Lecture rapide

Lecture rapide
Le jeune Cicéron lisant

La lecture rapide (ou lecture experte, parfois assimilée à la lecture globale) est une méthode visant à lire beaucoup plus vite tout en retenant les aspects importants (au regard des objectifs que le lecteur s'est fixé) d'un texte. Elle peut être mise en œuvre pour l'apprentissage de la lecture, ou pour la formation d'adultes ou d'adolescents sachant déjà lire.

Les détracteurs de la méthode globale estiment que les enfants apprennent mal l'orthographe ou comprennent moins ce qu'ils lisent.

Sommaire

Méthodes

Elles s'appuient toutes sur :

  • une lecture rapide et régulière, évitant la subvocalisation (on ne prononce pas mentalement les mots qu'on lit, mais on appréhende directement le sens de groupes de mots ou phrases) ;
  • des techniques de concentration mentale et d’éducation du regard, visant à :
    • augmenter le nombre de lettres perçues simultanément (l'« empan visuel »),
    • limiter les mouvements inutiles de l'œil (retours en arrière, divagation...),
    • améliorer la précision et vitesse du pointage de l'œil et le délai de retour à un point recherché, ceci pour faciliter une lecture par groupe de mots, voire par lignes entières ou par paquets de lignes (dans le cas d'un texte en colonne). La rapidité et la précision des mouvements de l'œil sont essentielles, c'est pourquoi l'oculométrie cognitive est utilisée pour l'étude des performances de lecteurs ;
  • des stratégies de repérage, écrémage (détection de mots clefs porteurs d'information), lecture en diagonale, anticipation et tri en fonction de questions qu'on se pose avant lecture et en cours de lecture ;

Cette double approche permet à un « lecteur-expert » d'appréhender les idées-forces, mots et passages importants d'un texte bien plus rapidement que par une lecture à voix haute, ou silencieuse mais en « mot à mot ». La méthode ne se substitue pas à une lecture approfondie des passages techniques ou complexes, ni n'interdit une lecture lente par exemple de textes poétiques, de romans, etc.

Remarques : l'œil doit être à une distance optimale du texte, pour englober des groupes importants de mots, sans devoir faire de longs retours à la ligne. La pause de l'œil lorsqu'il « photographie » un mot ou groupe de mot est dite point de fixation. La mesure du nombre de lettres perçues simultanément est nommée l'empan. On cherche ici à l'agrandir ; un lecteur lent fixe 5 à 10 lettres par point de fixation, un « lecteur rapide » en fixe plus d'une vingtaine.

Lire vite, mais détecter et retenir l’important

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Les gains de vitesse et de perception visuelle permettent au lecteur rapide de consacrer plus de temps à la compréhension du texte. Ces gains également permis par une amélioration de la concentration et par l’entraînement ont plusieurs origines :

  • suppression de la subvocalisation ;
  • maîtrise du travail (accommodation, positionnement, mouvements de l’œil) ;
  • élargissement du champ visuel.

Javal, Smith, et Richaudeau ont permis une meilleure compréhension de ce qu’est la perception visuelle lors de la lecture. Ils ont bénéficié des avancées techniques et des théories perceptivo-cognitives des psychologues, des psycholinguistes et des cognitivistes. Le cerveau, les mécanismes d’apprentissage, les processus mentaux d’anticipation du sens d’un texte sont mieux compris et peuvent encore éclairer nos capacités de vitesse de lecture, de perception visuelle, de tri anticipation et mémorisation.

Des psychologues cognitivistes comme Smith, et Charolles ont étudié l’importance des processus de mémoire (à court et long terme) pour le traitement des données lors du processus de compréhension.

Les neurologues et anatomobiologistes peuvent aujourd’hui suivre en direct les zones du cerveau actives lors de la lecture, ce qui pourrait conduire à mieux comprendre des processus à la fois proches et différents comme la lecture avec prononciation mentale des mots et sons et la lecture experte globale et rapide.

De nombreux ouvrages, exercices, et formations proposent des méthodes pour affiner ses stratégies de lecture, en repérant par exemple les éléments structurant un texte, en lisant la conclusion ou le chapitrage avant de commencer la lecture ou en ajustant le niveau de compréhension à ce qui semble nécessaire selon les parties du texte. Ces formations sont parfois incluses dans les formations sur la gestion efficace du temps.

Les effets sur la compréhension

Le scannage ne devrait pas être utilisé quand l’objectif est une compréhension complète du texte. Le scannage est principalement utilisé quand le but recherche est d’avoir une idée générale du texte. Néanmoins quand le temps est compté, le scannage du texte peut aider à la compréhension.

Duggan & Payne (2009)[1] donnèrent un temps limité pour lire un texte et firent la comparaison entre scannage et lecture normale. Ils relevèrent que les points importants d’un texte avaient été mieux compris après un scannage qu’après une lecture normale du texte. Ils constatèrent également qu’il n’y avait pas de différence entre les 2 groupes pour l’information moins importante.

