Jean Goulin

Jean Goulin

Jean Goulin, à Reims le 10 janvier 1728, mort à Paris le 11 floréal an VII (30 avril 1799), professeur dhistoire médicale à lÉcole de médecine de Paris, se distingua dans la littérature médicale.

Les parents de Jean Goulin étaient Denis Jean Goulin et Jeanne Jacqueline Émon (Émond).

Son père exerçait la profession de marchand mais il mourut très jeune et ne lui laissa point de fortune. Il fut donc élevé par sa mère qui lui permit détudier dans un collège catholique de Reims.

Comme il était très intelligent et travailleur, il fut toujours dans les premières places et obtint les meilleurs prix. Il eut aussi le bonheur détudier sous la conduite dun grand maître habile qui sest fait un nom dans la république des lettres, labbé Batteux, alors professeur déloquence au collège de Navarre dont Jean Goulin dira cependant, plus tard, quil était trop tourmenté par lambition pour se consacrer suffisamment à ces élèves.

Jean Goulin pris du goût pour la littérature notamment grecque et latine quil lisait dans le texte (Horace, Térence, Quintilien, ...) mais il avait de la peine à se familiariser avec les termes de la dialectique et avec les questions frivoles quon traitait à cette époque dans les manuels de philosophie.

Il revenait toujours à ses auteurs classiques, et avec eux à quelques autres ouvrages tels que "les caractères" de Jean de La Bruyère, les œuvres de Look et de Crouzas ou celle de Port-Royal.

Bien entendu, il sétait lié avec quelques jeunes gens de son âge, qui nétaient pas plus fortunés que lui et avec qui ils se divertissaient. Ainsi, chacun deux, à jour fixe, était chargé de réciter un certain nombre de vers latins ou grecs appris par cœur et traduits ce qui donnait lieu quelquefois, daprès Jean Goulin : "à des propos gaillards dont nous ne nous ne sentions nullement coupables, dailleurs nous ne savions pas encore quon pouvait être prêtre, curé, évêque, cardinal même, et avec tous ces titres, ne pas croire en Dieu ...".

Après ses deux années de philosophie, il fallut quil se déterminât au choix dun métier. Son excellente éducation le rendait propre à lexercice de toutes les professions qui exigent des études. Sa mère qui regardait létat ecclésiastique comme le refuge des valeurs morales désirait quil embrassât cet état mais Jean Goulin sy refusa : "en signant, jaurais agit contre mon bonheur et ma conscience".

A défaut, on lui fit entrevoir la noblesse et la dignité de la profession davocat : son goût ly portait volontiers mais cela représentait une dépense de plusieurs années à laquelle sa mère était hors détat de pourvoir. Il renonça donc à suivre cette carrière dans laquelle il fallait alors beaucoup semer avant de recueillir.

On soccupa cependant des moyens de linitier à cette activité en le plaçant chez un de ces officiers publics quon appelait "procureurs" et lon apprenait que trop souvent lart cruel de senrichir des dépouilles de la veuve et de lorphelin. On avait donc choisit un coryphée du parti janséniste chez lequel Jean Goulin devait apprendre les détours de la chicane. Mais larrestation de ce chef fit échouer des vues quon croyait permettre à Jean Goulin de mener à la fortune.

Létat de médecin lui aurait beaucoup plu mais ses études exigeaient à peu près les mêmes dépenses que celles davocat, on se tourna donc du côté des fermiers généraux et comme il navait pas encore lâge requis pour être reçu commis aux aides, on le plaça en attendant chez un homme de loi qui soccupait principalement de ces sortes daffaires.

Voila donc un jeune homme qui savait par cœur les auteurs grecs et latins occupés à rédiger des exploits et des procédures. Mais liniquité des commis, leurs exactions atroces dont il trouvait la preuve même dans leurs procès-verbaux, révoltèrent tellement Jean Goulin quil quitta brusquement ses fonctions.

