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La Barque de Dante
La Barque de Dante Eugène Delacroix, 1822 huile sur toile 189 × 241 cm Musée du Louvre La Barque de Dante ou Dante et Virgile aux enfers est un des premiers tableaux d'Eugène Delacroix. Il l'expose au Salon de 1822 qui marquera son entrée officielle parmi les peintres. Bien que cette toile fût sujette à critique, l'état l'acquiert aussitôt. C'est dès cette période qu'Adolphe Thiers, jeune avocat et critique d'art, va devenir un fervent défenseur de l'œuvre de Delacroix. Il dira de lui après avoir vu cette toile: "M.Delacroix a reçu le génie"[1]. Il contribuera à la révélation du peintre Delacroix.
Les prémisses de son art
Cette toile annonce sans nul doute l'éclatante impétuosité de cet art tourmenté et lumineux que sera celui de Delacroix tout au long de sa vie. Si l'on perçoit dans le traitement des corps l'attachement à l'école classique, que Delacroix lui-même revendiquait, l'on y voit aussi toute la modernité que recèle cette œuvre. Elle est un subtil mélange des deux servant de passerelle entre l'art classique et l'art nouveau qu'allait devenir le Romantisme.
S'il est un thème prépondérant dans l'œuvre de Delacroix, c'est bien celui du combat. Pour Delacroix peindre même n'est que combat, un combat contre lui-même qu'il met en scène sans relâche. Cette première toile, du moins reconnue, en témoigne. Une barque prise d'assaut par les damnés, damnés se rejetant les uns les autres pour y accéder. Autre thème qui va compter dans la vie du jeune peintre, le thème du frêle esquif pris dans la tempête. Il reprendra ce thème plus tard dans Le naufrage de Dom Juan et diverses études de Le Christ sur le lac de Génésareth où le lac, ressemblant plus à une mer déchaînée, prendra entièrement le pas sur un ciel réduit à une mince bande en haut du tableau.
Note
- ↑ article du Constitutionnel de 1822 sur Delacroix et La Barque de Dante par Adolphe Thiers:
(CF.Qu'est-ce que le Romantisme? de Charles Baudelaire)
"Aucun tableau ne révèle mieux à mon avis l'avenir d'un grand peintre, que celui de M Delacroix, représentant le Dante et Virgile aux enfers. C'est là surtout qu'on peut remarquer ce jet de talent, cet élan de la supériorité naissante qui ranime les espérances un peu découragées par le mérite trop modéré de tout le reste."
"Le Dante et Virgile, conduits par Caron, traversent le fleuve infernal et fendent avec peine la foule qui se presse autour de leur barque pour y pénétrer. Le Dante, supposé vivant, a l'horrible teint des lieux ; Virgile, couronné d'un sombre laurier, a les couleurs de la mort. Les malheureux, condamnés à désirer éternellement la rive opposée, s'attachent à la barque : l'un l'a saisit en vain, et, renversé par un mouvement trop rapide, est replongé dans les eaux ; un autre l'embrasse et repousse avec les pieds ceux qui veulent aborder comme lui ; deux autres serrent avec les dents le bois qui leur échappe. Il y a là l'égoïsme de la détresse, le désespoir de l'enfer. Dans ce sujet, si voisin de l'exagération, on trouve cependant une sévérité de goût, une convenance locale, en quelque sorte, qui relève le dessin, auquel des juges sévères, mais peu avisés ici, pourraient reprocher de manquer de noblesse. Le pinceau est large et ferme, la couleur simple et vigoureuse, quoique un peu crue."
"L'auteur a, outre cette imagination poétique qui est commune au peintre comme à l'écrivain, cette imagination de l'art, qu'on pourrait appeler en quelque sorte l'imagination du dessin, et qui est tout autre que la précédente. Il jette ses figures, les groupe et les plie à volonté avec la hardiesse de Michel-Ange et la fécondité de Rubens. Je ne sais quel souvenir des grands artistes me saisit à l'aspect de ce tableau ; je retrouve cette puissance sauvage, ardente, mais naturelle, qui cède sans effort à son propre entraînement."
Je ne crois pas m'y tromper, M. Delacroix a reçu le génie ; qu'il avance avec assurance, qu'il se livre aux immenses travaux, condition indispensable du talent ; et ce qui doit lui donner plus de confiance encore, c'est que l'opinion que j'exprime ici sur son compte est celle de l'un des grands maîtres de l'école."
A. THIERS.
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