Lacouchie

Lacouchie

Alain Lacouchie

Alain Lacouchie (né à Limoges) est un poète français, auteur de plus de vingt-cinq recueils, dont il a illustré la plupart.

Alain Lacouchie est un passionné, curieux de tout ce qui peut faire aimer le monde et la vie dans cet univers : la poésie, bien sûr, mais aussi le dessin, la photo, les voyages et l'histoire (surtout l'histoire de sa région, le Limousin). Parfois ses déceptions, face à ce monde qu'il voudrait limpide, l'entraînent dans la révolte, l'angoisse. Marie-José Aubrière, poétesse et éditrice, conclut ainsi : "Alain Lacouchie porte l'ombre et le soleil. Il vit et meurt dans le même chant où la femme se plie et se délie à son mal de vivre." [1]

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Sommaire

Œuvres - poésie

Ouvrages de poésie par ordre alphabétique [2] 
  • À perte d'ailleurs. poèmes en écho à la reproduction d’une suite de sept tableaux de Henri-Louis Lacouchie, peintre
  • Banal, comme d'un pigeon. Millau : Éd. associatives Clapàs, 2005 ; Collection Franche lippée, ISSN 1240-1617 ; n° 268 - textes et illustration
  • Debout, malgré tout. poèmes et illustrations, N°358 de la revue Encres Vives, Colomiers 31
  • D'éclats et d'oublis. Erotexte et dessins pour lecteurs « avertis » (Editions Associatives Clapàs, Aguessac, 2001)
  • Entrouvert entrevu. poème et dessins (Editions Associatives Clapàs, Aguessac, 12)
  • Dérives et des routes. éphéméride. Textes et illustration (Éditions L'Harmattan, Poésie)
  • De temps à l'autre, incertain. Textes et illustrations (Editions Editinter, Soisy sur Seine, 91)

Ecorché vif et cris, Préface de Jean Joubert, cent poèmes et illustrations (Editions Editinter, Soisy sur Seine, 91)

  • En trompe l'œil, carnet de nous., Poèmes et dessins (Editions Le Poémier de Plein Vent, Bergerac, 24)
  • Familières. (épuisé)
  • Florence, en tous sens., une approche originale de la célèbre cité italienne (Editions Encres Vives, Colomiers, 31), Collection Lieu.
  • Friable ou ronde, la vie., Poèmes et dessins (Editions Encres Vives, Colomiers, 31)
  • Il ou l'autre. Poèmes et dessins (Editions Encres Vives, Colomiers, 31).
  • Ils, et à suivre ... Poèmes et dessins (Editions des Portes Ferrées, Limoges, 87)
  • Impasse et manque ; sans roi. Poèmes et illustrations (Editions Le Poémier de Plein Vent, Bergerac, 24)
  • Instants bien que mal. Illustration de Martin Faynot, plasticien (Cahiers de Poésie Verte, St-Yrieix, 87)
  • Jules de JR., Histoires à délirer debout. textes et illustrations (Editions Encres Vives, Colomiers, 31)
  • Les Rapaces, Préface J. Rouffanche, poète, et illustration de Noël Myles, peintre et photographe (Editions Hautécriture, Poitiers, 86)
  • Lui ou moi Poèmes et dessins (Editions Encres Vives, Colomiers, 31)
  • Melliflue Poèmes et dessins sur la femme (Le Poémier de Plein Vent, Bergerac, 24)
  • Mes aujourd'huis clos. Poème de présentation de Jean-Claude Valin, poète et éditeur, et illustration de Henri-Louis Lacouchie, peintre (Cahiers de Poésie Verte, St-Yrieix, 87)
  • Natures mortes à deux voix, Poèmes et dessins (Editions Encres Vives, Colomiers, 31)
  • Non-identifié, autoportrait. Textes et illustration ; Éditions L'Harmattan, Paris, 75.
  • Petits jours à mains nues. Courts poèmes et illustrations (Editions Encres Vives, Colomiers)

Plus légers que le temps Courts poèmes et illutrations (Editions Encres Vives, Colomiers, 31)

  • Rimages et magie Textes, dessins et jeux pour enfants (Editions Associatives Clapàs, Aguessac, 12)
  • S'apaiser, anonyme. Poèmes et dessins (Editions Encres Vives, Colomiers, 31)
  • Spécial Alain Lacouchie. n°310 Témoignages sur l’auteur (Collection Encres Vives, Colomiers, 31)
  • Violons d'elles, Nouvelles et illustration (Editions Encres Vives, Colomiers, 31)

