Le Bazar de la Charité

Le Bazar de la Charité

Bazar de la Charité

Le Bazar de la Charité a été créé par Harry Blount en 1885 : il s'agissait d'une organisation caritative dont l'objet était d'assurer la vente d'objets, lingeries et colifichets divers, au profit des plus démunis. Installé à Paris, il fut détruit par un incendie tristement célèbre le 4 mai 1897, lequel fit 129 victimes, dont la plupart étaient des femmes issues de la haute société parisienne. On retrouvera parmi les victimes, entre autres son Altesse Royale la duchesse d'Alençon, née Sophie-Charlotte en Bavière, sœur de l'impératrice d'Autriche (la fameuse Sissi) et de la reine des Deux-Siciles.

Le Bazar de la Charité n'est pas une vente destinée à une œuvre unique mais un consortium : de nombreuses œuvres de charité s'associent pour louer un local à frais communs, réduisant ainsi les dépenses et permettant de grouper acheteurs et invités.

Initialement installé au Faubourg Saint-Honoré, il s’installe en 1897 rue Jean-Goujon (N° 17) sur un terrain appartenant à Michel Heine. Ce terrain était alors occupé par un hangar en bois de quatre-vingts mètres de long sur treize de large.

Sommaire

Vision prémonitoire ?

Le 21 mars 1897, la comtesse de Maillé propose la création d’une œuvre caritative au profit des Cercles catholiques d'ouvriers, destinés à barrer la route au socialiste Jules Guesde.

Elle profite d'une réception pour inviter une cartomancienne inspirée, Mademoiselle Couedon, dont les dons de devineresse sont connus du Tout-Paris. Au cours de la réception, celle-ci commence à parler, lentement, d'une voix un peu lointaine mais distincte :

« Près des Champs-Elysées,
Je vois un endroit pas élevé
Qui n'est pas pour la pitié
Mais qui en est approché,
Dans un but de charité
Qui n'est pas la vérité.
Je vois le feu s'élever,
Et les gens hurler,
Des chairs grillées,
Des corps calcinés,
J'en vois comme par pelletées. »

Installation

Le 6 avril, le baron de Mackau réunit les responsables du Bazar de la Charité : Son Altesse Royale la duchesse d'Alençon, sa belle-fille, la duchesse de Vendôme (Henriette de Belgique, nièce du roi Léopold II et du roi Charles Ier de Roumanie), la duchesse d'Uzès, la marquise de Saint-Chamans, la comtesse Greffuhle, la générale Février, la marquise de Sassenay, et leur annonce que le Bazar sera décoré pour représenter une rue de Paris au Moyen Âge avec ses éventaires, ses échoppes aux enseignes pittoresques, ses étages en trompe-l'œil, ses murs tapissés de lierre et de feuillage.

En prime le Bazar proposera, sous un appentis, un spectacle de cinématographe où l'on pourra, pour cinquante centimes, voir les images animées des frères Lumière projetées par un appareil de 35 mm Normandin et Joly : une sortie d'usine, un train qui entre en gare et le film de l'arroseur arrosé.

Le bâtiment est organisé de la façon suivante : une porte à double battant ouvre sur une vaste allée, bordée de 22 comptoirs en bois, d’une longueur de 80 mètres ; à gauche de l’entrée, une loggia accueille les bureaux, à droite se trouve le « salon des dames ».

Les comptoirs portent des noms évocateurs : « À la Tour de Nesle » « À la truie qui file » « Au lion d’or » « Au Chat botté ». Face à l’entrée se trouve un buffet, assorti d’une cuisine et d’une cave. L’arrière du hangar donne sur une cour intérieure, bordée par l’Hôtel du Palais ; adossé à la façade arrière du hangar se trouve un local abritant le cinématographe.

L'entrepreneur chargé des représentations cinématographiques n'est cependant pas très satisfait de ce local et s'en ouvre au baron de Mackau : « Je n'ai pas assez de place pour loger mes appareils, les tubes d'oxygène et les bidons d'éther de la lampe Molteni. Il faut aussi séparer le mécanicien du public. Les reflets de la lampe risquent de gêner les spectateurs. » « Nous ferons une cloison en toile goudronnée autour de votre appareil. Un rideau cachera la lampe. » « Et mes bouteilles et mes bidons ? » « Vous n'aurez qu'à les laisser sur le terrain vague, derrière votre local. »

Catastrophe

Les ventes sont organisées les 3, 4, 5 et 6 mai 1897.

La première journée, le 3 mai 1897, sera honorée par la présence de Mlle de Flores, fille de l'ambassadeur d'Espagne. La vente du 4 mai sera, quant à elle, honorée de la présence de Sophie-Charlotte, duchesse d'Alençon. Belle-sœur de l'empereur d'Autriche,François-Joseph Ier et plus jeune sœur de la célèbre Sissi et de l'ex-reine des Deux-Siciles, ayant épousé un petit-fils du roi des Français,Louis-Philippe Ier, la princesse, qui vient de fêter ses 50 ans, est apparentée à tout le Gotha européen.

Les comptoirs sont tenus par des dames appartenant à la plus haute aristocratie française.

Le Bazar est béni par le nonce apostolique dès 15 heures : celui-ci vient, fait un tour rapide et s'en va sans que la foule qui se presse là, s'en rende bien compte.

Vers 16 heures, la duchesse d'Alençon - qui préside le stand des Noviciats dominicains, situé à une extrémité de la galerie - murmure à une de ses voisines, Mme Belin : « J'étouffe... » Mme Belin observe : « Si un incendie éclatait, ce serait terrible ! ».

Le drame

« Incendie du Bazar de la Charité. Le sinistre. »
Le Petit Journal. 10 mai 1897.

