Lev Gumiliev

Lev Gumiliev

Lev Goumilev

Monument à la mémoire de Lev Goumilev et de ses parents à Bezhetsk.

Lev Nikolaïevitch Goumiliev, (en russe: Лев Никола́евич Гумилёв) (1er octobre 1912 à Saint-Pétersbourg5 juin 1992 à Saint-Pétersbourg), plus connu en Occident sous le nom de Lev Goumiliov, est un ethnologue et un des plus influents historiens russes du XXe siècle. Il est le fils des poètes acméistes Nicolaï Goumilev et Anna Akhmatova.

Sommaire

Biographie

Ses parents se séparent alors qu'il est enfant. Son père est exécuté en 1921 par les bolcheviks et sa mère persécutée par le régime stalinien. Il sera chassé de l'université de Léningrad et déporté au goulag, où il restera de 1938 à 1956, avec une brève parenthèse pendant la Seconde Guerre mondiale durant laquelle il intégrera l'Armée rouge.

Quelques années après la mort de Staline, il travaille au musée de l'Ermitage où, sous la direction de l'historien et archéologue Mikhail Artamonov, il étudie le peuple Khazar, puis les peuples des steppes.

Œuvre

Ses théories originales sur l'apparition et la disparition des groupes ethniques développées dans son ouvrage L'Ethnogénèse et la biosphère[1] ont nourri un mouvement politique et culturel connu sous le nom de néo-eurasisme. Goumilev a publié en 1989 un ouvrage monumental La Russie ancienne et la Grande Steppe, dans lequel il adopte un point de vue particulier : L'étude de la Rus [ancêtre de la Russie actuelle] des origines, comme une histoire des relations russo-khazares....

À l'époque soviétique, les théories de Goumilev ont été rejetées par la doctrine officielle, et ses travaux interdits de publication, avant de rencontrer un certain succès à l'époque de la Perestroïka. Son influence se fait notamment sentir chez le mathématicien Anatoli Fomenko, théoricien d'une Nouvelle chronologie[2]. Les relations entre les deux hommes furent toutefois houleuses et Goumilev , lors des premières publications de la Nouvelle Chronologie , demanda à Fomenko de « laisser les gens sérieux s'occuper des choses sérieuses. »[réf. nécessaire]

Un indice du succès de ses thèses peut être lu dans la construction dans la nouvelle capitale du Kazakhstan, Astana, d'une Université d'Eurasie Lev Goumilev dont l'érection a été ordonnée par le président Nursultan Nazarbayev, en vis-à-vis du palais présidentiel. Le président du Tatarstan, Mintimer Chaïmiev, a également vanté les mérites de ce penseur lors du millénaire de la ville de Kazan en 2005[3]. Ses ouvrages ont toutefois été au centre de polémiques enflammées, surtout parce qu'ils ont un caractère nettement biologique-naturaliste[4].

Théories

Goumilev décrit les sociétés comme des groupes humains disposant d'une énergie vitale en relation avec leur environnement, mais qui subissent d'autres influences que le déterminisme géographique et dont l'évolution obéit à des cycles. L’énergie vitale de certaines sociétés serait ainsi à l'heure actuelle ascendante (cas de la Russie, de la Chine, du monde arabe) alors que l’énergie vitale occidentale serait descendante, voire en phase de destruction. Goumilev crée le concept de « passionarité » qui peut se comprendre comme l'« énergie vitale d'un groupe humain ». Cette passionarité passe de manière cyclique au cours de l'histoire (il adopte un cycle quasi-sinusoïdal de 15 siècles, mais la période peut varier selon le groupe étudié) par les étapes de montée, développement, climax, inertie, destruction et mémoire [5],[6]. C'est durant la phase acmatique, quand la passionarité d'un groupe ethnique ou national est la plus grande que ce groupe humain fait ses plus grandes conquêtes militaires ou intellectuelles. L’ethnos devient alors un superethnos[7]. Lev Goumilev a également appliqué son concept de passionarité à la vie de quelques personnages célèbres : Napoléon, Jeanne d'Arc, Alexandre le Grand ou encore Jean Huss.