Ouvrages collectifs
  • Anthologie de l’haïku en France. Textes rassemblés par Jean Antonini, Editions Aléas (Lyon, 69)
  • Charentes, j’écris ton nom. Textes réunis par Andrée Marik, préface de Claude Roy, Le Croît Vif Editeur
  • Mille poètes, mille poèmes brefs. Textes réunis par Michel-François Lavaur, Maison de la Poésie d’Amay (Belgique)
  • A lasting calm. Anthologie de poésie en langue anglaise, International Library of Poetry ; Sittingbourne (Royaume-Uni)
  • Vent debout. Anthologie de poésie et prose. 1997, Atelier poésie de Cognac (Charente)
  • Ombres. Anthologie de poésie et prose. 1998, Atelier poésie de Cognac (Charente)
  • Lendemains Anthologie de poésie et prose. 1999, Atelier poésie de Cognac (Charente)
  • Fugue. Anthologie de poésie et prose. 2000, Atelier poésie de Cognac (Charente)
  • Entr’acte. Anthologie de poésie et prose. 2001, Atelier poésie de Cognac (Charente) avec Madeleine Chapsal, Andrée Chédid, Bernard Noël, etc.
  • Kaléidoscope. Anthologie de poésie et prose. Atelier poésie de Cognac (Charente)
  • Longs courriers. Anthologie de poésie et prose. 2006, Atelier poésie de Cognac (Charente)
  • C’est à dire. Double CD Audio : Quarante poètes lisent leurs textes. La Meilleraie-Tillay (Vendée): 2000, Editions SOC et FOC


  • Alain Lacouchie est aussi présent dans l’Anthologie des poètes limousins - 12 poètes, 12 voix(es) de Joseph ROUFFANCHE - Saint-Yrieix-la-Perche (87) : 1996. Cahiers de Poésie Verte
  • Il a produit un témoignage dans « L’œuvre peinte de Henri-Louis Lacouchie » et participé au devoir de mémoire sur Oradour-sur-Glane à travers un texte inclus dans l’exposition "Le Chant d'Oradour" présentée au Sénat en janvier 2007, à l'invitation du photographe Laurent Bourdelas et aux côtés de Marie-Noëlle Agniau et Jean-Pierre Siméon.
  • Il a aussi illustré des recueils de Jean Joubert, Pluie de plumes(haïkus), de Jacques Simonomis, Aphorisques et placers, et de Patricia Cottron Daubigné, Andrée Marik, Annette Blier, etc.
  • Il collabore à plusieurs revues de poésie dont principalement Friches, Cahiers de Poésie Verte ; il est membre de l’association Fondencre, animée par Philippe Biget ; il est secrétaire de « Le Vert Sacré » maison d’édition de Jean-Claude Valin à Angoulème.
  • Il est membre du conseil d’administration et de la commission ‘création’ du Centre Régional du Livre en Limousin.
  • Laurent Bourdelas lui a consacré une notice du chapitre "Oiseleurs" de son ouvrage Du Pays et de l'exil - Un Abécédaire de la littérature du Limousin (Les Ardents Editeurs, 2008).

Critiques [réf. nécessaire]

« Vous êtes un vrai poète : vous avez le souffle, l’assurance, l’inspiration. » Pierre Boujut

"Poésie ouverte, poésie vivante, entre tragique et ferveur, dont on peut dire, en reprenant la formule qu’André Breton appliquait à la liberté, qu’elle est décidément « couleur d’homme. » Jean Joubert

« Tu es poète, et pas ‘’auteur’’ seulement. » Louis Dubost

« Son écriture est affirmative, indicative …elle reste enlevée, forte, sarcastique. » Jean-Claude Dubois

« La permanence du doute. » Jacques Simonomis

« Les Rapaces : un livre exceptionnel. » Serge Wellens

« Votre style qui ne ressemble à aucun autre. » Andrée Marik

« Du relief et du punch. » Guy Valensol

« Une poésie si âpre et si concrète. » Gilles Lades

« Poésie terrible, forte et brutale qui ne vous lâche plus. » Patrick Teste

« Ton écriture toute en émotions et ruptures : une sorte de jazz poétique. » Colette Gibelin