Sa mère, douée de sentiments élevés, et qui navait consenti à le voir ainsi placé quà défaut dautres ressources, lui permit de chercher une occupation plus analogue à sa probité et à ses connaissances. Jean Goulin imagina donc davoir recours à son ancien professeur de collège : labbé Batteux. Il lui écrivit en lui demandant une place dinstituteur dans quelques collèges ou pensions. Après un premier refus, il insista une seconde fois et peu de temps après il lui trouva une place de répétiteur chez un maître de pension, avec les modiques appointements de 100 francs par an.

Jean Goulin accepta cette proposition et entra dans cette fonction le 26 mars 1747 ; il avait alors 19 ans...!

Il y avait six mois quil partageait son temps entre les devoirs de la place et ses études favorites des auteurs classiques, lorsque réfléchissant sur la profession quil voulait définitivement embrasser, il tourna ses vues du côté de la médecine quil crut pouvoir apprendre en même temps quil se consacrait à léducation. La médecine ne lui était, dailleurs, pas tout à fait étrangère, car il avait déjà composé un vocabulaire grec, latin et Français de tous les termes médicaux quil avait rencontrés dans ses lectures.

En vain, labbé Batteux, à qui il communiqua cette idée, voulut-il len détourner car il le destinait au séminaire. Mais Jean Goulin préféra se brouiller avec lui plutôt que de renoncer à son projet et il se mit à létude de cette science.

Pendant quil sy adonnait avec ardeur à la Médecine, un affront injuste quil essuya, une fausse accusation portée contre lui, un traitement indigne de la part du maître chez lequel il demeurait en qualité dinstituteur le plongea dans un délire mélancolique et le détermina à choisir la voie des ordres monastiques.

Il avait un oncle bénédictin à la basilique Saint-Denis, il alla le trouver et lui fit part de son projet quil regardait comme une inspiration du ciel et dont rien ne pouvait le détourner. Le religieux prudent, après lavoir écouté tranquillement lui répondit : "vous nêtes pas fait pour vivre dans un cloître, vous vous repentiriez de votre démarche" "Allez trouver Dom Fouquet que vous connaissez et qui est ici, voyez-le, parlez-lui, contez-lui vos chagrins et suivez son avis".

Il y alla, et Dom Fouquet lécouta, lui conseilla de retourner à Paris, dy chercher une place et de revenir le voir dans six mois, sil était dans les mêmes sentiments.

Jean Goulin nétait déjà pas encore de retour à Paris quil ne songeait plus à létat monacal pour lequel quatre heures auparavant il croyait avoir une vocation marquée.

Peu de temps après, un de ses anciens camarades lui procura une nouvelle place de répétiteur chez un maître de pension dont il trace un portrait affreux et quil appelle le "Gorgilius Plagosus" dHorace. Voici pourtant un trait de caractère de ce maître qui prouve quil avait des sentiments et quil savait apprécier le mérite.

Dans une de ses brusqueries ordinaires, il savisa un jour dappeler Jean Goulin "bête" devant ses écoliers qui en rirent. "Ce rire", lui dit Jean Goulin, "est la satire de votre injure et la preuve de lavilissement de létat que jexerce, profitez de la leçon.".

Le maître en profita réellement car il le fit venir chez lui, lui fit des excuses et le regarda depuis comme un autre lui-même, au point quil lui confia sa maison et toutes ses affaires pendant un voyage dun mois quil fit dans on pays dorigine.

Malgré la vie dure quil menait et quoiquil fût obligé de sacrifier une partie de la nuit à ses études, Jean Goulin resta 18 mois dans cette pension. Ayant atteint 22 ans, âge il lui semblait quil du jouir de la plus brillante santé, il se sentit tout à-coup affaissé et perdit lappétit. Sa digestion devint pénible et bientôt nulle. A peine pouvait-il se tenir se soutenir sur ses jambes. Il dépérissait à vue dœil, sans doute triste et funeste effet de ses veilles et études trop longtemps prolongées.