Des travaux de l'université d'Omsk ont essayé de lier les théories de Goumilev aux cycles solaires : la grande steppe eurasiatique à son extension maximum - dont le développement aurait été favorisé par un ensoleillement élevé - aurait par exemple permis les conquêtes mongoles. Des simulations d'évolutions du climat en Eurasie, des forêts, de la steppe ont été corrélées avec l'évolution des frontières de groupes ethniques[8],[9]

Antisémitisme

Des accusations d'antisémitisme ont été proférées à son encontre. Celles-ci se basent sur ses écrits à propos des Khazars et des Radhanites, qui auraient exercé un joug khazar, par analogie au joug mongol, expression que réfute Goumilev, sur les Slaves habitant la Transcaucasie et ses confins. Ce joug khazar était constitué par le prélèvement de taxes et d'impôts sur les populations slaves dont l'activité essentielle était l'agriculture.

Lev Goumilev considérait la judaïté comme un fait culturel urbain, mercantiliste, capable d'exister sans relation avec son environnement (biosphère), voire en opposition avec lui. A ce titre on ne pouvait pas considérer les Juifs comme une nation mais comme un groupe de personnes ayant une certaine vision du monde transmise de génération en génération.[réf. nécessaire]

Lev Goumilev, affirma pratiquement sans aucune source que les Radhanites avaient joué un rôle majeur dans l'asservissement des Slaves. Goumilev ne leur reprocha pas tant d'avoir pratiqué le trafic d'esclaves, mais bien de l'avoir fait avec des esclaves slaves et chrétiens[10]. Il les accusa d'avoir vécu aux dépens des populations locales :

« Les Juifs radhanites constituent une super-ethnie qui conserve un très haut niveau de pouvoir. La dispersion ne les gêne pas dans la mesure où ils vivent aux dépens des terrains anthropogènes, c'est-à-dire les villes. »

Il les dépeignit comme des démons du mal. Selon lui, les Radhanites auraient vendu des Khazars qui les avaient hébergés. Par là même, il entendait montrer leur manque de gratitude qui serait un comportement typique de la part des Juifs, tout comme le racisme et la xénophobie.

Enfin, ils auraient selon lui exercé une influence indue sur le paysage sociopolitique et économique du Moyen Âge. Il les accusa ainsi d'avoir pratiqué des mariages mixtes afin de conquérir le pouvoir politique des Khazars[11].

Notes et références

  1. Lev Goumiliov, L'Ethnogénèse et la biosphère de la terre, Moscou, Ed. de l'Institut DIDIK, 1997
  2. (en) Ouvrages de Fomenko sur le site Amazon.com, avec résumé succinct
    Anatoli Fomenko prétend par exemple que les Mongols étaient l'armée des tsars russes, que la Guerre de Troie et les croisades ne sont qu'une seule et même chose, que les « hordes mongoles » qui ont envahi une partie de l'Europe centrale étaient Euro-Asiennes, mélange de Russes ethniques et d'Asiatiques venus de Mongolie ou encore que le Christ est né en 12 avant J.-C.
  3. Didier Chaudet, Florent Parmentier, Benoît Pélopidas, L'empire au miroir. Stratégies de puissance aux États-Unis et en Russie, Genève, Droz, 2007, p.157. ISBN 978-2-600-01158-7]
  4. Aldo Ferrari, Les mille visages du nationalisme russe, in La Nuova Europa, n°5, sept.-oct. 1994
  5. http://gumilevica.kulichki.net/English/gml_pics/fig2.gif
  6. Diagramme montrant l'évolution de la passionarité de diverses sociétés eurasiennes du Ier au XVe siècle (Dynamique des systèmes ethnoculturels Eurasiens Ier-XVe s.)
    La dernière courbe, celle dont l'ordonnée est la plus élevée à l'extrême gauche de la figure, correspond à l'État Russe (Rocciiskoye gosoudarstvo). Au XVe s. il atteint presque la position de superethnos qu'il posséderait à l'heure actuelle.
  7. Ordonnée 6 du diagramme des systèmes ethnoculturels Eurasiens
  8. (en)Modeling and Simulation of Ethnic and Social Processes, étude publiée sur le site de l'université de Omsk
  9. (en)Simulation of Evolution Dynamics of Social System. Ethnic Solidarity level[pdf]
  10. (en) Vadim Rossman, Russian Intellectual Antisemitism in the Post Communist Era, p. 82-83.
  11. La plupart des historiens considère que les Khazars se convertirent au judaïsme afin de garder leur indépendance politique vis-à-vis de leurs voisins chrétiens et musulmans.

Voir aussi

Liens internes

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