Fractionnement du revenu

Fractionnement du revenu

Foyer fiscal

La notion de foyer fiscal est utilisée dans certains pays comme la France pour le calcul de l'impôt sur le revenu des personnes physiques. Il consiste à imposer non pas les individus isolément mais les ménages qu'ils composent.

Depuis les années 1970, le principe de la taxation séparée tend à s'imposer [1]. L'imposition séparée stricte est par exemple pratiquée au Canada, au Japon[2], en Finlande, en Grèce et Suède[3]. Des pays comme les Pays-Bas, l'Autriche ou le Royaume-Unis pratiquent également l'imposition séparée mais offrent un crédit d'impôt quand l'un des conjoints ne travaille pas. L'imposition conjointe est utilisée en France, au Luxembourg , au Portugal ou dans le canton de Vaud [4]. Enfin, certains pays laissent le choix d'une imposition conjointe ou séparée, c'est par exemple le cas de l'Allemagne, de l'Irlande ou des États-Unis.

Le quotient familial (désignation belge et française) ou fractionnement de revenu (désignation canadienne) est utilisé pour l'imposition conjointe des foyers fiscaux. Il consiste à diviser le revenu global du foyer fiscal par le nombre d'unités de consommation qui le composent.

Sommaire

Notions apparentées

La notion de ménage est très proche de celle du foyer fiscal. Le ménage est une notion statistique, reposant sur la situation de fait, alors que le foyer fiscal est une notion administrative, basée sur un contrat explicite. Cela signifie qu'il peut y avoir plusieurs foyers fiscaux dans un ménage, par exemple dans le cas d'un couple vivant en union libre[5]

Motivations

Son principe est le suivant : " à niveau de vie égal, taux d'imposition égal". Il est en effet destiné, dans le cadre de l'impôt progressif, à assurer l'équité fiscale entre les contribuables célibataires et ceux qui sont chargés de famille.

Comme l'écrivait Alfred Sauvy, « la progressivité du taux se justifie parce que le superflu peut, par définition même, être réduit dans une proportion plus forte que le nécessaire... Un célibataire qui gagne 150 000 F par an a un niveau de vie supérieur à un père de 4 enfants ayant le même revenu. Les imposer également serait frapper également la partie de plaisir du premier et la viande, voire le pain du second. »

En pratique, chaque ménage dispose d'un certain nombre de parts : par exemple, en France, 1 part par adulte et 1/2 par enfant. On divise ensuite le revenu imposable par le nombre de parts. L'impôt est calculé sur chaque part. La somme ainsi obtenue est ensuite multipliée par le nombre de parts du foyer afin d'aboutir au montant final que le ménage aura à payer.

Le système du quotient est donc nécessaire parce que l’impôt sur le revenu est progressif (et non proportionnel aux revenus) : ainsi, par exemple, un célibataire gagnant 24 000 € verse au fisc une proportion de son revenu plus élevée qu’un célibataire gagnant 12 000 €, et à fortiori qu’un célibataire gagnant 8 000 €. Trois célibataires gagnant 8 000 € chacun payeront donc à eux trois 3 000 € (soit chacun 1 000 €), somme inférieure à ce que verse un célibataire gagnant 24 000 € (qui paye, lui, 5 000 € d’impôt).

Critiques

Modèle familial

Le système utilisé pose la question de savoir quelle est l'unité de base de la société : la famille ou l'individu[3] et de savoir s'il convient de privilégier les solidarités familiales ou de rechercher l'autonomie de chacun.

Travail des femmes

Le système du quotient est souvent accusé de reposer sur une vision patriarcale de la famille, de décourager le travail des femmes et d'être une trappe à l'inactivité. Il est destiné à assurer l'équité horizontale entre des couples dont la répartition des revenus est différente. Par exemple, si la France utilisait un système d'imposition séparée, on aurait une imposition très différente pour deux couples dont le revenu total est de 4 000 € par mois selon que les deux membres travaillent ou pas . Si les deux conjoints gagnent chacun 2 000 € par mois, ils seront imposés au taux marginal de 14,00% et devront devront chacun payer 1 747 € d'impôts, soit 3 494 € pour le foyer. Si seul le mari travaille, il sera imposé au taux marginal de 30% et devra payer 7 652 € d'impôts[6].