Mais au moyen du repos et surtout de la cessation du travail desprit, il parvint à se rétablir et entra dans une autre pension il resta deux années avant de la quitter pour être tout à fait libre en donnant des leçons en ville à des écoliers que ses connaissances et amis lui procurèrent.

En 1753 (il a 25 ans), une personne qui sintéressait à son sort, sollicita pour lui une place quil aurait pu remplir sans cesser ses études de médecine, il ne fallait pour cela quun mot de labbé Batteux qui lui refusa cette recommandation. Il neut donc pas cette place. Cette anecdote explique sans doute les sentiments amers de Jean Goulin envers son ancien protecteur.

Jean Goulin employa les hivers 1753, 1754 et 1755 à létude de lanatomie dans lamphithéâtre du docteur Ferrein de la Faculté de Médecine et à celle du Jardin des Plantes. Il suivait, en même temps, avec exactitude, les cours de lHôtel-Dieu. Il y fut attaqué dune galle opiniâtre et suppurante qui lobligea à garder la chambre pendant six semaines et lui fit perdre toutes les répétitions quil avait en ville. Il fit alors un voyage à Reims pour chercher de laide mais les soutiens sur lesquels il comptait lui ayant manqué, il fut forcé de vendre sa bibliothèque composée de 500 à 600 volumes ! Ne conservant que ceux relatifs à la médecine. Il se défit aussi peu à peu de ses autres meubles et effets. Il renonça enfin au projet quil avait formé dentrer en licence dans la Faculté de Médecine de Paris.

Il semblerait cependant quil se fit recevoir plus tard docteur dans une autre faculté puisque dans une lettre sur Hecquet insérée dans le journal de médecine de 1762, il prend le titre de docteur en médecine. Mais cette question nest pas vraiment éclaircie car le médecin De Villiers a écrit dans un de ses livres : « Jean Goulin qui se dit docteur et médecin, et ne lest pas… ».

Cependant, cette dernière affirmation de De Villiers est démentie par un ouvrage récent paru en 1997 à Oxford : "The Medical World of Eighteenth-Century France" dans lequel deux historiens de la médecine, les professeurs Colin Jones et Laurence Brockliss indiquent (p. 563, note 42) que Jean Goulin a écrit un journal dobservations hospitalières entre 1754 et 1755 (conservé à la Bibliothèque municipale de Reims (MS 1073) ; lexistence de ce journal permettant de penser que Jean Goulin a passé son doctorat de médecine à la faculté de Reims.

Rappelons, que pendant lAncien Régime, les jeunes médecins sans fortune ne pouvaient pas sinscrire à la Faculté de Médecine de Paris car le coût dentrée y était très élevé. Or sans doctorat délivré par la Faculté de Paris, personne ne pouvait pratiquer la médecine dans cette ville et ses faubourgs. Cest probablement pour cette raison que Jean Goulin na jamais pratiqué la médecine dans la Capitale avant la Révolution et a se limiter à la publication douvrages médicinaux.

En 1756, Jean Goulin a pu enfin retrouver une place de précepteur dans une famille qui lui procura 600 livres dhonoraires et le tira de la misère il était. Il donna en même temps des leçons de latin à une personne aisée qui le récompensa bien.

En 1757, il traduisit la thèse de Falconet sur lappareil latéral, inséré dans le second volume de la collection des thèses donnée par Macquart en 1759. Puis en 1758, il fit de même pour la dissertation de Castell sur "linsensibilité des tendons, des ligaments, du périoste et du péricrâne".

En 1760, il participa à la révision du dictionnaire des rimes de Richelet.

Le bénéfice quil retira de ces différents travaux, joint à ses appointements de précepteur fit quà la fin de lannée 1760, il avait retrouvé une certaine opulence et cru pouvoir recouvrer sa liberté en renonçant à son état de précepteur qui lui déplaisait tellement au point quil répétait souvent que sil avait un fils dont il fut mécontent, il le punirait en lobligeant à embrasser cet profession.

