- Industrie Culturelle
-
Industrie culturelle
En économie, le concept d' industrie culturelle désigne l'ensemble des entreprises produisant selon des méthodes industrielles des biens dont l'essentiel de la valeur tient dans leur contenu symbolique : livre, musique, cinéma, télévision, radio, jeux vidéo, tourisme de masse.
En philosophie (esthétique) et en sociologie de la culture d'abord, puis en sciences de l'information et de la communication, la notion d'industrie culturelle, première traduction en français de l'expression allemande Kulturindustrie (T.W. Adorno et Max Horkheimer), a une dimension critique et a ouvert un champ interdisciplinaire où sont interrogées la vision et l'instrumentalisation de la culture populaire -industrialisée- des médias et des grands groupes de communication.
Sommaire
Philosophie
Article connexe : Dialectique de la Raison.La notion d'industrie culturelle a été forgée par Adorno et Max Horkheimer, deux membres fondateurs de l'École de Francfort. Ils estimaient que la notion de « culture de masse », qu'ils héritaient d'Elias Canetti, n'était guère apte à décrire la nouvelle donne. La théorie de l'industrialisation de la production culturelle a été élaborée dans la Dialectique de la Raison, ouvrage dans lequel ils affirment que la diffusion massive de la culture met en péril la véritable création artistique. La Dialectique a été publié en 1947 chez un éditeur hollandais, et a été écrit durant l'exil de Horkheimer et Adorno dans l'État de Californie aux États-Unis.
La thèse d'Adorno est que le monde entier est structuré par l’industrie culturelle (la culture de masse), laquelle est un système formé par le film, la radio, la presse, la télévision. L'industrie culturelle tend non pas à l’émancipation ou à la libération de l’individu, mais au contraire à une uniformisation de ses modes de vie et à la domination d’une logique économique et d’un pouvoir autoritaire. C'est en cela que l'industrie culturelle participe d'une anti-Aufklärung. Le phénomène ne concerne pas seulement les pays totalitaires, mais également les autres pays, à commencer par les sociétés libérales.
Il y a une unité de la civilisation de masse, qui est dirigée d'en haut par un pouvoir économique qui dépasse celui de l’industrie culturelle et exerce sur elle son emprise. Il n’y a pas de différence de nature entre la propagande et l’industrie culturelle : la technique est la même. Le consommateur est considéré seulement comme client et comme employé, soit comme matériel statistique (comme un moyen et non comme une fin).
La « culture » propagée par l’industrie culturelle n’est pas quelque chose d’extérieur à l’existence de l’individu. Elle semble concerner uniquement ce qui relève du loisir ou du divertissement, mais c’est là qu’elle exerce en réalité son emprise la plus forte. On croit échapper dans le divertissement au processus de travail, mais en réalité, c’est dans le divertissement que l'individu est préparé et discipliné par l'industrie culturelle pour l’affronter. Les carrières des professions libérales sont déterminées par l’appartenance à la "culture" plus encore que par les savoirs techniques, car c’est dans la "culture" que se manifeste l’allégeance au pouvoir et à la hiérarchie sociale. S’amuser, c’est donc être en accord avec la société.
Le système de l’industrie culturelle marginalise, au contraire, ceux qui refusent cette uniformisation. Le pauvre est l’exclu par excellence du système. La logique est que nul ne doit avoir faim ou froid sous peine d’être menacé du camp de concentration. Bien que l’art se trouve également en dehors du système a priori, il n’échappe pas en fait à la logique de l’industrie culturelle, et se reconnaît même en elle comme un objet de consommation. En réalité, les individus sont imprégnés jusque dans leur langage, dans leurs gestes, dans leurs émotions les plus intimes par le pouvoir de l’industrie culturelle. Les consommateurs sont contraints de devenir non des sujets mais des produits.
Sciences de l'information et de la communication - champ des industries culturelles
La contribution des sciences de l'information et de la communication, en tant qu'interdiscipline, au champ des industries culturelles, consiste, entre autres, à mettre en évidence l'actualité du faux débat démagogique entre art populaire et art savant instauré par les médias et les grands groupes de communication. Theodor W. Adorno a ainsi problématisé une « coupure esthétique » aux niveaux philosophique, sociologique et économique entre, par exemple, musique populaire (liée à l'industrie du disque) et musique savante. On peut vérifier cet aspect interdisciplinaire dans sa conférence en français (à écouter en lien externe à cet article) et lire « Sur la musique populaire » traduit tardivement en français dans le numéro spécial « Jazz » de la Revue d'esthétique, revue où collaborent les principaux traducteurs français de l'école de Francfort. Cette critique interdisplinaire a été initiée dans l'essai Kulturindustrie co-écrit avec Max Horkheimer et traduit en français par La Production industrielle de biens culturels dans La Dialectique de la raison.
Économie des industries culturelles
Notes et références
Bibliographie
- Voir l'article de Bernard Stiegler dans Le Monde Diplomatique de juin 2004, Le désir asphyxié, ou comment l’industrie culturelle détruit l’individu ; nouv. éd. dans La fabrique du conformisme : Divertissement, consommation, management, sous la dir. de Mona Chollet, Paris, décembre 2007-janvier 2008 (Manière de voir, 96) (ISSN 1241-6290).
Liens externes
- (fr) Conférence sur l'industrie culturelle prononcée en français par Theodor W. Adorno pour l'université radiophonique internationale (1963) [1].
- Portail de la philosophie
- Portail de la sociologie
Catégories : Analyse artistique | Économie de la culture | Esthétique | Industrie culturelle
Wikimedia Foundation. 2010.