Les Nourritures Terrestres

Les Nourritures Terrestres

Les Nourritures terrestres

Les Nourritures terrestres (1897), parfois appelé plus simplement Les Nourritures, sont une œuvre littéraire d'André Gide (1869 – 1951), sur le désir et l'éveil des sens.

Un roman ?

Il ne s'agit pas à proprement parler d'un roman, mais plutôt d'un long poème en prose, où s'exprime une sensualité teintée de ferveur, de contact avec la nature.

La question du genre des Nourritures terrestres trouve sa réponse dans une esthétique de la diversité. Gide propose des structures hybrides, faites de formes poétiques désuètes (ballades, rondes), de fragments de journal intime, de cahiers de bord, de notes vagabondes. Malgré les éditions actuelles, il faut savoir que le manuscrit original prenait de grandes libertés sur le plan de la typographie, allant même jusqu'à ressembler au futur vers modernistes et autres calligrammes en vogue au début du XXe siècle. D'autre part, les éditeurs ont eu tendance à ramasser le texte et certains épisodes en vers sont aujourd'hui présentés en bloc comme de la prose.

L'aspect romanesque du livre se trouve dans la thématique du voyage, dans l'existence de personnages emblématiques et surtout dans la reconstruction d'une vie hédoniste qui transgresse la morale traditionnelle.

Thématiques

Gide y développe le thème du rapport à la matière et aux éléments naturels, dans une ode à la fois lyrique et sensuelle. À travers l'œuvre transparaît un enthousiasme quasi-extatique pour la vie, faisant du texte une sorte d'évangile de l'éveil des sens ; en effet, il semble que la sensualité y fasse presque office de profession de foi, voire de nouvelle religion, tant on y sent de ferveur et d'émotion, notamment pour la terre, les récoltes, les fruits, tout ce qui est charnel et charnu, tout ce qui peut être foulé, palpé, humé… Le texte tout entier peut être considéré comme une véritable hymne à la libido sentiendi.

En filigrane, c'est aussi de sexualité et d'eros qu'il s'agit, même si ce thème n'est pas vraiment évoqué de manière directe dans le livre. En ce sens, on peut interpréter l'œuvre comme une hyperbole sur le désir et sur l'érotisme, l'évocation des moissons et des « nourritures » ayant valeur de symbole du corps désiré. C'est, avant tout, un livre sur le désir, sur la soif, les objets évoqués servant de prétexte à l'expression de ce désir, souvent inextinguible, irrépressible, débordant, qui parvient à magnifier, à transcender le monde tout entier. Par certains aspects Les Nourritures rappellent parfois des textes bibliques, notamment le Cantique des Cantiques. On notera d'ailleurs l'importance de la culture chrétienne (au moins dans sa dimension strictement littéraire) dans l'œuvre de Gide (comme en atteste le titre Si le grain ne meurt, par exemple).

Réception et postérité

Les Nourritures sont en quelque sorte le pendant joyeux et solaire du De Profundis d'Oscar Wilde, œuvre sombre où l'écrivain irlandais développait aussi, mais « en négatif », par l'absence et le manque, une forme de sensualité absolue qui cherche à s'affranchir du moralisme étriqué de l'époque victorienne, du conformisme et des conventions sociales (à noter que les deux auteurs avaient également en commun leur homosexualité).

C'est l'un des textes les plus connus de Gide ; une œuvre inspirée qui suscite encore aujourd'hui l'enthousiasme et l'admiration de nombreux lecteurs, en particulier parmi les adolescents. Jean Guéhenno, très critique de l'égocentrisme gidien, s'en lamente :

« La jeunesse intellectuelle française devra guérir du gidisme pour retrouver le mouvement de l'histoire. Comprendra-t-elle qu'être jeune à la manière de Ménalque ou de Nathanaël, c'est être terriblement vieux ? Cette quête des plaisirs, cette jouissance minutieuse et appliquée suppose des rentes, un patrimoine, dénoncerait la fin d'une race. »

— Jean Guéhenno, Journal des années noires, 5 janvier 1944, Gallimard, 1947.

André Gide, devant le succès des Nourritures, rédige et publie Les Nouvelles Nourritures, beaucoup plus tardivement, en 1935.

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