Georges-Elia Sarfati

Georges-Elia Sarfati
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Georges-Elia Sarfati (né en 1957) est un philosophe, linguiste et poète franco-israélien d’expression française.

Professeur des Universités, Directeur de recherche associé à l’Université de la Sorbonne-Paris IV (Sens, Texte, Histoire), collaborateur au Petit Robert des Noms Propres, membre du comité de rédaction de la revue Controverses.

Il a introduit en sciences du langage la question philosophique et anthropologique du sens commun. Sa réflexion, qui intéresse différentes disciplines, s’exprime notamment à partir de la théorie du langage.

Sommaire

Domaines

Analyse philosophique

C’est sous les formes du discours que les objets de culture se proposent à la pensée. Aussi l’activité intellectuelle s’exerce-t-elle avant tout sur des signes et des univers de signes. Dès lors, la tâche de la philosophie consiste-t-elle à s’emparer de ces objets pour en éclairer, en élucider ou en caractériser autrement le sens. Méthode d’analyse, davantage que doctrine ou système constitué, cette pratique se comprend d’abord comme critique des discours. Le principe d’une « phénoménologie linguistique » (J.-L.Austin) est alors redéfini selon les exigences d’une analytique du sens commun qui se développe notamment à l’endroit des formations de doxa (opinion). Dans cette perspective, l’instance du logos ne se réduit pas à l’abstraction du concept, elle s’ouvre à la différence idiomatique dans laquelle s’énonce ce qui fait question.

C’est à partir de l’expérience précoce de l’antijudaïsme culturel que s’est d’abord posé le problème de l’efficacité symbolique du normatif. Georges-Elia Sarfati distingue le phénomène du judéocentrisme négatif comme le principe invariant du narratif contemporain, y compris de la contre-narration post-moderniste. Le signe juif est affecté au prisme des discours dominants d’un coefficient de valeur négative. Ce dernier fait irrémédiablement retour dans la « logosphère » -notamment médiatique- comme révélateur d’une contestation radicale de « l’humanité de l’homme » (Lévinas).

Plusieurs ouvrages marquent les etapes d’une réflexion en cours qui prend acte de l’épreuve du négatif, comprise comme partie intégrante d’un principe d’identité collective, pour culminer dans la thématisation contemporaine d’une tradition de sens singulièrement méconnue, ouvertement caricaturée ou controuvée.

La rencontre, l’enseignement et la lecture de penseurs et d’auteurs aussi différents que Gaston Bouthoul, Claude Tresmontant, Jean-Pierre Faye, Emmanuel Lévinas, Yeshayahu Leibowitz, Arnold Mandel, Léon Poliakov, Shmuel Trigano ont compté au nombre des influences intellectuelles majeures qui ont contribué, dans ce domaine, à la genèse de sa réflexion.

Linguistique

Pour Georges-Elia Sarfati, la prise en compte du paramètre discursif est de toute importance pour la compréhension des pratiques humaines. Le discours constitue un biais d’accès privilégié qu’il s’agit de délimiter et d’ensuite analyser pour saisir l’organisation des suites d’action, des stratégies d’influence, voire du façonnement de l’opinion comme celui de la dynamique des mentalités et des savoirs. Après des études de lettres (Paris IV), de sociologie (Paris V) et de philosophie (Paris IV, Paris X et Archives Husserl), marquées par l’enseignement de la phénoménologie, de la philosophie de la praxis et de la philosophie analytique, G.-E. Sarfati a étudié la linguistique à l’Université de la Sorbonne. Il a d’abord consacré ses premières recherches à des travaux de grammaire historique et comparée marqués par les conceptions de la psychomécanique du langage de Gustave Guillaume.

A l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, où il a été l’un des élèves de Oswald Ducrot, il a soutenu une thèse de doctorat intitulée : Pragmatique et lexicographie : Le statut de l’aspect pragmatique du langage dans les dictionnaires de langue française (1989). Cette recherche a notamment permis de mettre au jour les présupposés théoriques des dictionnaires monolingues et plurilingues. Sarfati a notamment montré que la tradition lexicographique, en dépit des apports du Cours de linguistique générale de Ferdinand de Saussure, obéit au postulat de l’ontologie représentationaliste (postulat selon lequel la langue est un instrument de représentation du sujet comme du monde).

