- Fred Kupferman
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Alfred Kupferman, dit Fred Kupferman, né à Paris le 25 janvier 1934 et mort dans la même ville le 27 avril 1988, était un historien français, spécialiste des relations franco-allemandes.
Biographie
Né dans une famille de résistants juifs, Fred Kupferman a huit ans au moment où, durant l'Occupation allemande, la loi française impose de porter l'étoile jaune, qu'il refusera toujours de porter, l'arrachant à de nombreuses reprises de son manteau. Il est le fils de l'ingénieur Israël Kupferman, engagé dans les brigades internationales pendant la guerre d'Espagne, puis dans la Résistance pendant la Seconde Guerre mondiale. Il est arrêté le 14 mai 1941, au cours de la rafle "des billets verts" comme otage juif . Après avoir été interné au camp de Phitiviers, il sera transféré au camp d'Auschwitz le 8 juillet 1942, sous le matricule 46291. Il y meurt moins d'un mois après son arrivée, le 4 août 1942. Son épouse, la psycho-pédagogue , Frania Rothblum-Propper reste active dans la résistance sous le pseudonyme de Claude François. A la libération elle fut une des fondatrices et la directrice de « La Maison du Renouveau », qui accueille , à Montmorency, les enfants dont les parents furent victimes de la déportation, avant de devenir jusqu'à aujourd'hui un centre pour adolescents inadaptés. Pendant cette période, Fred Kupferman vit caché avec d'autres enfants juifs , dans une école catholique, à Montmorency (Val d'Oise) , protégés par la directrice , Mademoiselle Massard . A la libération, du fait de la mort de son père , homologué comme déporté politique, Fred Kupferman devient pupille de la Nation. (*) Sa mère, après son re-mariage avec le chef d'Orchestre Léopold Unger , publiera "L' adolescent inadapté " aux Presses-universitaires de France sous le nom de Claude François-Unger , qu'elle conservera jusqu'à sa mort en 1992, et dans lequel elle témoigne de son expérience pédagogique au" Renouveau" où elle met en pratique les principes pédagogiques d'Henri Wallon et Janus Korjzak. Parmi les nombreux enfants qu'elle y a accueilli figure André Schwartz-Bart, prix Goncourt pour" le dernier des justes" en 1959 .
Jeune chercheur, Fred Kupferman est remarqué très tôt, à la Sorbonne, par Pierre Renouvin. Il se signale par sa thèse de troisième cycle sur la propagande allemande et la guerre psychologique menée par les empires centraux à travers les journaux des années 1917 et 1918 puis il soutient sa thèse de doctorat sur « François Coty, journaliste et homme politique ». Ses travaux lui donnent une sérieuse réputation d'historien de la presse et lui vaudront d'enseigner pendant plus de dix ans à l'Institut français de presse. Après l'Institut français de presse il rejoint la Sorbonne, puis l'Institut d'études politiques de Paris, où il poursuivra ses cours jusqu'à sa mort en 1988.
Fred Kupferman a concentré ses publications sur la première et la Seconde Guerre mondiale ainsi que sur la société française d'après 1914 et sur l'histoire de la presse. En 1976, il publie une première étude sur Pierre Laval, suivie en 1979 par Au pays des Soviets, le voyage français en Union soviétique. On lui doit aussi Le Procès de Vichy: Pucheu, Pétain , Laval, en 1982, consacré aux procès des acteurs des heures sombres du régime de Vichy. En 1984, il publie une biographie de Mata Hari, suivie d'un essai sur la Libération intitulé Les Premiers Beaux Jours.
Son œuvre majeure est incontestablement sa deuxième étude sur Pierre Laval, parue en 1987, et considérée comme la biographie de référence sur le chef du gouvernement du régime de Vichy, qui lui vaut le Grand Prix de l'Histoire.
En collaboration avec son épouse Sigrid, Fred Kupferman était aussi l'auteur d'ouvrages historiques destinés à la jeunesse, La Nuit des dragons et Le complot du Télégraphe. Enfin, sous le pseudonyme de Fouët, il a produit une œuvre, inédite à ce jour, composée de nombreux dessins, repoussés et de textes surréalistes et fantastiques que l'on peut consulter à l'I.M.E.C. (Institut pour la mémoire de l'Edition Contemporaine) où le fonds des archives de Fred Kupferman est déposé .
Fred Kupferman a dirigé le magazine Livres-Hebdo et signé de nombreux portraits et enquêtes pour l'hebdomadaire L'Express, de 1981 à sa mort en 1988.
L'association des "Amis de Fred Kupferman" est présidée par Emmanuel Pierrat, écrivain et avocat au Barreau de Paris.
(*) Il faudra attendre un arrêté du 13 mars 1995 (paru au J.O. le 26 avril 1995) du Ministre des Anciens Combattants et des Victimes de Guerre , pour que la mention "mort en déportation" figure sur les actes de décès .