Ce nest pas que Jean Goulin cru quun homme savilissait en instruisant les autres ; il regardait au contraire comme très honnête cette fonction, mais il était indigné du peu de considérations quon accordait, dans nombres de maisons, à cette personne, quon regardait, tout au plus, comme un premier domestique.

En 1760, redevenu libre à lâge de 34 ans, Jean Goulin commença à travailler en littérature avec intérêt et assez lucrativement pour vivre sans autre ressource.

"Mon travail", dit-il "maurait procuré une honnête aisance si ma bonne foi, mon désintéressement navaient réduit de beaucoup le fruit de mes veilles. Jai fait beaucoup daffaires avec les libraires ; très peu ont rempli envers moi leurs engagements. Tous ensemble ou séparément mont frustré de près de 20 000 livres en quinze ans." (sur cette question lauteur de cette biographie considère que Jean Goulin est certainement injuste vis-à-vis des libraires parisiens de lépoque).

En 1761, Jean Goulin révisa louvrage intitulé lAgronome qui étaient tiré de celui intitulé Manuel des Dames de la Charité.

Jusquen 1762, il rédigea les Annales typographiques concurremment avec ROUX et DARCET ; la même année il fit la révision de labrégé du dictionnaire de Trévoux et participa à la rédaction du Dictionnaire domestique portatif de cuisine, doffice et de distillation depuis la page 285 du premier volume jusquà la fin et pour les trois premiers du 2e volume.

En 1762, il effectua également la révision de louvrage lImitation de J.C. rédigée par le Père Morel.

En 1763, il abandonna la rédaction de louvrage culinaire quil avait commencé et il rendit au libraire Vincent le traité fait entre Aubert de la Chesnay des Bois, Auguste ROUX et lui-même. Cet abandon se traduisit pour Jean Goulin par plusieurs tracasseries quil eut avec Aubert de la Chesnay Des Bois quil maltraite fort à ce sujet (à tort ou à raison).

Le troisième volume de ce dictionnaire a paru en 1764. A titre anecdotique, signalons que cet ouvrage (2 volumes édités à Paris : Chez Vincent, 1767. 8vo. Contemporary calf. xvi,. [Vicaire, columns 276-277 ; Maggs, 277] ) a été adjugé $475.00 dans une vente spécialisée aux USA en 1999.

En 1766, il épousa la fille cadette de lopticien PARIS, mort avant ce mariage, (Jean Goulin vivait avec cette famille PARIS depuis 1752).

Les nombreux détails que Jean Goulin rapporte, dans ses mémoires, au sujet de son épouse quoique vraisemblables sont tout à fait romanesques.

Adonné tout entier aux travaux décriture, travaillant jusquà seize à dix-huit heures par jour, Jean Goulin passa cependant les premières années de son mariage avec juste assez de revenus pour vivre sans même pouvoir rien économiser.

En 1771, Guettard lui fit proposer une place de médecin auprès dun comte Palatin, parent du roi de Pologne ; il la refusa !

Lannée suivante, il avait 44 ans, il perdit sa femme dont il avait eu deux enfants morts en bas-âge.

Cette perte lui fut très sensible ; il se retrouva isolé, abandonné de ses parents, réduit à chercher une consolation dans ses livres et dans son travail. En outre, chargé de près de mille écus de dettes quil ignorait (?), il perdit encore, peu après, 2000 francs que lui devaient deux particuliers et au paiement desquels il ne put les contraindre à défaut de titres valides.

Les années 1773 et 1774 furent donc très dures pour Jean Goulin. « Le fainéant qui par choix exerce le vil métier de mendiant était », dit-il « plus sûr de ses ressources que moi dans ces années désastreuses ».