Cette démonstration établit, en outre, que sous l’effet de discours de la philosophie classique, le schème représentationaliste constitue le « sens commun linguistique » en « idéologie » distinctive de toute compréhension courante du langage. L’introduction de la perspective pragmatique (théorie des actes de language, théorie de l’argumentation, théorie systémique, etc.) trouve de nombreuses applications :

  • Elle conduit d’abord à produire un nouveau concept de dictionnaire, puisque la dimension

dénotative du lexique s’enrichit d’une conception énonciative de l’usage linguistique.

  • Elle constitue ensuite un jalon indispensable à la délimitation d’une notion

spécifiquement linguistique du sens commun.

Si la première ouvre sur la possibilité d’une nouvelle lexicographie en prise directe sur l’aspect pragmatique du lexique, ainsi que sur la réévaluation terminologique de la métalexicographie, la seconde pose les jalons d’une analyse thématique du discours lexicographique (attentive à la formation historico-culturelle des différentes doxa).

Par la suite, G.-E.Sarfati a pris ses distances avec les perspectives de l’Ecole Française d’Analyse du discours – marquée par sa trop grande dépendance à l’égard des théories philosophiques du discours.

En effet, tandis que la théorie de l’idéologie (Louis Althusser) pèche par l’absence d’une théorie sémantique des idéologies, la théorie des pratiques discursives (Michel Foucault) laisse pendante la dimension du texte. Quant à l’analyse des dispositifs normatifs investis dans les praxis, les deux modèles en présupposent l’efficacité davantage qu’ils n’en proposent une théorie complète. Pour faire pièce à ces écueils, récusant la généralité du concept d’idéologie et la trop grande extension du concept de pratique discursive, à partir des années 90, G.-E.Sarfati a entrepris de construire sur des bases linguistiques rigoureuses une théorie linguistique du sens commun. Il a notamment formulé les principes de cette théorie dans son Habilitation à la direction de recherche, soutenue à l’Université de la Sorbonne-Paris IV (1996).

L’idée d’une Pragmatique topique (ou topique générale du sens) y est développée selon trois axes organisateurs :

  • L’épistémologie du sens commun. Il s’agit d’abord de montrer comment la question du sens commun (et de la doxa) tisse « le fil rouge » de la tradition philosophique, en soulignant l’importance du « linguistic turn » dans la constitution d’une interrogation spécifique, avec la philosophie analytique (Ludwig Wittgenstein, George Edward Moore) et la philosophie de la praxis (Antonio Gramsci) ;
  • La topique du sens commun. Ce moment pose les distinctions méthodologiques qui sont de nature à caractériser le sens commun d’une part comme l’un des niveaux de l’analyse linguistique, d’autre part comme une spécification, en linguistique, des différents avatars philosophiques du concept. Il y est notamment question de faire le départ entre un concept général de sens commun et des régions de sens commun. Cette distinction s’appuie sur une théorie socio-discursive des institutions de sens (productrice et reproductrice du sens commun) et des communautés de sens. Ces hypothèses permettent de traiter d’un point de vue sémantico-pragmatique la question des « évidences de l’idéologie » (Althusser) et de celle de « la circulation des énoncés » (Foucault), tout en rendant compte de l’importance fonctionnelle de normes par ailleurs communes aux dimensions anthropologique (Clifford Geertz) et cognitive(Alfred Schütz) des pratiques ;
  • La politique du sens commun. Si les deux précédents paliers permettent d’ancrer la pragmatique topique du côté des sciences de l’esprit (du fait même de l’historicité de son objet mais aussi de son orientation descriptive), le palier politique ouvre ce modèle à l’intervention critique, eu égard aux urgences et enjeux du débat public. Ainsi, les usages politiques d’un modèle discursif des modes de formation du lien social, visent-ils à réinscrire l’exercice de la fonction critique à l’aune de ses exigences philologiques premières.

Situant ce programme de recherche au point de rencontre de l’herméneutique et de la praxéologie, G.-E.Sarfati revendique sa dette intellectuelle à l’égard de la pensée de François Rastier.

