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Léopold-Eberhard de Wurtemberg
Léopold-Eberhard de Wurtemberg (1670-1723) fut sans doute le plus « mauvais » prince que Montbéliard ait connu. Il succède à son père George II de Wurtemberg en 1699.
Il embrasa d'abord une carrière militaire au service de l'Autriche. L'Empereur d'Allemagne, Léopold Ier, l'avait nommé au rang de colonel, et il se distingua à la tête de son régiment en se battant contre les Turcs. Vers la fin de sa carrière militaire, il se lia d'amitié en Silésie avec un capitaine nommé Jean-Georges Hedwiger. Ce dernier avait une fille répondant au prénom d'Anne-Sabine ; elle avait dix neuf ans, et lui vingt-quatre. Il la séduisit, et l'épousa secrètement.
En 1701, elle prit le titre de comtesse de Sponeck. Léopold-Eberhard voulut honorer les membres de sa belle-famille : par le même acte, l'Empereur conféra aux trois frères de son épouse, le titre de comte de Sponeck. Cette seigneurie était un petit lopin de terre situé sur les bords du Rhin en Alsace, qui appartenait à la famille de Wurtemberg depuis des générations.
Au cours de leurs premières années de mariage, le couple eut trois enfants :
Mais Léopold-Eberhard fut rapidement infidèle. Après la prise de Montbéliard par le maréchal de Luxembourg (1676), George II de Wurtemberg (son père), s'était exilé en Silésie avec toute sa famille. Il avait parmi sa nombreuse suite le sieur Curie, un ancien capitaine des armées impériales apparenté à la maison de Coligny, qui était devenu commandant militaire de la place de Montbéliard. Ce dernier avait quatre filles qui étaient du voyage. C'est au cours de ce séjour en Silésie que ces demoiselles surent séduire l'époux d'Anne-Sabine. Quand la famille fut de retour à Montbéliard (1697), Léopold-Eberhard persuada son épouse de se les s'attacher comme dames de compagnie. Toutes quatre allaient devenir ses maîtresses, et il eut d'elles 19 enfants. Plus tard, Léopold devait encore marier les enfants entre eux. Au bout du compte, son épouse demanda et obtint le divorce. Léopold-Eberhard épousa alors une des filles Curie...
Déjà méprisé de ses sujets pour ses injustices et la vie licencieuse qu'il menait publiquement, il s'attacha par des méthodes frauduleuses à augmenter ses biens. On sait qu'après les désastres de la guerre de Trente Ans, le droit de déshérence avait été exercé par son devancier, Léopold-Frédéric, et que des biens vacants étaient entrés dans son domaine. Léopold-Eberhard prétendait qu'il en demeurait encore ... C'est ainsi qu'il envoya en 1713, dans chaque localité, des agents chargés de saisir en son nom les biens immobiliers dont les possesseurs étaient hors d'état de produire les titres de propriété. Cette mesure produisit d'odieuses expropriations. Les habitants trop craintifs et peu instruits n'osèrent s'y opposer avec toute l'énergie qu'il eût fallu.
Dans chaque village, et surtout dans la terre d'Etobon (près d'Héricourt), le prince s'appropriait des maisons pour y placer des fermiers de ses grands domaines. Parmi ceux-ci, se trouvaient surtout des Anabaptistes ou Mennonites, expulsés du canton de Berne et d'Alsace pour cause de religion. Les bonnes pratiques qu'ils introduisirent dans le pays pour la culture des terres et l'élevage exercèrent une heureuse influence sur les populations locales qui, peu-à-peu, renoncèrent à leur funeste incurie et à leur routine ; c'est à eux que l'on doit la propagation de la pomme de terre dans le Pays de Montbéliard, ainsi que l'amélioration de la race bovine (vaches montbéliardaises).
Ce fut là, sans doute, l'unique action positive à mettre au crédit du prince Léopold au cours de son règne ...
Le comportement et les excès du souverain ne pouvaient que déplaire aux bourgeois de la cité. De très graves altercations apparurent au cours de l'année 1704 ; le prince, dans son absolutisme, venait tout bonnement de retirer au Magistrat (Corps municipal) ses libertés municipales, et les bourgeois s'empressèrent de faire appel devant la Chambre impériale. Dans son outrecuidance, Léopold méprisa la démarche et considéra l'acte comme une atteinte à sa personne ! Il fit intervenir l'ennemi abhorré, en demandant au roi de France des troupes pour rétablir l'ordre ...
Au cours de l'année 1721, il se mit en devoir de régler sa succession. A ses yeux, l'affaire était simple : il demandait au Magistrat de la cité de signer un acte par lequel tous reconnaissaient ses enfants « légitimes » comme seuls successeurs de ses états. Le Magistrat répondit favorablement à sa requête qui fut aussi entérinée par les bourgeois et maires des communes avoisinantes.
Quelques mois plus tard, on apprit par un mandement que l'empereur Charles VI s'opposait à ce que la Bourgeoisie de Montbéliard reconnaisse pour leurs princes et princesses les enfants de Léopold. Ce dernier, furieux, n'eut guère le temps de réagir, car il fut frappé d'un hémorragie cérébrale qui le paralysa aussi bien d'esprit que de corps.
Ses enfants et ses concubines prirent immédiatement des mesures pour faire valoir leurs droits à la succession, soutenus par un groupe de notables. Mais le Corps municipal refusa, prétextant qu'il attendait des instructions d'Eberhard-Louis de Wurtemberg-Stuttgart, et de l'Empereur d'Allemagne : les prétendus mariages du prince (le premier avec la Dame Hedwiger en Silésie, le second avec Élisabeth Charlotte Curie) ne furent pas reconnus pour faire droits à toute succession.
Le 25 mars 1723, le prince Léopold-Eberhard, dans un dernier soupir, rendit son âme à Dieu, âgé de 53 ans. Deux jours plus tard, on descendit sa dépouille dans la crypte de l'Église Saint-Maimbœuf de Montbéliard sans grande pompe ni éloges funèbres.
Enfin, par un dernier mandement, l'Empereur Charles VI s'adressa au Magistrat et aux bourgeois de la cité, ainsi qu'à tous les sujets du comté de s'en remettre au duc Eberhard-Louis de Wurtemberg comme souverain, et à lui prêter serment de fidélité.
Sources
- Le Roman d'une Principauté, D. Seigneur. Editions Cêtre - Besançon.
Voir aussi
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