En 1775, il a fait publier louvrage qui lui a acquis le plus dhonneur et qui la fait connaître comme un des plus savants et des plus habiles bibliographes en anatomie, médecine et chirurgie de son temps. Cet ouvrage intitulé : Mémoires Littéraires, Critiques, Philosophiques, Biographiques et Bibliographiques pour servir lHistoire ancienne et moderne de la Médecine lui mérita les plus grands éloges dans tous les journaux et son association au collège de médecine de Nancy.

Malheureusement, le goût pour la littérature ancienne, surtout médicale, nétait pas alors plus ardent quil ne lest aujourdhui. Aussi, le libraire, faute dun nombre suffisant de souscripteurs, se vit-il forcé, la seconde année dabandonner lédition de cet ouvrage ambitieux.

Mais Jean Goulin voulut le forcer à remplir ses engagements et finir la seconde année. Pour ce faire, il fit le sacrifice de ses honoraires (480 francs) et engagea un procès contre le libraire quil gagna et ce dernier dut imprimer les douze feuillets du second volume déjà livrés par Jean Goulin. Mais cette publication sarrêtera

En 1777, les divers travaux littéraires menés par Jean Goulin ne lui étant pas été très lucratifs, il vendit à G... de F.... sa bibliothèque composée denviron 3600 volumes contre une rente viagère de 600 livres (il sétait cependant réservé le droit den jouir le reste de sa vie).

En 1780, Jean Goulin ne pouvant résister aux instances réitérées de G... de F.... vint sinstaller chez lui avec sa bibliothèque.

Deux ans plus tard, lorsquil eut pris la résolution de se retirer dans le village de Mennecy-Villeroy, G... de F ... se fâcha et Jean Goulin décida de renoncer à son droit de jouissance sur la bibliothèque. Plus tard en 1790, aura un nouveau un litige avec G... de F.... qui considérera que tous les livres acquis par Jean Goulin depuis 1782 lui appartiennent également. Ce litige sera résolu par le versement dune somme de 780 francs correspondant à la retenue des vingtièmes (Impôt sur le revenu de lépoque).

En 1782, Jean Goulin, âgé de 52 ans, se trouva réduit à la rente viagère de F... de G..... car dans le même temps il avait cessé de travailler au Journal de la Médecine qui lui rapportait pourtant aussi près de 600 francs par an. Dans sa détresse, il prit le parti de vivre jusquà la fin de ses jours à Mennecy-Villeroy mais ne pouvant plus, à cause de la perte de ses livres, se consacrer à ses anciennes études, il en imagina dapprendre larabe, afin de lire, dans le texte original, les auteurs, comme Avicenne, dont la traduction latine est inintelligible.

Vers la fin de novembre 1783, Jean Goulin quitta Mennecy pour se fixer à nouveau à Paris et travailler, en léchange de 480 francs par an, comme journaliste littéraire avec labbé de Fontenai aux Affiches de Province, revue dont ce dernier était propriétaire et principal rédacteur.

En 1784, Jean Goulin déçu par son entourage écrira : « Dans tous les temps on ne sest guère avancé quavec des protections, en sintriguant, en sagitant, en faisant humblement sa cour aux gens supérieurs, en caressant bassement leurs valets, en se montrant souple et rampant. Cest par ces voies adroitement ménagées quon obtient des grâces, des places, des pensions. Lhomme honnête qui ne veut pas employer ces voies reste inconnu et vit en paix dans son étroit réduit mais aussi, sa conscience ne lui reproche aucune démarche dont il puisse rougir ».

Jusquen décembre 1787, Jean Goulin travailla pour le journal littéraire Les Affiches de Province mais nayant reçut pour toute cette période que 408 francs, il le quitta : « ne voulant être plus longtemps la dupe de cet ex-jésuite quest labbé de Fontenay ... » (En contrepartie, cependant, il retira de ce travail la reconstitution de sa bibliothèque puisquil avait été convenu quil gardait tous les livres dont il rédigeait des notices.