Poésie

Selon G.-E.Sarfati, le travail poétique de la langue est le lieu par excellence de l’exercice de la singularité. En contrepoint du sens commun, l’expression poétique s’oriente vers la saisie d’une langue irréductible mais située : irréductible dans la mesure où elle est voix évoquée qui se cherche à travers les mailles d’une parole déjà donnée ; située, pour autant que ce remaniement des configurations disponibles de la parole se donne comme jeu de ruse avec les genres reçus. Dérogation plus ou moins marquée par rapport à l’ordre du langage, la « poéticité » (Jean Cohen) s’assume comme change des voix, présences suscitées par des instantanés mnésiques, épiphanies, multiplicité d’adresse- théâtre du dire.

Prix Louise Labé 2002.

Bibliographie

Critique du Discours et Philosophie
  • La Nation captive, sur la question juive en URSS, Nouvelle Cité, col. « Rencontres », Paris,1985.
  • L’Envers du destin, entretiens avec Léon Poliakov, Ed.Bernard de Fallois, Paris, 1989.
  • « La Parole empoisonnée : Les Protocoles des Sages de Sion et la vision policière de l’histoire », in Faux et usages d’un faux, dir. P.-A. Taguieff, Berg International, vol.2, Paris, 1992.
  • Discours ordinaires et identités juives : la représentation des Juifs et du judaïsme dans les dictionnaires et encyclopédies de langue française, du Moyen Age au Vingtième siècle, Préface de J.-P. Faye, Berg International, col. « Faits et représentations »,Paris, 1999.
  • Le Vatican et la Shoah, Berg International, Paris, 2000.
  • L’Antisionisme, Israël/Palestine aux miroirs d’Occident, Berg International, Paris,2002.
  • L’Histoire à l’œuvre, trois études sur E. Lévinas, Paris, L’Harmattan, col. « Judaïsme », Paris, 2010.
Linguistique
  • Dire, agir, définir, dictionnaires et langage ordinaire, préface de O. Ducrot, L’Harmattan, col. « Logiques sociales », Paris, 1995
  • Éléments d’analyse du discours, A. Colin, col . « 128 », Paris, 1996.
  • Précis de pragmatique, A. Colin, col. « 128 », Paris, 2002.
  • Les Grandes théories de la linguistique, de la grammaire comparée à la pragmatique, A. Colin, col. « Université », Paris, 2003 (en col. Avec M.-A. Paveau), traductions brésilienne et polonaise.
  • Dictionnaire de Pragmatique, A. Colin, col. « Dictionnaires »,Paris, en collaboration avec J. Longhi , à paraître.
Poésie
  • Le Gramophone d’Ingres, Les 4 Fils, Paris, 1985.
  • L’Heure liguée, suite pour Gramophone, L’Harmattan, col. « Poètes des Cinq continents », Paris, 2002.
Anthologies
  • Anthologie des penseurs Juifs de langue française, L’Harmattan, Paris, 1990 (J. Eladan)
  • Anthologie de la poésie juive, de la Bible à nos jours, Fayard-Mazarine, Paris,1985 (P. Hayat)
  • Anthologie des poètes juifs d'expression française, Ed. Noël Blandin, Paris, 1991,( J. Eladan)
  • Anthologie des nouveaux poètes français et francophones, Ed. Jean-Pierre Huguet, col. "Les Lettres du temps", 2001.
Collectifs
  • Éthique et écriture, Les Cahiers de l’Archipel, n°13, Paris, 1985.
  • Discours, culture, politique : essai de redéfinition de la fonction critique, Institut Français de Tel-Aviv, col. « Espace pour un dialogue », Tel-Aviv- Paris, 1998.
  • Discours et sens commun, Langages, Larousse, Paris, 2008.
Traductions
  • «Dr Viktor Emil Frankl : La logothérapie dans une coquille de noix »,in Controverses, n°6, Ed. de l’Eclat, Paris, 2007.
  • « Dr Viktor Emil Frankl : Pour un optimisme tragique », in Controverses, n°8, Ed. de l’Eclat, Paris, 2008.
  • « Frankl, V.E., Nos Raisons de vivre, A l'école du sens de la vie », Paris, InterEditions, 2008 (trad.de l'anglais de: The Will of Meaning).

Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Georges-Elia Sarfati de Wikipédia en français (auteurs)

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