« Je sais que tu es devenu un poète indiscutable » Jean-Claude Martin

« La richesse de sa poésie ne peut que nous séduire. » Denis Emorine

« Une écriture très personnalisée. » Bernard Desmaretz

« Chaque mot pesé et posé sur sa portée abstraite. » Jacques Morin

« Des mots nets, actifs, douloureux,brutaux et revêches. » Jacques Simonomis

« Tu es le plus surréaliste de la bande. » Jean-Claude Valin

« Images fortes et cinglantes pour rendre compte de la folie et de la misère humaine. » Walter Ruhlmann

« Une vérité qui claque l’évidence. » Josyane de Jésus Berger

« Il est vrai, direct, un tantinet brutal, coléreux, doux et beaucoup entraînant. » Jehan Despert

« Un recueil étonnant. » Andrée Marik.

« Poursuis ton œuvre poétique admirable. » Joseph Rouffanche

« Ces poèmes débridés…à mi-chemin du romantisme et de la métaphysique. » Gérard Paris

« Une œuvre forte, aux couleurs tragiques, brûlante de désirs rendus dérisoires par la vanité de toutes choses. Il faut lire Alain Lacouchie. » Colette Gibelin

« Reste le vrai grand poète que tu es devenu. » Joseph Rouffanche

« Une parade rimbaldienne et goyesque. » Gilles Lades

« Insolite et fort. » Michel-François Lavaur

« Ecriture ferme, du souffle, des trouvailles. » Georges Bonnet

« Se dépouiller de ses certitudes langagières pour trouver, dans ce chant, ta voix. » Marie-José Aubrière

« Lacouchie, c’est un poète passionné et (trop) modeste, avec une écriture forte et travaillée… C’est un type bien, pas mesquin pour un sou, que l’on apprécie de compter parmi ses amis. » Laurent Bourdelas

« Tu as vraiment trouvé un langage – varié et pourtant très identifiable. » Patricia Cottron-Daubigné

« Cela grince, cela vit, cela interpelle. » Jehan Despert

« De la force, du souffle, un talent visionnaire. » Jean-Claude Martin

« Des formulations fortes, profondes, une sensibilité, des trouvailles. » Henry Heurtebise

« Une lucidité au laser. » Christian Hubin

« Lacouchie tout retourné par a moindre injustice ou par le simple manque de savoir-vivre, par la trahison de l’amitié. Les nerfs et le cœur à fleur de peau, sous des dehors faussement rigolards. Et donc, Lacouchie le généreux, le fidèle en amitié, l’indispensable compagnon … » Laurent Bourdelas

« Poésie d’écorchure, de ruptures et de dérision, dans laquelle perce cependant, sous l’angoisse, l’envie de vivre, d’aimer, de jouir, « en la fugacité des ciels. » Colette Gibelin

« J’admire Alain Lacouchie de suivre avec le même bonheur ces deux voies - l’écriture et le dessin - qui d’ailleurs souvent se croisent et parfois se confondent. » Jean Joubert

« Les Lacouchie forment une famille d’extraordinaire d’artistes. » Andrée Marik

« Je connais des petits malins / qu’aucun honneur ne rassasie. / Ils n’ont pas le talent d’Alain. » Michel-François Lavaur

« Il cloue les mots sur les pages et dans les livres pour les mettre en lieu sûr… pour empêcher la langue de s’envoler. » Noël Myles

« Férocité, désespoir, révolte, souffrance indicible, torturante qui persécute, violentent cette syntaxe géniale au cœur d’un désastre humain couramment enduré, exacerbé. » Joseph Rouffanche

« Avec Alain Lacouchie, on a peu de chance d’être déçu. Il y a chez cet homme-ci beaucoup plus qu’un poète. Il y a un comédien – il a longtemps fait du théâtre. Il y a aussi un dessinateur. » Jean-Pierre Thuillat

« Le souffle et l’allant caractérisent son écriture. La vigueur ne délaye pas. Sa lucidité use parfois d’un ton grinçant, voire sarcastique… une tendresse sous-jacente, instants vifs pleins d’images noueuses. » Jacques Simonomis

« Votre texte très sonore est comme une partition fort élaborée ; une écriture au bord du souffle. » Marie-José Aubrière

« Si l’on devine une pointe d’ironie qui parfumerait les propos, on s’interroge davantage sur sa propre mort » Jacques Morin.