Il est donc favorable aux couples mono-actifs, ce qui voulait dire en 2002 avec la femme au foyer dans 88% des cas en France[7]. En contrepartie, la déclaration conjointe tend à augmenter le taux marginal du conjoint le moins bien rémunéré.

Le lien entre travail des femmes et mode d'imposition reste cependant difficilement perceptible en pratique. Ainsi, le taux d'activité féminine de pays comme la France ou le Portugal est supérieur à la moyenne européenne[8]

Comptabilité des couples

La notion de foyer fiscal suppose implicitement que l'ensemble des postes de recettes et de dépenses des ménages soient mis en commun. Or, les études statistiques de INSEE montrent que cette pratique n'est pas systématique[9]. La répartition des charges et des ressources est en fait dépendante du rôle attribué à chacun dans le couple[10].

Inéquité

De nombreux pays n'utilisent pas le système du quotient familial mais pratiquent un abattement forfaitaire pour chaque enfant à charge, quels que soient les revenus du foyer[11].

Dans les années 1970, les services fiscaux français ont décidé de calculer ce que rapporterait l'impôt si l'on n'appliquait pas de quotient familial (en clair, si on ne tenait pas compte de la présence d'enfants) et a baptisé la différence "avantage familial" ou "aide à la famille", voire même "prestation fiscale". Cette différence étant, par hypothèse, croissante avec le revenu, Bercy a proclamé que "l'aide en faveur des familles croissait avec leur revenu". Le quotient familial a donc été souvent critiqué pour profiter avant tout aux familles les plus aisées, qui profitent le plus de la réduction de tranche d'imposition offerte par ce mécanisme. C'est ainsi que la commission des inégalités sociales du 7e plan de développement, reprenant les préconisations du rapport Ortoli de 1969 et celle du conseil des impôts de 1974, avait suggéré le remplacement du système du quotient par un abattement forfaitaire[11].

Cette interprétation a été rejetée par des autorités européennes et particulièrement l'OCDE, considérant que le quotient familial faisait partie intégrante du mode de calcul de l'impôt et ne pouvait être séparé de lui. En effet, avec le quotient familial, le taux d'imposition moyen est le même pour deux familles de même niveau de vie, quelle que soit leur taille. Il ne fournit en soi aucune aide, aucun avantage aux familles ; il garantit seulement que le poids de l'impôt est équitablement réparti entre des familles de taille différente, mais de niveau de vie équivalent, selon un principe d'équité horizontale familiale.

Cette vision des chose reste cependant largement remise en cause, par exemple par le législateur français qui à décidé du plafonnement des réductions induites par le quotient familial[12].

Calcul des parts

Les parts ne correspondent pas aux valeurs des unités de consommation retenues par les économistes[13].

Par exemple, en France, le législateur a souvent eu la tentation de "forcer" le nombre de parts ou de l'abaisser sans que cela soit justifié par une différence de niveau de vie. Ainsi, jusqu'en 1953, les couples redescendaient de 2 à 1,5 part s'ils n'avaient toujours pas d'enfant au bout de trois ans de mariage. On peut aussi considérer qu'une part supplémentaire est excessif, le troisième enfant ne coûtant pas davantage que le second. De même, il existe déjà des économies d'échelle pour deux personnes vivant ensemble, on peut donc questionner la valeur de deux parts pour un couple.

A l'inverse, il est inéquitable que les enfants à charge de plus de 15 ans ne fassent pas bénéficier leurs parents d'une part entière car il est avéré qu'ils coûtent aussi cher qu'un adulte.


En France

Histoire

Le quotient familial de l'impôt sur le revenu a été instauré en France en 1945. Il fut voté à l'unanimité des deux chambres. Son initiative revient à Adolphe Landry.

La loi de 1974 abaissant l'âge de la majorité de 21 à 18 ans a entraîné une modification importante de la prise en compte des enfant à charge[11].

Le PACS, formule plus souple que le mariage, a introduit une extension du droit à la déclaration commune.

