de Noriega a été évaluée à près de 60 millions d'euros par les autorités américaines, lors de son procès à Tampa en 1992.
France
Manuel Noriega est condamné par contumace en France en 1999 à dix ans d'emprisonnement pour blanchiment d'argent et à une amende de 75 millions de francs français de l'époque à la suite d'un ordre d'extradition signé le 17 juillet 2007 ; il est également condamné au Panama à deux peines de vingt ans de prison pour le meurtre de deux opposants politiques : Hugo Spadafora, en 1985, et le commandant Moises Giroldi, en 1989[9].
Alertée, en 1989, par les services américains qui enquêtaient sur le recyclage de l'argent de la drogue, la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) avait signalé à la justice le fonctionnement de comptes bancaires ouverts en France par Manuel Noriega et plusieurs de ses proches.
Dès 1986, des sommes importantes ont, en effet, été déposées par le clan Noriega sa femme, deux de ses filles et les ambassadeurs du Panama en France et en Grande-Bretagne, ainsi que par le consul général de Panama à Marseille sur des comptes ouverts à la BNP, au CIC, au Crédit lyonnais et au Banco do Brasil. A Marseille, Sandra sa fille exerçait les fonctions de consul général de Panama[10].
Un juge a gelé tous les avoirs de l'ancien dictateur, soit plusieurs dizaines de millions de francs, et a découvert que la famille Noriega avait également investi dans l'achat de trois appartements dans les quartiers chics de Paris : quai d'Orsay pour environ 15 millions de francs, quai de Grenelle et rue de l'Université.
Déposées sur un compte panaméen de la Bank of Credit and Commerce International, les sommes versées à Manuel Noriega par les chefs du cartel de Cali transitaient ensuite par Londres et Paris pour être, enfin, réparties au Luxembourg, en Suisse et en Autriche.
Le mandat d'arrêt international lancé, le 8 novembre 1996 par le juge Fiévet contre l'épouse de l'ancien dictateur, suspectée d'avoir participé au blanchiment de l'argent, est toujours en cours[11].
Il a été extradé le 26 avril 2010 vers la France[12]. Noriega est incarcéré dans la Prison de la Santé, Paris[13].
Le 7 juillet 2010, il est condamné par le tribunal correctionnel de Paris à une peine de 7 ans de prison et 3,3M€ pour blanchiment d'argent issu de la drogue, ses avocats Maitre Olivier Metzner et Maitre Yves Leberquier, insistant sur l'aspect politique de ce procès, sur l'immunité de son client a l'époque des faits par ailleurs prescrits, a son passé d'agent rémunéré par la CIA[14], assortie de la confiscation de 2,3 millions d'euros, plus un million d'euros de réparations à l'État du Panama, partie civile[15]. Il serait libérable en 2011.
Le 2 août 2011, un décret d'extradition vers le Panama a été notifié à Manuel Noriega par les autorités françaises[16].
Notes et références
- 25 août 2007. Paris et Panama réclament l'extradition de Noriega, Paulo A. Paranagua, Le Monde,
- Histoire de l'espionnage mondial, Éditions du Félin, 2002'
- ISBN 2-86645-382-4) Étienne Genovefa et Claude Moniquet, Histoire de l'espionnage mondial, éditions du Félin, 2000, (
- Steven Emerson, CIA, les guerriers de l'ombre, Economica, 1991, 320 p. (ISBN 2-7178-2075-2), p. Objectif : Noriega
- (en) http://www.psywarrior.com/rockmusic.html
- (en) The Conversion of Manuel Noriega
- Paris et Panama réclament l'extradition de Noriega, Paulo A. Paranagua, Le Monde, 25 août 2007.
- (en) Why Manuel Noriega became America's most wanted Simon Tisdall, The Guardian, 28 avril 2010
- (fr) Manuel Noriega bientôt extradé vers la France, 18/07/2007
- http://www.lamarseillaise.fr/justice-faits-divers/noriega-recyclait-par-le-canal-de-marseille.html Journal La Marseillaise, 29 juin 2010, "Noriega recyclait par le canal de Marseille"
- Les réseaux criminels de Manuel Noriega en France, Le Monde, avril 1997
- « Manuel Noriega est arrivé en France », NouvelObs.com, mis en ligne le 27 avril 2010
- French court to decide about Noriega's detention." Associated Press. 5 Mai 2010. Consulté le 6 mai 2010. Souchard, Pierre-Antoine. "
- http://fr.news.yahoo.com/78/20100707/twl-noriega-condamn-7-ans-de-prison-5231d91.html
- Manuel Noriega condamné à sept ans de prison à Paris Nous dénonçons une décision à connotation politique qui complait sans doute aux autorités américaines. On continue d'assister à un règlement de comptes ... M. Noriega ne comprend absolument pas la décision. Il croyait que la France était un pays où les droits de la défense étaient respectés
- http://www.romandie.com/news/n/_ALERTE___Decret_d_extradition_vers_le_Panama_notifie_a_l_ex_dictateur_Noriega020820112308.asp Romandie News, mis en ligne le 3 août 2011
Annexes
Articles connexes
Bibliographie
- Kempe Frederick, L'Affaire Noriega, Paris, Presses de la Renaissance, Paris, 1990
Liens externes
- (fr) Biographie sur le site de l'Université de Laval
- (en) Identification des prisonniers fédéraux nommés Manuel Noriega (Federal Bureau of Prisons)
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