« Follement maître de ta dérive scripturaire. » Jean-Claude Valin

«Allac, je suis sûr que vous réussirez dans votre écriture de théâtre, dès que vous aurez bien déterminé votre style propre et votre marque... Car je connais à présent la verve dont vous êtes capable, votre humour teinté d'ironie, votre véhémence surtout à dénoncer ou défendre ce qui vous "tient à coeur". Marc Larivière


« Une violence et présence poétique qui ne laissent pas indifférent. » Emmanuelle Moysan - L’Harmattan

« Un poète d’une vigueur exceptionnelle. » Joseph Rouffanche

« Tu es un excellent poète : je persiste et je signe. » Serge Wellens

Photographie

Alain Lacouchie fait son PHOTOHU-BOHU.

« Grâce à ses photos, nous pénétrons dans l’univers d’une personnalité riche et singulière, un univers où la diversité et l’originalité des thèmes sont, d’une façon étonnante, mises en valeur par la composition, les jeux de lumière et les rapports de couleurs, la couleur n’étant, pour Alain Lacouchie, qu’un moyen – simplement différent du noir et blanc – pour rendre, au mieux, ce que le voyeur souhaite transmettre, que ce soit une émotion, une révolte ou une construction intellectuelle. »[3]

«Une personnalité hors du commun, Alain Lacouchie présente des œuvres surprenantes où chaque visiteur peut interpréter sa vision des choses. Une certitude : l’immense talent indiscutable de l’auteur. »[4]

VRAI OU PHOTO ? : la réalité selon Alain Lacouchie.

« Je suis un homme de l’image. Dans ma famille, la tradition de l’image est forte… La photographie, c’est d’abord l’œil, la composition… Je suis davantage attiré par le signe, les traits, les abstractions et les distorsions. … Personne ne verra une image de la même façon : son interprétation est multiple. VRAI OU PHOTO ? : le thème vient de l’ambiguïté de la réalité. »[5]

« Grâce à sa personnalité déroutante, Alain Lacouchie présente une œuvre originale, pleine de finesse, de sensibilité, de concision, d’une maîtrise esthétique remarquable, une œuvre née d’un talent indiscutable. Le souffle du poète transparaît d’ailleurs à travers chaque photographie, donnant une intensité encore plus forte à l’interrogation : VRAI OU PHOTO ? »[6]



Entretien de Philippe Biget avec Alain Lacouchie

paru dans le numéro 100 de la revue 'Friches'

1 - On est d’abord frappé par ta fécondité (si j’ose dire !). Plus d’une vingtaine de titres, si je compte bien. Depuis 1997, un ou deux recueils voient le jour chaque année. S’agit-il d’une stratégie éditoriale, d’une boulimie irrépressible ? Dans ton processus créatif, comment germe la notion de « recueil » ? Comment te vient l’idée d’agréger sous un titre des poèmes dont tes tiroirs doivent être remplis ? Le « projet » est-il conçu en amont, ou mûrit-il au fur et à mesure que ton écriture se développe ?