Histoire

C'est Claude-François Lizarde de Radonvilliers qui, en France en 1768, semble avoir le premier initié (pour les enfants du roi dont il avait été nommé sous-précepteur) une méthode associant la forme d'un mot calligraphé à une image représentant son sens, avant d'apprendre à déchiffrer et associer les syllabes pour en recomposer le son qui doit évoquer le sens du mot (si on l'a appris).

  • 1787 : Nicolas Adam, en France, insiste sur le fait que le tout et la forme sont perçus avant le détail, et qu'il faut commencer les apprentissages par des approches globales avant de passer aux détails (à la décomposition des mots dans le cas de la lecture).
  • 1800 : les typographes notent que l'on capte globalement mieux et plus vite les formes associant des fontes connues de caractères, et que cette captation est bien moins rapide pour des caractères écrits dans des fontes inconnues, facilement jugées laides par le lecteur. Les typographies deviennent des modèles déposés qui se vendent d'un pays à l'autre et les créateurs rivalisent d'originalité ou de finesse dans l'amélioration de l'existant.
  • 1843 : Leclerc, un notaire français remarque que le lecteur expérimenté anticipe et devine plus qu'il ne lit réellement mot à mot. Un fragment de mot suffit souvent à la compréhension, dans le contexte du sens global de la phrase et du texte. Il démontre que tout lecteur expérimenté peut lire à une vitesse presque normale en ne disposant que de la partie supérieure des lignes (en effaçant la moitié inférieure d'une ligne, le texte reste parfaitement et rapidement lisible, sauf s'il est écrit entièrement en majuscules). Leclerc a contribué aux théories de la lisibilité typographique qui suivront. Avec humour, il propose de supprimer la partie basse de chaque lettre, ce qui diviserait par deux le volume des livres et les frais d’impression[2].
  • 1848 : le médecin psychologue genevois Claparède s'intéresse à la psychologie de l’enfant et à sa psychologie de l’intelligence, définissant 3 actes principaux impliqués dans la connaissance humaine :
  1. vue générale et confuse d'un tout (syncrétisme) ;
  2. vue distincte, et analytique, des parties ;
  3. recomposition synthétique du tout, sur la base des connaissances apportées par les parties.
  • 1878 : le docteur Émile Javal (ophtalmologue, directeur du laboratoire d'ophtalmologie de l'université de la Sorbonne) note que l'œil posé sur un mot ou un petit groupe de mots n'a besoin que d'un quart à un tiers de seconde pour permettre à l'esprit d'appréhender le sens de ces mot, et qu'il ne lui faut qu'un quarantième de seconde pour passer au groupe (champ visuel) suivant. L'entraînement permet à un lecteur expérimenté d'appréhender des groupes de mots de plus en plus importants (de la même manière qu'un chef d'orchestre a appris à lire plusieurs lignes et portées en même temps).
  • 1905 : E. Javal conclut que l’œil fonctionne avec des mouvements de saccade et qu’il reconnaît les lettres par leurs différences globales sans besoin d’analyser chaque lettre dans le détail. Il a dessiné un caractère plus rapidement lisible dans lequel il accentue les lettres aux endroits qu’il juge importants pour la vision, et il montre ainsi que les formes les plus simples ne sont pas forcément les mieux lisibles, car occasionnant plus de risques de confusion entre lettres.
  • 1923 : le suisse Jean Piaget développe la méthode globale de Radonvilliers.
  • 1930 : aux USA, le docteur William H. Bates, cherche à comprendre l'accommodation et constate que la vision change selon l'état psychique et la concentration de chacun et qu'un comportement visuel conscient et optimal peut améliorer la presbytie, la myopie, l'astigmatisme, l'hypermétropie, le strabisme chez les enfants et les adultes sans recourir aux lunettes. De même, un lecteur peut volontairement, s'il s'entraîne, utiliser et associer des stratégies et techniques variées de lectures, plus ou moins performantes pour la vitesse de lecture, la compréhension et la mémorisation du contenu. Il identifie des moyens d'élargir le champ visuel en étant conscient de la vision périphérique.
  • 1936 : le belge Ovide Decroly promeut et expérimente une méthode donnant d'abord de l'importance à l'oral pour ensuite conduire le lecteur vers l'écrit. Il insiste sur l'importance des objectifs et stratégies associées que le lecteur peut et doit se fixer pour retirer l'information d'un texte.
  • 1940 : l'armée américaine donne des cours de lecture rapide à ses officiers, alors que la méthode avait toujours été utilisée avec des enfants.
  • 1968 : Richaudeau s’intéresse à la lecture rapide et à la lisibilité des textes pour les rendre plus compatibles à une certaine capacité naturelle à saisir rapidement des groupes de lettres, chiffres et/ ou de mots.

Notes et références

Bibliographie

Articles connexes

Liens externes


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