Cest dans le courant de lannée 1785 que Vic-dAzyr lui proposera pour la première fois de rédiger pour lEncyclopédie la biographie des anciens médecins, mais ce nest quen 1789 que Jean Goulin sest entièrement consacré à ce travail.

Le 11 avril 1789, Panckoucke vint le trouver. Il lui lut un projet darrangement quil avait rédigé pour accélérer la publication des articles médicinaux de lEncyclopédie. Projet quil avait lintention de soumettre à lexamen des auteurs de ces articles et de faire signer par chacun deux. En effet, Vic dAzyr avait décidé dabandonner cette responsabilité que ces grandes occupations ne lui permettaient plus dassurer et il avait jeté les yeux sur Jean Goulin quil croyait seul en état de remplir cette tâche.

Ce dernier naccepta quà condition dêtre approuvé par la grande pluralité des suffrages de lassemblée des auteurs. Lassemblée eut lieu le jour même et Vic dAzyr annonça sa décision dabandonner sa charge déditeur et proposa Jean Goulin. Tout le monde applaudi et dune voix unanime il fut choisi pour le remplacer.

Il semblait que quil ny avait plus à revenir sur ce choix, lorsque le 1er juin suivant, Jean Goulin reçu un billet qui lui annonçait une nouvelle assemblée pour le quatre juin chez Vicq dAzyr car une partie des auteurs souhaitaient que ce dernier reprenne sa place.

Suite à une nouvelle rencontre avec Panckoucke, Jean Goulin proposa à linstant de donner sa démission malgré la proposition de Vic dAzyr dêtre coéditeur avec lui. "je ne le veux, ni le peux" répliqua Jean Goulin et ils se quittèrent fâchés.

Jean Goulin nalla pas à lassemblée, mais il su quon navait rien décidé. Finalement le 16 juin, Jean Goulin accepta finalement dêtre coéditeur avec Vic dAzyr, aux conditions suivantes : leurs noms apparaîtraient sur chaque volume et ils partageraient les honoraires.

En 1790, il fut admis dans un club des amis de la constitution les Nomophiles, dont il fut le premier secrétaire. Mais, cette société il resta peu, nétait quune plate singerie du fameux club des Jacobins.

Au mois de septembre de la même année, dans une conversation que Jean Goulin eut avec Vicq DAzyr membre éminent de la société de Médecine, celui-ci lui dit quil avait eu beaucoup de peine, depuis quelque temps à faire agréer un nouveau règlement par la société. Enfin ajoute-t-il : "il y aura 48 membres dont 40 médecins et huit autres pris dans des classes analogues". Alors Jean Goulin lui dit avec vivacité : "Et bien, je vous demande instamment la première place parmi ces huit, pour ...". En disant cela il vit bien la mine de Vic dAzyr qui cru quil parlait pour lui-même et repris : "je ne hasarde point en ma faveur des demandes indiscrètes dun ton aussi décidé. Je vous demande cette place pour M. Huzard". Et Vicq DAzyr convint que cet habile vétérinaire serait pour la société dune grande utilité.

Larticle de lEncyclopédie qui fait le plus dhonneur à Jean Goulin est celui intitulé : "Anciens Médecins" qui a été imprimé en 1791. Ce travail qui consistait à présenter les principaux médecins suivant le temps ils avaient brillé, lui coûta beaucoup de peine. "Vingt fois" dit-il "je fus prêt à renoncer à ce pénible ouvrage". Mais il le finit le 30 juin 1790 après six mois de travail assidu.

Le 17 thermidor an I (4 août 1793) une carte de sûreté a été établie à son nom (Cote: 152324 - Carton: F7/4807 - No: 0032), il habitait alors 477 Rue de la Harpe; il était anciennement domicilié rue des petites écuries.