D’abord, je dois préciser que rien n’est calculé ! Je n’ai pas de projet, pas de ‘projet de carrière’ non plus, comme un golden boy ; en fait, très peu d’ambition. D’ailleurs je ne pense pas que les mots ‘poésie’ et ‘ambition’, ‘compétition’ soient vraiment compatibles ; je ferais plutôt rimer ‘poésie’ avec ‘éthique’ ! Montaigne, dans Les Essais : « Au plus eslevé throne du monde, si ne sommes-nous assis que sus nostre cul. » Ensuite, je connais des poètes et écrivains qui sont plus prolifiques que moi (Gilles Lades ou Michel Cosem, par exemple !). De plus, certains de mes recueils sont maigres comme des chats grecs ! Si beaucoup d’ouvrages ont paru sous mon nom, c’est que j’avais / j’ai l’impression d’avoir « des choses à dire » ; est-ce que ces « choses » sont importantes, c’est un autre sujet, dont je n’ai pas la réponse. En effet, le principal handicap du ‘créateur’, c’est qu’il n’a, pour lui, qu’un miroir déformant, très déformant, et la connaissance de soi (différent de la ‘reconnaissance’ !), après laquelle tout le monde court pour ne pas mourir, lui est toujours insaisissable et douloureuse (est-il - physiologiquement déjà - plus sensible ?) Donc, je ne me dis pas, le matin, en me rasant : « Je vais écrire un chef-d’œuvre dont le sujet sera le monde ou, peut-être même, l’univers ». J’écris, je rature, je recommence, et, au fur et à mesure, je mets tout ça dans un fichier (dans mon ordinateur). Il arrive qu’un soir où l’air est plus doux ou le vin plus gouleyant, j’ouvre un fichier dont le ventre est plein et je ressens le besoin d’expulser tout ça – sans parler de la lassitude de retrouver toujours la même tête de mes textes ! - Et puis, on a toujours envie de voir la tête qu’aura l’enfant, parce qu’une naissance, c’est quelque chose. Etre créateur n’est-ce pas un peu se prendre pour un dieu tout-puissant ? En ce qui me concerne, je porte plusieurs enfants à la fois et chaque enfant a une mère différente, une préoccupation, une angoisse différente (actuellement j’ai trois ou quatre manuscrits que j’essaie de remplir tant bien que mal). Tous les ‘créateurs’ se retrouvent toujours plus ou moins autour des mêmes angoisses, des mêmes thèmes (qui sont des ‘thèmes éternels’), et ne différent que par leur personnalité, leur vécu et les moyens de les exprimer : je suis sensible au temps qui passe et à la mort ; moins à la nature, car la beauté d’un paysage m’émeut moins qu’un enfant avec un fusil ou qu’une fillette mariée à douze ans : pour moi, le poète n’est plus dans sa tour d’ivoire ; il est parmi les hommes, parmi les autres, obligé d’être parmi les autres à cause de toutes les informations qu’il ne peut s’empêcher de recevoir. Comme beaucoup d’artistes, en particulier d’écrivains ou de cinéastes, je suis sensible aux autres, à leurs souffrances, aux injustices (entre autres, mais aussi plus particulièrement à la ‘Femme’ – en tous ses états, car elle est aussi l’amante, la mère…). J’essaie de traduire ces souffrances, ces injustices, cette violence du monde ; et au-delà. Un quotidien avait titré, à mon propos : « Révolté, artiste, et poète ». Nous avons donc, tous, « des choses à dire » : ce qui est important aussi, c’est la façon de les exprimer.

2 - Parle-nous un peu de ta prosodie. Ton écriture poétique : vers libres et syncopés, parfois anguleux au risque de l’inconfort. Quelles influences ont été déterminantes dans la genèse de ton phrasé ? Sens-tu une évolution ? Un appel vers d’autres styles d’écriture ?

Dans la question précédente, j’évoquais la traduction, sous forme artistique, de ces fameuses « choses à dire » dont il est, bien entendu, primordial de ressentir le besoin impérieux : c’est ça le ‘travail’ de ‘l’écrivain’ (!) : essayer de devenir un orfèvre du mot tout en étant conscient que le mot est fourbe et mauvais, diabolique. Sans oublier la syntaxe : il faut parfois la tordre pour lui faire dire ce dont on a envie. Sans oublier ce que Joseph Rouffanche appelle « le chant », même si notre notion du chant est assez différente ; je dirai plutôt le rythme. Donc, encore une fois, mobiliser tous les moyens possibles pour arriver à ses fins ; je ne sais pas pourquoi je pense à ‘Guernica’ de Picasso. Cependant, « il faut toujours qu’on puisse te comprendre ! » : encore Joseph Rouffanche, prix Mallarmé. Rester lisible. Mon but n’est pas de faire des effets de « o » et de « u » comme dans le ‘Bourgeois Gentilhomme’, et de trouver ça génial, mais de me hasarder à communiquer. Par ailleurs, je suis friand des textes courts, concis. Et pourquoi pas les haïkus ? Un recueil de ces derniers s’intitule ‘Petits Jours à Mains Nues » et quelques-uns figurent dans ‘l’Anthologie (bilingue) du Haïku en France’.

3 - Parmi toutes tes publications, tu connais mon penchant pour Les Rapaces (Hautécriture, 1992). Je suis touché par la cohérence du propos, l’unité de ton, l’ampleur de la construction. Peux-tu nous rappeler les circonstances qui t’ont conduit à cette composition ?