Vers 16h30 survient l'accident fatal : la lampe de projection du cinématographe a épuisé sa réserve d'éther et il faut à nouveau la remplir. L’assistant du projectionniste allume une allumette mais l’appareil est mal isolé et les vapeurs d'éther s’enflamment.

Quelques instants après, alors que les organisateurs - parmi lesquels figurent le duc d'Alençon - ont été informés de l'accident et commençaient déjà à faire évacuer, dans le calme, les centaines de personnes présentes dans le hangar, un rideau prend feu, enflamme les boiseries puis se propage au vélum goudronné qui sert de plafond au Bazar. Un témoin dira : « Comme une véritable traînée de poudre dans un rugissement affolant, le feu embrasait le décor, courait le long des boiseries, dévorant sur son passage ce fouillis gracieux et fragile de tentures, de rubans et de dentelles. »

Au grondement de l'incendie répondent les cris de panique des 1200 invités qui tentent de s'enfuir en perdant leur sang-froid. Certaines personnes tombent et ne peuvent se relever, piétinées par la foule des fuyards, paniqués.

La duchesse d'Alençon dira à la jeune comtesse Mathilde d'Andlau : « Partez vite. Ne vous occupez pas de moi. Je partirai la dernière. »

A l'extérieur les pompiers arrivent sur les lieux cependant que des grappes humaines surgissent du bazar, transformé en brasier. Quelques-uns des visiteurs tentent de se sauver par la cour intérieure : ils seront sauvés grâce à l’intervention des cuisiniers de l’Hôtel du Palais, MM. Gomery et Edouard Vaudier, qui descellèrent trois barreaux des fenêtres des cuisines pour les aider à s’extirper de la fournaise.

Un quart d’heure à peine après le début de l’incendie, tout est consumé : le hangar n’offre plus l’aspect que d’un amoncellement de poutres de bois calcinées, mêlées de cadavres atrocement mutilés et carbonisés.

Un journaliste qui vient d'arriver sur les lieux, note : « C'est un spectacle inoubliable dans cet immense cadre de feu formé par l'ensemble du bazar, où tout brûle à la fois, boutiques, cloisons, planchers et façades, des hommes, des femmes, des enfants se tordent, poussant des hurlements de damnés, essayant en vain de trouver une issue, puis flambent à leur tour et retombent au monceau toujours grossissant de cadavres calcinés ».

Mort de la duchesse d'Alençon

La duchesse d’Alençon figure parmi les victimes. Demeurée au comptoir du Noviciat en compagnie de quelques fidèles, elle tente un moment de s'enfuir par la porte principale, croyant y retrouver son époux puis elle rebrousse chemin.

Une religieuse vient s'effondrer à ses pieds : "Ô Madame, quelle mort !" ; elle lui répond : "Oui, mais dans quelques minutes, pensez que nous verrons Dieu !", qui seront ses dernières paroles. Elle mourra en compagnie de la comtesse de Beauchamp, qu'elle prendra dans ses bras pour lui masquer la mort qui l'attend.

Nul ne sait si elle mourut asphyxiée ou brûlée vive, mais les contractions de son corps montreront qu'elle avait dû souffrir atrocement. Son corps, méconnaissable, sera finalement identifié grâce à son dentiste qui, seul, pourra identifier ses dents immaculées et son bridge en or (Nous sommes au début de l'identification dentaire.)

Après une messe funèbre célébrée le 14 mai en l'église Saint-Philippe-du-Roule, elle sera inhumée dans la chapelle funèbre des Orléans, à Dreux.

Les victimes : presque toutes des femmes

Parmi les 129 morts qu'a fait l'incendie, dont cinq personnes dont les corps n'ont pas été identifiés, on compta 123 femmes, quasiment toutes de souche aristocratique. La journaliste féministe Séverine écrivit dans Le Journal à propos de la fuite des hommes présents lors de la catastrophe : « Parmi ces hommes (ils étaient environ deux cents), on en cite deux qui furent admirables et jusqu'à dix en tout qui firent leur devoir. Le reste détala, non seulement ne sauvant personne, mais encore se frayant un passage dans la chair féminine, à coups de pieds, à coups de poings, à coups de talons, à coups de canne. »

Victimes indirectes :

- le général Poillouë de Saint-Mars (une des têtes de turc favorites d'Alphonse Allais) meurt d'une crise cardiaque en apprenant la mort d'une proche dans l'incendie ;

- le duc d'Aumale est terrassé par une crise cardiaque le 7 mai, après avoir rédigé une vingtaine de lettres de condoléances aux familles des victimes de la noblesse.

Chapelle Notre-Dame de Consolation

Chapelle Notre-Dame de Consolation, mémorial du Bazar de la Charité

Sur l'emplacement du Bazar de la Charité s'élève aujourd'hui une chapelle expiatoire, appelée Notre-Dame de Consolation. Cette chapelle est dédiée aux victimes de l'incendie.

Impact de la catastrophe sur le cinéma

Une fois les résultats de l'enquête connue, beaucoup considèrent la carrière du cinéma comme terminé. Sous la pression de la haute société, les projections sont d'ailleurs interdites un temps avant que l'intérêt de l'invention et son développement à l'étranger ne passent outre le ressentiment des victimes endeuillées.

Bibliographie

  • Marguerite Bourcet, Le Duc et la Duchesse d'Alençon : un couple de tragédie, 393 pages, Perrin, 1939 (Réédition : 2003 (ISBN 2-262-02069-8))
  • Dominique Paoli, Il y a cent ans : l'incendie du Bazar de la Charité, Paris, MDC, 1997.

Voir aussi

Liens externes

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