En pluviôse de lan III, Jean Goulin apprit quau comité dInstruction Publique on lavait proposé pour être porté sur le régime des gratifications comme homme de lettres et que le comité paraissait favorablement disposé à son égard. Un de ses membres lassura même lorsquil se présenta au comité avec un mémoire à ce sujet quil était de ceux qui avaient mérité, par son travail, les regards de la Convention et que son mémoire aurait son effet. Le malheur qui a souvent poursuivi Jean Goulin, fit que cet effet neu pas lieu ce qui lui ôta encore une ressource sur laquelle il estimait devoir compter.

Dans la même année, il postula pour une place demployé dans un dépôt littéraire National (il était âgé de 68 ans !). Il était pour ainsi dire sans pain : "Il faudra dire bientôt que je meure de faim. Je saurais mourir mais il est certain que je ne pourrais payer les quatre francs quon me demande pour me garder". Mais cette fois il obtint ce quil demandait et entra au dépôt de la rue Antoine. Il y fut très gracieusement accueilli par le citoyen Ameilhon, qui avait alors la garde de ce lieu.

Personne nétait plus assidu au travail que Jean Goulin. En vingt jours, il a fait sur des fiches plus de 1500 inscriptions douvrages grecs et latins (Je lai vu, lorsque je faisais des recherches dans ce dépôt, ne pas quitter un moment louvrage et occupé constamment à remplir ses devoirs).

Cette même année, une espèce de fortune (suivant sa propre expression) survint car il fut nommé, le 2 Messidor an III, professeur dHistoire de la Médecine à la faculté de Paris. Rappelons que, par le passé, il avait essuyé un refus pour le poste de responsable de la bibliothèque de cette même école du fait de son grand âge.

"Il y a" dit Jean Goulin, quand il reçut cette nouvelle : "certaines choses que jignore relativement à cette place, mais ce que ne jignore pas, cest quil faut la remplir avec honneur, avec exactitude et avec zèle. ... Je dois donc dès ce moment rassembler toutes mes idées, tout ce que jai de forces encore existantes pour répondre à la confiance quon a en moi. Ce qui me rassure, cest que je vais parcourir une carrière dont je me suis frayé à moi-même le chemin".

A partir de 1794, il y eut de nouveaux arrangements concernant la parution de lEncyclopédie médicale, Jean Goulin est devenu éditeur des volumes impairs et le professeur MAHON (spécialiste de la médecine légale) des volumes pairs.

Jean Goulin commença son premier cours à la faculté de Médecine de Paris le 4 Messidor de lan IV avec beaucoup dexactitude et de désintéressement. Ainsi, un jour, sétant trompé sur lheure et nayant plus trouvé délèves lorsquil arriva, il était au désespoir et le citoyen Thouret quil rencontra et à qui il fit part de son chagrin, ne put le consoler et Jean Goulin répétait : "ma faute est dautant plus grave, quelle est irréparable...".

Il ne réalisa que trois sessions annuelles à la faculté de Médecine de Paris, car, alors quil se disposait à commencer son quatrième cours (après lavoir revu et enrichi comme à son habitude) la mort le surpris le 11 floréal an VII (30 avril 1799) à lâge de 71 ans, après une maladie soporeuse qui avait duré 5 jours.

Jean Goulin, après sa mort, fut loué comme un des bienfaiteurs de la Bibliothèque nationale car il y avait déposé une vingtaine douvrages rares qui ne sy trouvaient pas.

Dans toute sa vie, il sen est toujours tenu à une grande rigueur morale. Ainsi lorsquil était journaliste littéraire, quel que fût lavantage quon lui proposa, tout manuscrit qui portait la livrée du charlatanisme était renvoyé à lauteur à qui il faisait dire quune semblable ressource pour gagner de largent avilissait celui qui sen servait. De même, dans les journaux auxquels il a travaillé, na-t-il jamais voulu faire la moindre annonce qui put laisser croire quil était payé pour prôner un remède quon voulait accréditer.