Ouvrages
- Pierre Laval , Masson, 1976
- Au pays des Soviets. Le voyage français en Union soviétique, 1917-1939, Gallimard, 1979 (rééd. 2007, Tallandier)
- Raoul Wallenberg, le juste de Budapest, écrit en collaboration avec Jacques Derogy et Ariane Misrachi, Ramsay, 1980 (Réed 1994, Stock)
- Le procès de Vichy : Pucheu, Pétain, Laval, Complexe, 1982 (rééd. 2006)
- 1917, Mata Hari. Songes et mensonges, Complexe, 1984 (rééd. 2005)
- Les premiers beaux jours, 1944-1946, Calmann-Lévy, 1985, (rééd. 2007, Tallandier)
- Pierre Laval, Balland, 1987 (rééd. 2006, Tallandier -préfacé par Henry Rousso)
- La Nuit des dragons (avec Sigrid Kupferman et Yves Beaujard), Hachette Jeunesse 1986, (réed. 2007, Hachette Jeunesse)
- Le complot du Télégraphe (avec Sigrid Kupferman), Hachette Jeunesse, 1989
Voici la retranscription d'une émission de Pierre Bouteiller à laquelle étaient invités Fred Kupferman et Hélène Carrère d'Encausse. L'entretien date de 1987, peu avant le décès de l'historien, alors que Fred Kupferman venait de recevoir le Grand Prix de l'Histoire pour la remarquable biographie de Laval.
Pierre Bouteiller : Hélène Carrère d'Encausse, en tant que membre du Jury , attribuer le Grand-Prix de l'Histoire à Fred Kupferman pour sa biographie sur Laval était-ce simple?
Hélène Carrère d'Encausse: Honnêtement le choix était facile pour un certain nombre de raisons. La première et la plus évidente c'est la qualité du livre et avoir un coup de coeur pour un livre consacré à Pierre Laval n'est pas une chose simple! D'ailleurs ce n'est pas à Laval que nous avons donné le grand-prix de l'histoire mais à Fred Kupferman qui a écrit une très longue page de l'histoire de France dans laquelle se situent des années extraordinairement douloureuses. Il a eu le courage d'y faire face. Déjà s'il n' y avait pas eu la Seconde Guerre mondiale, si les choses s'étaient arrêtées en 1939, ç'aurait été l'histoire de la III ème république et d'un homme politique de grande envergure sans aucun doute, d'une dimension de Président du Conseil. Et puis tout d'un coup tout bascule. C'est un destin qui devient tragique au moment où celui de la France devient tragique. Et ça il nous a semblé, et c'est là mon opinion d'historienne, et d'enseignante, qu'il se trouve deux problèmes en France. Le premier est que dès que quelque chose concerne les pages tragiques on n'ose pas en parler, et nous laissons les étrangers en parler. Or ils n'ont pas connu les difficultés et la manière dont les historiens étrangers parlent de cette période est vraiment particulière : elle est vue de Sirius! Le second problème est que les gens qui ont maintenant 20 ans, nos étudiant nous disent " mais que s'est- il passé ?"
PB: Laval connaît pas !?
HCdE : Laval connaît pas ! Et leurs parents ne veulent pas leur en parler, il y a une espèce de halo désagréable, et que Fred Kupferman ait osé le regarder cela en face, comme historien français qu'il se soit attaqué à cette période avec le talent qui est le sien avec la capacité d'avoir accédé à des archives que personne n'avait exploré jusqu'alors, c'est-à-dire qu'il écrive en partant de données objectives, c'était d'une importance considérable. D'ailleurs je dis à mes étudiants et à mes enfants qu'il faut lire Kupferman!
PB : Le choix du sujet a-t-il indisposé ou bien disposé le Jury?
HCdE : Vous savez a priori ce n'est pas facile de s'attaquer à Laval . c'est tout de même quelque chose de si dur que pour y faire face il faut le courage de Kupferman pour passer des années avec ça! Quand on est historien , on est plein de curiosité, mais en dehors de ça on se dit oh la! On a tendance à ne pas vouloir voir ces pages de l'histoire. Cela dit moi je suis contemporéaniste et je suis convaincu que ce qui se passe dans notre siècle est capital et par conséquent je me suis plongé dedans, surtout connaissant les travaux de Kupferman. Connaissant le talent et les travaux de Kupferman je savais que je trouverais des réponses aux questions que je me posais. Je suis convaincu que ce travail était indispensable et qu'il est d'une importance considérable.
PB : Fred Kupferman, comment vous vient l'idée d'écrire un tel livre?