Après une abstinence poétique de plus de vingt ans, ce fut mon premier ouvrage publié (par Jean-Claude Valin à Poitiers) : il correspond à un aspect de mon paysage intérieur, à savoir un monde débridé où l’imaginaire règne en maître, l’autre aspect de ce paysage étant constitué par une interrogation plus raisonnée sur ce qui m’entoure et qui m’émeut. Ce recueil est une pierre blanche dans mon parcours ; Serge Wellens, à ma grande confusion, avait alors parlé de « livre exceptionnel qu’il aurait aimé écrire ». Je m’en souviens encore : c’était lors d’une rencontre de poètes réunis par Jean-Claude à la médiathèque de Barbezieux… Je dois encore préciser que ce fourmillement baroque – et ironique – m’habite encore, bien sûr, et que je suis en train de préparer, entre autres, une suite à ces textes. Cette atmosphère illimitée de folie s’affiche d’ailleurs aussi dans des textes en prose intitulés ‘Jules II Jr.’ et ‘Florence en tous sens’ (chez Encres Vives)…

4 - Sauf erreur, toutes tes publications sont des recueils de poèmes. As-tu déjà été tenté par d’autres genres littéraires (constructions romanesques ou dramatiques, essais, traductions de l’anglais ou de l’italien*) ?

J’ai écrit quelques nouvelles – légèrement érotiques – intitulées ‘Violons d’elles’ (et même un ouvrage moins légèrement érotique dans une collection au titre alléchant : ‘L’avant-langue’…) ; je tâtonne actuellement dans une écriture pour le théâtre, mais, c’est vrai, je n’ai que peu de goût pour les romans. Je préfère ce qui est plus dense. J’aime beaucoup la philo et l’histoire (surtout l’histoire d’une région trop mal connue, le Limousin !). Je préfère, mais je ne condamne pas, bien sûr ! Les traductions ? C’est, pour moi, un exercice très ingrat et exigeant dont on ne sort jamais complètement satisfait (parce que les mots sont changeants et qu’ils nous glissent, là aussi, entre les doigts) et qui demande beaucoup de temps. Tu en sais quelque chose, non ? Et puis j’aurais sans doute la tentation de vouloir modifier tel ou tel passage… Une véritable torture : je suis un peu claustrophobe !

5 - Tu pratiques également le dessin et la photographie. Comment s’articulent ces expressions artistiques d’essences différentes ? Je sais bien que tu les réunis à l’occasion de nombreuses publications. Mais en ce qui concerne l’inspiration, la pulsion qui te conduit à tel ou tel mode d’expression, comment cela se passe-t-il ? Quel rapport (s’il en existe) entre ta forte perception visuelle et ton travail d’écriture ?

J’aime ça ; j’aime aussi dessiner, faire de la photo, c’est vrai. Peut-être est-ce parce que, dans ma famille, les arts de la couleur ont toujours eu une grande place : mon grand-père était peintre sur porcelaine, mon père est un peintre coté ; j’ai toujours vécu au milieu des tableaux… et des ‘nus’ ! Pour moi, dessiner me semble naturel : il m’arrive souvent de dessiner en regardant la télévision lorsque le programme ne m’intéresse pas. L’inspiration ? Le prétexte ? Surtout le corps humain – féminin – qui favorise le jeu des traits. Et puis l’abstraction pour prolonger. De simples encres comme celles qui illustrent le recueil de Jean Joubert, «Pluie de plumes », ou ceux de Jacques Simonomis – entre autres. Sans parler de mes propres recueils, car il est très difficile de rencontrer un illustrateur avec lequel on soit vraiment en harmonie. Comme avec un acteur, un lecteur. Pour les photos, le titre de mes expos est souvent « Alain Lacouchie fait son photohu-bohu » : je prends ; je prends tout ce qui retient mon attention. En fait, je cherche des détails que les intellectuels nomment ‘signifiants’. C’est une vieille obsession cette recherche de la brindille qui évoque toute la branche ! Je prends mon appareil lorsque je me promène – où que ce soit. Et puis, je réalise aussi ce que j’appelle des « phocotages », c'est-à-dire des collages à partir de mes propres photos. Par contre, je ne connais pas la musique ; je suis plus tranquille dans les arts visuels. Je ne peux expliquer la relation entre l’écriture et la peinture ou le dessin, mais j’ai souvent constaté que beaucoup d’écrivains réputés étaient aussi de fins connaisseurs dans ces espaces : de Eluard et ‘Les Frères Voyants’, à Aragon et Matisse, ou Baudelaire et Delacroix, « lac de sang hanté des mauvais anges ». Bien sûr il y en a beaucoup, aussi réputés, qui sont de véritables mélomanes !