Définition du foyer fiscal

Elle est très proche de celle de foyer (sociologie), foyer familial ou ménage (au sens économique), à quelques particularités près; ainsi :

  • si le contribuable est célibataire, veuf, divorcé, séparé de corps, le foyer fiscal n'est composé que par lui-même ;
  • s'il est marié, le foyer fiscal est obligatoirement composé des deux conjoints, ainsi que des enfants célibataires mineurs à charge et des enfants recueillis par le contribuable ;
  • en cas de concubinage, les concubins sont traités comme des célibataires (sauf pour l'Impôt de solidarité sur la fortune où l'imposition est commune), avec, le cas échéant, rattachement des enfants célibataires mineurs à charge de l'un ou de l'autre ;
  • les revenus des personnes liées par un PACS sont imposés en commun dès la première année du PACS (au lieu des 3 années nécessaires auparavant), depuis la loi de finances promulguée en janvier 2005 et sauf si le PACS est rompu dans l'année suivant sa signature ;
  • un monastère ou un couvent est considéré comme un foyer fiscal unique.

Ne sont pas considérés comme foyer fiscal unique :

  • les époux séparés de biens et ne vivant pas sous le même toit (les deux conditions réunies sont nécessaires)
  • les époux en instance de divorce ou de séparation de corps et autorisés à avoir des résidences séparées ;
  • les époux disposant de revenus distincts dont l'un a abandonné le domicile conjugal.

Certaines dispositions ont été prises aussi à l'égard des enfants mineurs à charge, qui sont par défaut considérés comme appartenant au foyer fiscal de leurs parents. En effet, lorsque les enfants disposent d'un revenu propre, les parents peuvent faire le choix d'une imposition séparée, mais celle-ci n'est valable que pour l'année fiscale en cours et sur demande expresse du contribuable. Cette demande annule les effets de la présence de cet enfant sur le quotient familial. Pour les enfants majeurs, c'est le cas inverse qui se présente : en règle générale, un enfant majeur est imposé séparément et forme un foyer fiscal à lui seul. Dans certains cas, celui-ci peut être rattaché au foyer fiscal des parents :

  • s'il est âgé de moins de 21 ans ;
  • s'il est âgé de moins de 25 ans et qu'il poursuit ses études ;
  • quel que soit son âge, s'il est atteint d'une infirmité ou s'il poursuit son service militaire (disposition sans objet depuis la suspension de ce dernier, car il peut encore être effectué à titre volontaire).

Dans le cadre du quotient familial, chaque ménage dispose d'un certain nombre de parts : 1 par adulte et 1/2 par enfant. Toutefois, certains enfants ouvrent droit à une part entière (les enfants à partir du 3ème et les enfants handicapés) Ainsi, un couple marié sans enfant a 2 parts, s'il a un enfant, il a 2,5 parts; etc

Il n'est pas toujours avantageux de réaliser une imposition commune. C'est notamment vrai pour les ménages modestes, à cause de la décote de l'impôt sur le revenu, lequel est fonction d'un seuil qui s’applique à la totalité de l’impôt payé par le foyer fiscal[14].

Références

  1. La concurrence fiscale en Europe : une contribution au débat Rapport d'information du Sénat 1999.
  2. La fiscalité des personnes physiques au Japon
  3. a  et b Faut-il individualiser l"impôt sur le revenu ? Réjane Hugounenq, Hélène Périivier et Henri Sterdyniak, Lettre de l’OFCE du vendredi 22 février 2002
  4. Quotient familial, Dictionnaire suisse de politique sociale
  5. Définition du Foyer fiscal par l'INSEE
  6. Estimateur d'impôt sur le revenu du site www.lesechos.fr
  7. 1975 - 2002 : la part des ménages sans emploi a doublé - INSEE première, janvier 2005, page 4
  8. Enquête sur les forces de travail – 2003
  9. L’argent du « ménage », qui paie quoi ?, Travail, genre et sociétés n°15; Delphine Roy avril 2006
  10. Tout ce qui est à moi est à toi ?, Terrain n°15; Delphine Roy septembre 2005
  11. a , b  et c Article Quotient familial Thésaurus de l'Encyclopædia Universalis, édition 1988
  12. Impôt sur le revenu : plafonnement du quotient familial
  13. Définition de l'Unité de consommation par l'INSEE
  14. La réforme fiscale SNUI 1997

Voir aussi

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