Soit dans sa mise extérieure, soit dans ses manières et son langage, Jean Goulin était très simple et très uni. Par ailleurs, son esprit était tellement rempli de ses préoccupations littéraires quil se livrait moins quun autre aux distractions ordinaires de la vie.

Par ailleurs, le désordre qui régnait dans la chambre quil occupait habituellement, le mélange dobjets tout à fait disparates quon y trouvait, annonçaient quil ny avait dordre que dans ses idées et dans ses livres.

Lorsquil cherchait linterprétation dun passage grec ou latin et quil était longtemps sans en trouver une qui lui convint, il se mettait au lit, fût-ce en plein midi, et , dans un calme parfait, tout entier à la méditation, il passait un, deux ou trois jours, excepté le temps des repas et du sommeil, dans un travail continuel jusquà ce quune interprétation convenable soffrit à sa pensée.

Il fut membre des anciennes académies de La Rochelle, Angers, Nîmes, Lyon, Caen, Toulouse, Villefranche et Châlons-sur-Marne ; de la Société patriotique de Hesse-Hombourg dont il fut à Paris secrétaire général et de celle des Antiquités de Cassel. La société médicale démulation la aussi admis dans son sein le 5 fructidor de lan VI (peu de temps avant sa mort).

La Révolution trouva en Jean Goulin un partisan dautant plus chaud quil la désirait depuis longtemps et quil lavait presque prédite. Car à la tête du premier dun de ces premiers volumes (édité en 1783) on lit (écrit de sa main: Jean Goulin à Reims le 10 janvier 1728, républicain depuis plus de trente-cinq ans.

Ses défauts tenaient à lâpreté de son caractère. On le trouvait aigre dans la dispute, prompt à lattaque, dur à la réplique, ardent à contredire, tranchant dans la discussion et obstiné dans lassertion. Si on remonte à la source de ses défauts, on verra quils partaient dun bon principe : il sindignait de linjustice des hommes jusque dans la distribution de la renommée et des récompenses. Il sindignait aussi lorsquil voyait le nouvel initié parvenir à la place due au savant laborieux ou quand il voyait les "brigues" lemporter sur le vrai mérite.

Quoiquil vécût habituellement plutôt dans la détresse que dans laisance, il paraissait toujours content. "Je ne possède" disait-il "ni terre, ni pré, ni maisons, ce dénuement ne me rend point malheureux parce que je nai jamais soupiré après les richesses."

Bon, humain, plein de probité et de désintéressement, il fut et demeura constamment jusquà sa mort lami de plusieurs gens de lettres qui rendaient justice à ses grandes connaissances littéraires et dont la plupart, plaignant sa destinée malheureuse, cherchaient, par toutes sortes de moyens, à ladoucir.

Ce quil y a de singulier, cest que le journal de sa vie est plein de petites minuties et est mélangé de vers grecs ou latins analogues au trait quil rapporte ou au sujet dont il parle.

Les derniers jours de Jean Goulin furent celles de lhomme paisible, vivant dans la retraite, presque sans communication avec les hommes quil croyait toujours prêts à le tromper.

Tels sont, les quelques traits de la vie très riche de Jean Goulin, dont jai puisé les détails épars dans cinq à six gros volumes il marquait jour par jour et presque heure par heure tout ce quil disait, faisait ou écrivait, tout ce qui lui arrivait en bien ou en mal, tout ce qui se passait sous ses yeux, pendant le cours de la journée et même pendant la nuit lorsquil ne dormait pas ...

Sources

  • Cet article contient tout ou partie d'un document provenant du site La vie rémoise.
  • Pierre Sue, Mémoire historique, littéraire et critique sur la vie et les outrages de Jean Goulin, Éditions Paris, Blanchon, 1800
  • Nicolas Toussaint Le Moyne des Essarts, Les siècles littéraires de la France, ou Nouveau dictionnaire de tous les écrivains français

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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Jean Goulin de Wikipédia en français (auteurs)

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