6 - Je connais ton attachement au Limousin. Or, aucun de tes nombreux livres n’y est consacré. Pourquoi ? Pudeur ou refus de partager un jardin secret ? Des projets dans ce domaine, ou dans d’autres ?

J’aime les autres et j’aime voyager : j’aime regarder vivre les autres, m’étonner encore de cette richesse, de cette diversité issue de cet autre moi-même : ça m’aide à me comprendre un peu ! Mais j’aime aussi beaucoup le Limousin injustement victime de son auto-flagellation. Il est d’autres terres pauvres en France et à travers le monde qui ont fait de leur pauvreté une richesse et même un drapeau. Il semble qu’en Limousin, malgré l’âpreté de la vie, malgré la résistance à la souffrance née de cette sévérité, malgré la résistance aux divers envahisseurs, tout se passe comme si le courage de vivre sur une terre aussi rude était banal, voire honteux ! Le monde contemporain n’est pas à la discrétion et à l’humilité… C’est vrai pourtant que je déborde de mots pour en parler : peut-être en ai-je trop et peut-être se bousculent-ils jusqu’à l’étouffement ? L’émotion du premier rendez-vous ? C’est un fait : je n’ai pas encore trouvé de porte qui me conviendrait. Et puis, d’autres en parlent très bien, défendent cette terre avec talent : je pense, bien sûr, à mon ami Jean-Pierre Thuillat, discret et humble, dans ‘son’ pays arédien, avec ‘ses’ troubadours et ‘sa’ langue d’oc… Je sais aussi, cependant, qu’il est aujourd’hui tellement à la mode d’écrire des ‘récits de voyage’ – ou des ‘romans historiques’… « No comment ! », comme dit ma concierge. Alors, pour ma part, je rêve encore d’imaginaire et de folie, d’être un petit baron perché dans un arbre à mots et qui écrit des textes à partager ; pour créer ?


• Pour plus d’informations, consulter le numéro spécial consacré à Alain Lacouchie dans la collection Encres Vives N°310


Réponses d'Alain Lacouchie à un questionnaire de Catherine Demontpion Libraire à Saint-Yrieix la Perche


1- Quel est le premier livre qui vous a marqué et pour quelle(s) raison(s) ?

Les Hauts de Hurlevent d’E. Brontë. Premier contact avec la littérature anglaise : trois personnages dans un huis-clos et ce rapport difficile, conflictuel, entre les classes, qui est si enraciné chez les Anglais.

2- Y a-t-il un livre qu’il vous a été recommandé de lire à l’école et que, contre toute attente, vous avez beaucoup aimé ?

François Villon : rude !...

3- Y a-t-il un livre que vous n’avez jamais pu terminer et pour quelle(s) raison(s) ?

Quelques-uns ! Mais, mon rapport aux romans est très particulier… En fait, je lis très peu de romans : je trouve cette forme d’expression souvent bavarde ; les descriptions peuvent s’étirer là où un substantif bien choisi aurait suffi. Sans parler, bien sûr, des autobiographies (auto-hagiographies de chanteurs ou d’acteurs – bien plus rarement de chercheurs ! Mais ceci rejoint le problème posé par Catherine Demontpion sur l’existence des libraires « de quartier » qui vivent la littérature et la présentent avec passion. Or, la plupart des livres placés en tête des classements de tous ordres (puisqu’il faut tout classer aujourd’hui - et donc pousser les autres par tous les moyens, pour être ‘devant’) ne nécessitent pas une lecture très attentive : tout le monde peut donc vendre ce type d’ouvrage – y compris, et surtout, les supermarchés..). Je n’aime pas beaucoup, non plus les romans dits ‘historiques’ (faire converser Louis XIV avec Colbert ! Ou Saint Martial avec le gouverneur romain d’Augustoritum !...). En fait, j’aime les documentaires ou les livres de philo, le théâtre, j’aime l’Histoire et, bien sûr, la poésie. J’aime qu’on me donne de vraies histoires d’hommes d’aujourd’hui et d’hier, même si !...

