Mandarinat

Mandarinat

Mandarin (fonctionnaire)

Un Mandarin de la dynastie Qing

Le mandarin est le terme occidental utilisé pour désigner un haut fonctionnaire lettré et éduqué dans la tradition de Confucius, mis au service de l’Empereur de Chine, à l’issue d’une sélection rigoureuse et très limitative des meilleurs candidats. Pendant 1300 ans, entre les années 605 et 1905, la haute administration impériale, tant centrale que provinciale, mais également l’administration du Vietnam sous occupation chinoise, est tenue par une caste recrutée sur la base de concours extrêmement difficiles : les examens impériaux. Les mandarins et le modèle qu’ils ont fait naître, le mandarinat, apparaissent comme le parangon de tous les systèmes de bureaucraties d'État, à la tête desquels sont des hauts fonctionnaires de carrière, recrutés au mérite intellectuel et littéraire, formés techniquement à l’administration et constitués en élites étatiques reproduites et fermées.

Sommaire

Le mandarin: une étymologie incertaine

L’origine du mot mandarin (fonctionnaire) est incertaine; il viendrait du portugais mandarim (ministre ou conseiller), emprunté au malais mantri (du sanskrit mandari « commandant »). Le terme est utilisé par les Occidentaux pour traduire du guan (官), cette langue parlée dans la Chine du nord, utilisée à partir des dynasties Ming et Qing et connue en Occident aussi sous le terme de mandarin (langue), le mot "mandaren" (满大人) qui désigne les fonctionnaires manchous, avec une difficulté de taille en ce sens que son usage par les Européens est attesté, dès le XVIe siècle, en 1589[1], soit avant l’avènement des Qing.

Ceci dit, les peuplades Manchous existaient au nord de la Chine depuis la Période Printemps et Automne, et plus encore, ils avaient déjà régné en Chine du XIIè au XIIIè siècle sous la dénomination de Dynastie Jin (période des Song du Sud qui régnèrent au sud du fleuve Yangzi Jiang, tandis que les Manchous Jin régnaient au nord de ce fleuve), donc avant même l'avènement des Mongols de la Dynastie Yuan...

De fait, les Hans détestaient les étrangers qu'ils considéraient non civilisés, et ils les appelaient avec condescendance "les barbares". Ainsi, les anciens Vietnamiens (le peuple du "大越" /Dà Yuè/), étaient appelés les "南蛮" /nán mán/, les "barbares du sud". Et vraisemblablement, l'appellation "Manchou" (满族 /mǎn zú/ "les gens satisfaits") viendrait d'une distorsion de "蛮族" /mán zú/ "tribus de barbares" (le deuxième mot "族" /zú/ signifie: ethnie, peuplade, tribu, lignée, race, descendance...) ! Jouant sur la prononciation, les Chinois Han mélangeraient ainsi "满大人" /mǎn dà rén/, "Seigneur Manchou", et "蛮大人" /mán dà rén/, "Seigneur Barbare" pour s'adresser aux officiels manchous.

Il est en tous cas caractéristique que le terme "mandarin" désigne à la fois la langue et la figure du haut fonctionnaire. C’est dire l’importance de ce dernier, aux yeux des Européens, dans leurs premiers contacts avec le monde chinois.

Le recrutement des élites en Chine : le modèle confucéen de l'intellectuel lettré

L’existence de fonctionnaires en Chine est attestée dès l’époque de la dynastie Zhou. Sous les Qin (221-207 avant JC), des formes de recrutement sur la base du mérite personnel apparaissent déjà. Par la suite, durant l’ère des Han (202 avant JC –220 après JC) est mis en place le système dit du xiaolian qui définit les critères de mérites nécessaires aux fins de nominations et affectations aux postes publics, en particulier aux emplois militaires. Après la chute de la dynastie Han, la part du mérite régresse dans le recrutement de la bureaucratie chinoise, en évoluant vers le système des neuf rangs (九品官人法). Ce modèle de nomination aux postes civils fut en vogue durant la période des Trois royaumes de Chine et des Dynasties du Nord et du Sud, mais corruptible et renforçant les clans locaux et la noblesse guerrière, il fut abandonné au profit du plus efficace système des examens impériaux, en 605, sous la courte dynastie Sui (581-618).