Fred Kupferman : On écrit d'abord pour soi.: pour comprendre ce que l'on pense et ce que l'on veut dire, non pas pour être pour son premier lecteur extasié par son propre travail, mais pour comprendre, pour savoir ce qui s'est passé. J'avais 10 ans à la fin de la guerre : c'est suffisant pour sentir, très insuffisant pour comprendre . Puis à mesure que je me suis dirigé vers mon métier j'ai retrouvé ce personnage sur ma route. J'ajouterai que nous ne devons pas l'enfermer dans sa dernière image qui est celle de l'occupation, l'image qui est évidemment par la force des choses l'image retenue. Ce qui m' a également préoccupé, c'est la France. C'est la France parce qu'elle entrée dans des problèmes au lendemain d'une victoire-celle de 1918 et que ces problèmes elle n'est pas arrivé à les résoudre . Elle les a reporté chaque fois à une autre échéance, et c'est à ce moment là qu'il il y a des gens qui sont apparus dans sa vie politique. Des gens qui lui servent comme dépanneurs, et tantôt au contraire des gens qu'on voue aux gémonies que l'on rejette dans les célèbres ténèbres extérieurs. Alors quand on est -c'est le cas de Laval- un homme double qui prétend être simple, c'est-à-dire que l'on est celui qui dit :"je viens à votre service"et que l'on jette à un moment donné. je veux savoir pourquoi l'on a rejeté quelqu'un dont on s'est servi.
PB : C'est l'aspect bouc émissaire de "Laval" qui vous a intéressé?
FK :Vous savez le bouc émissaire est un animal qui n'a jamais servi comme bouc: il était simplement envoyé dans le désert. Moi ce qui m'intéresse dans cette affaire c'est un homme politique, qui a fait de la politique : c'est très différent!
HCdE : Je voudrais dire comment le lecteur que je suis a vu Laval. C'est un homme qui a grandi dans un milieu auvergnat, de maquignon, qui marqué son enfance. Ce qui m' a impressionné dans le livre de Kupferman c'est que cette mentalité a imprégné Laval, et qu'il a donc négocié avec Hitler, avec Staline, avec tout le monde. Il s'est toujours dit moi je sais marchander , moi je sais comment on fait pour être plus fort que les autres, presque comme dans une arrière-salle de café pour y vendre ses voeux! Et la tragédie c'est qu'il y a des moments de l'histoire où le maquignonnage ça ne marche pas.
PB : C'était un homme de la glaise, un bouseux, un homme raffiné dans le terroir.
FK : Je crois que Laval a joué beaucoup son personnage de paysan. Dès qu'on commence à s'élever socialement on n'est plus ce paysan là-ou ce fils de cafetier. Mais cependant il insistait , car en France c'est toujours rentable, sur le fait qu'il avait les pieds dans la glaise. La France était restée rurale dans ces temps là où l'on se lavait rarement où l'on dépensait peu et quand on avait un homme politique de ce genre, un homme politique qui n'accordait pas à son apparence le soin qu'on y accorde aujourd'hui, les gens se trouvaient presque flattés de retrouver dans ce débraillé quelque chose qui ressemblait au personnage mal-fichu qu'ils étaient eux-mêmes.
PB : Fred Kupferman on se demande s'il s'agit d'un livre pour Laval, un livre contre Laval ou un livre serein, impartial ? Vous avez essayé d'être dépassionné, équilibré?
FK : Oui, de toutes manière, professionnellement nous écrivons des livres "sur " et non des livre "pour" ou "contre".
PB : Il y a une histoire subjective, ça existe !
HCdE : C'est alors de l'hagiographie!...
FK ...et c'est difficile pour un historien ou alors il faut changer de métier! Dans ce cas là on se pose la question, tiens, je suis en train de rappeler ça : c'est bon pour lui ou c'est mauvais? en effet dans une vie il se rencontre de tout. Nous, on ne compte même pas les poux . on n'est pas là pour se dire "son image s'améliore ou se détériore" . on raconte une vie et son effet: l'effet d'une vie quand on a du pouvoir sur les autres par une décision ou une phrase. A la fin, on ne se pose pas la question de savoir si l'on a servi ou desservi . On a permis aux gens - à ceux qui veulent le voir - de regarder ce morceau de passé qui est dans le brouillard. Pas dans le noir mais dans le brouillard. Pour revenir sur la question de l'objectivité , est-ce cela veut dire que l'historien n'a pas de coeur ? Evidemment il en a un! Qu'est ce qu'il peut en faire le pauvre ? Est- ce qu'il met de côté en se disant je m'en occuperai quand le livre sera fini? Or la réponse c'est qu' a bien des moments la plume tremble , ça c'est vrai! ça n'est pas si simple. Et ça peut être en effet quand on oblige quelqu'un -c'est la fin du livre - à subir un certain nombre d'opérations répugnantes qu'on n'attendaient pas pour être publiées. Ce n'est pas agréable à ce moment-là de l'écrire parce que l'on ressent ce qui a dû se passer pour cet homme. mais c'est vrai aussi qu'on le ressent à des moments où les portes du train se referment et qu'il y a des enfants dans ce train. C'est une affaire entendue à ce moment là plume elle tremble . L'impassibilité du notaire c'est pas non plus le genre de la maison.
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