4- Quel livre reliriez-vous avec plaisir ?

Le Baron Perché d’Italo Calvin : pourquoi ? Pour m’être identifié à cet enfant qui vit libre dans les arbres ? Un vrai livre d’imagination… et de vie.

5- Quels sont les deux écrivains que vous reliriez avec plaisir ?

Avec plaisir et un peu de nostalgie : le théâtre de Sean O’Casey sur lequel j’avais travaillé pour mon mémoire de maîtrise. Peut-être avec appréhension : ce théâtre a-t-il vieilli ? Mais aussi Doris Lessing – Prix Nobel !

6- Quels sont les deux écrivains que vous ne lirez pas ou plus ?

Gavalda, Levy ou JK Rowling ; mais sont-ce des écrivains ? Je n’en sais rien.

7- Y a-t-il un auteur dont vous avez lu tous les livres ?

Non. Ce n’est pas dans mon caractère ; d’ailleurs est-ce vraiment utile ? Je n’aime pas les héros et lire tous les livres d’un auteur serait, à mon avis, un pas dans cette direction. Vivent la diversité et la découverte !

8- Quel classique de la littérature française vous tombe des mains chaque fois que vous essayez de le lire ?

Mon rapport aux gens n’est jamais dans le mépris, sauf pour ceux qui affichent cette attitude ; alors, peut-être que Guitry avec sa morve et son cynisme, son machisme… Cet égocentrisme hautain que des masochistes adorent comme, à l’inverse, certains vont « s’encanailler » auprès des’ pauvres’. Un monde assez superficiel – à mon goût - et détestable dans son éthique.

9- Quel classique français vous a énormément plu ?

Molière, d’évidence. Et Rabelais ?Et tant d’autres… Zola, Voltaire, Hugo !

10- Quel est le livre que vous lisez en ce moment ?

Le Limousin Médiéval de Bernadette Barrière (Pulim). Ah, mon Limousin !... Comprendre (et/ pour aimer ?) les hommes. Encore.

11- Quel est le prochain livre que vous lirez ?

Des livres de poèmes, encore et toujours. De plus, étant collaborateur de plusieurs revues de poésie, je rédige des avis sur un certain nombre d’entre eux. Allier plaisir et ‘devoir’. Ou un autre livre d’histoire. Ou de philo. Ou du théâtre : relire Pinter ?

12- Quels sont les deux livres que vous emporteriez sur une île déserte ?

Montaigne, Les Essais – pour réfléchir - et les Œuvres Complètes de Shakespeare – pour rêver. Et un des miens ? Comme un miroir, pour la mémoire.

13- Pouvez-vous citer les deux premières et les deux dernières phrases de votre livre préféré ?

« La maison de B…, curieusement emprisonnée entre la route et la voie ferrée, surplombe la prairie. Le sous-sol est un chai désaffecté. …. Elle se débat, se résigne enfin, lui donne de petits coups de langue sur les mains. Le visage dans les poils, il écoute en pleurant battre le cœur de la bête » (« Un si bel Eté » de Georges Bonnet chez Flammarion : ce n’est pas seulement parce que ce Poitevin est mon ami que j’ai choisi ce livre - dont la sortie a été, en son temps, saluée par la critique avec des articles élogieux dans de grands quotidiens nationaux et les plus importants magazines – mais parce que ce récit est à lire avec tendresse, comme on entre en poésie. Un nectar à savourer.

14- Qui est votre écrivain vivant préféré et que lui diriez-vous si vous le rencontriez ?

Patrick Modiano ? Philippe Claudel ? Je lui demanderais de me parler du monde et de l’homme, même si ce n’est pas son combat littéraire. Quel place doit avoir l’écrivain / le poète face à ce monde qui nous enserre ? La littérature n’est-elle pas qu’un passeur pour des angoisses plus éternelles parce que vitales ?

15- Quel est votre rêve d'écrivain ?

Echanger. Mais les mots sont faux : attention !


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Notes et références

  1. Source : quatrième de couverture de son recueil De temps à l'autre, incertain, paru aux Editions Editinter
  2. Sources : http://ccfr.bnf.fr/ : catalogue collectif de la BNF
  3. Source : quotidien Le Populaire du Centre
  4. Source : J.G. Berger, L’Echo du Centre
  5. Source : interview au quotidien La Montagne
  6. Source : L’Echo du Centre
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