Le système des neuf-rangs

La sélection des candidats (pré-Sui) se fait par les autorités locales. Les candidats sont classés en neuf rangs de capacité, selon le niveau géographique de pouvoir, mais le processus tend à favoriser les familles riches et puissantes, sans réel égards à la valeur des candidats.

Les fonctionnaires proches de l'Empereur et à la tête des Trois Départements et Six Ministères appartiennent au Premier rang (第一品 díyìpǐn), ceux qui ne sont responsables que d'un comté judiciaire, relèvent du Neuvième rang, lui-même subdivisé en zheng (正; régulier), cong (從; député), shang (上; supérieur) et xia (下; inférieur).

Les examens impériaux

Les examens mandarinaux (科舉; pinyin: kējǔ), ouvraient à la bureaucratie de l’Etat impérial. Institutionnalisé en 605, le principe méritocratique remonte en définitive à la dynastie des Han (206 avant JC à 220 après JC). Sa mise en œuvre étendue et systématique est l’œuvre de la dynastie Tang (618-907) et des dynasties Song et Ming suivantes. Les examens impériaux furent aboli en 1905, peu avant la fin de la dynastie Qing.

La tradition confucéenne renaît sous la dynastie Han, à partir de - 206, parallèlement à la centralisation politique et administrative, conduite sous le règne de l’empereur Wu (140-87 avant JC). L’édit de -136 établit des chaires impériales pour les docteurs enseignant les Cinq Classiques confucéens. L’édit de - 124 créé l’académie impériale où sont formés les fonctionnaires impériaux. L’accès aux fonctions administratives exige une réputation morale de sagesse et de compétence et une parfaite connaissance des textes classiques, fondements du système de recrutement par les concours mandarinaux.

Sous les Tang (618-907), face aux progrès du bouddhisme, le mandarin devient cet idéal de l’homme universel apparu sous les Han, à la fois lettré, poète, peintre et homme d’Etat. La mise en œuvre du système d’examens à trois niveaux géographiques (les examens préfectoraux, provinciaux et les prestigieux examens palatins), en 608, créé l’ossature des deux principes du mandarinat : recrutement au mérite intellectuel et hiérarchie des postes et des responsabilités.

La dynastie Song (960–1279) eut à cœur de s’attacher étroitement les fonctionnaires en faisant que ceux-ci doivent leur prestige social à la cour impériale et leurs salaires au gouvernement central, plutôt qu’à leur qualité de riches propriétaires terriens, les deux qualités n’étant cependant pas incompatibles car les mandarins acquièrent souvent des propriétés foncières, le prestige du savoir ayant aussi pour contrepartie, le mépris accordé, en Chine, aux métiers marchands.

Sous les Ming s’achève la compilation par Hu Guang (1370-1418) et d’autres membres de l’Académie Hanlin des textes néo-confucéens destinés à la préparation des examens mandarinaux : la Grande Somme sur la nature et le principe, la Grande Somme sur les Cinq Classiques et la Grande Somme sur les Quatre Livres qui devint le texte de base des compositions d’examen « en huit parties » (bagu wen) et qui consistait à développer en huit paragraphes une citation tirée d’un texte classique. Au début de la dynastie Ming, les examens duraient entre 24 et 72 heures, les candidats étant isolés dans des pièces séparées. Pour maintenir l’objectivité de la correction, les candidats sont identifiés par un chiffre plutôt que par leur nom et les copies d’examens sont recopiées avant d’être corrigées. Le formalisme sera encore plus poussé sous les Ming (1368-1644) et les Qing (1644-1911), par l’introduction de sévères contraintes tenant au style et au nombre de caractères permis dans les dissertations.

Voir aussi

Notes

  1. Étymologie du mot "mandarin", (en) Online Etymology Dictionary
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