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Fontaines à dévotion
Les fontaines à dévotion (ou bonnes fontaines, ou fontaines miraculeuses ou encore "las bonas fonts" en occitan) constituent un patrimoine emblématique dans plusieurs régions françaises[1], notamment le Limousin. Leurs origines sont le cas échéant antérieures au christianisme[2]. Elles peuvent encore aujourd'hui faire l'objet de rituels thérapeutiques[3], en fonction des facultés médicinales ou des bienfaits particuliers qui leur sont attribués par la coutume: guérison des humains ou du bétail, fin d'une sécheresse, obtention d'une faveur, protection des enfants.
La répartition des fontaines à dévotion établie par Brigitte Caulier dans L'eau et le sacré apparait comme reposant sur l'approche la plus globale d'un phénomène protéiforme. Faisant référence à une estimation de 6000 des lieux chargés d'une puissance sacrale que les français auraient élu pour se protéger, elle évalue à au moins 2000 le nombre de sources visitées pour recouvrer la santé et à près d'un millier, celles ayant fait l'objet d'une marque de reconnaissance s'exprimant dans une aura légendaire ou l'attribution d'un patronyme sanctoral, visant à les extraire du quotidien. En tout état de cause, les entreprises d'inventaires régionaux ou locaux semblent relever d'initiatives récentes. Ayant pu ne pas rencontrer de collaboration étendue sur le terrain, leur exhaustivité peut être complétée par de nouvelles découvertes, notamment là où l'hydrographie ou le contexte ethnologique ont favorisé l'étendue du phénomène, comme en Haute-Vienne[4], où 193 fontaines étaient répertoriées en 1970. D'autres inventaires reposent sur des approches plus sectorielles, comme l'intérêt patrimonial de l'édicule ou édifice aménageant la fontaine, tel qu'il est géré par le ministère de la culture[5], ou encore des tentatives de classement en fonction des propriétés attribuées aux fontaines[6].
L'ambivalence des dévotions aux fontaines, relevant de la sphère religieuse en tant que culte et du domaine médical par les pratiques thérapeutiques, a suscité la confrontation avec les institutions de l'une et de l'autre. Si le maintien des cultes a été relié à la déchristianisation marquée du Limousin, l'ambiguité semble avoir de longue date présidé dans les relations avec l'église. Condamnées entre la fin de l'antiquité et Charlemagne comme des séquelles de paganisme, les bonnes fontaines, anciennes ou nouvelles, sont ensuite le cas échéant christianisées, au bas Moyen-âge, sous l'égide d'un saint patron, par l'intégration dans les rituels catholiques romains, avec messe et "vote" patronale collective. L'absence de propriétés positivement mesurables a conduit pour sa part la science médicale à appréhender le phénomène comme un signe de l'arriération, l'aliénation ou l'oppression des populations rurales. Cette condamnation a pu contribuer à reléguer, et en définitive dévaluer, les fontaines et leurs cultes au domaine de la tradition folklorique, entre vénération passéiste et mépris, résultant l'un comme l'autre de la méconnaissance du phénomène, en l'absence d'étude historique.
Cette trajectoire n'a pas empêché le maintien des cultes, voire leur renouveau, notamment dans les monts de Châlus, dont le grand nombre de fontaines a fait l'épicentre d'une conservation authentique tant des édicules que des rites dans l'ouest de la Haute-Vienne. Ainsi, s'agissant des dévotions collectives, la municipalité de Cussac a en 2008 supprimé la fête annuelle du village pour la reporter sur la seule fête des bonnes fontaines[7] au solstice de juin. De même, à Lageyrat, si la statue de Sainte Quitterie, pratiquement détruite par les piqûres pratiquées au cours de décennies de dévotions, a été retirée de l'église pour être conservée à Châlus, l'association d'animation culturelle Vie Lageyrat a relancé depuis 2006 une fête locale l'avant dernier weekend de mai, soit en 2009 le dimanche 24, mettant en valeur les 3 bonnes sources, caractéristiques de la discrétion et la sobriété des fontaines à recours[8]. La fréquentation des fontaines de Courbefy à Bussière-Galant est mesurable, s'agissant de dévotions individuelles, à la présence en quantité de vêtements déposés selon le rituel sur la croix intégrée au site, auxquel les ruines du château, la pente et les taillis confèrent une atmosphère emprunte de mystère.
Entre réappropriation identitaire, tradition profonde mais discrète et attraction gravitationnelle des croyances contemporaires dans des médecines alternatives, la permanence de la sacralisation de l'eau semble assurer un avenir au patrimoine rural longtemps négligé que les fontaines à dévotions constituent.
Bibliographie
- Les monuments d'origine préhistorique de la région Haut-Limousin, étude et inventaire : fontaines à dévotions, souterrains artificiels, Paul Patier, 1976, Limoges, 72 pages.
Sources et références
- ↑ Selon une répartition établie dans L'eau et le sacré, les cultes thérapeutiques autour des fontaines en France du Moyen Age à nos jours, Brigitte Caulier, Beauchesne, presses de l'université Laval, ISBN 2 7010 1214 7
- ↑ Les Bonnes Fontaines de la Haute-Vienne. Dévotions et espaces thérapeutiques. COLIN H. ; ROBERT M., Ethnologia ISSN 0398-5555, 1988, no45-48, pp. 1-205 (1 p. 1/2), Société d'ethnographie du Limousin et de la Marche, Limoges, FRANCE (1977) (Revue).
- ↑ Bonnes fontaines. Symbolique de l'eau, SAUMANDE P, Lemouzi ISSN 0024-0761, 2000, n° 154, pp. 111-120, Société d'études historiques et archéologiques de la moyenne Corrèze, Tulle,
- ↑ La Société rurale traditionnelle en Limousin, Tome 3, Albert Goursaud, Maisonneuve et Larose, ISBN 2 7068 0762 8, 1978, p.588.
- ↑ La diffusion de l'état des lieux est assurée par la base Mérimée, consultée le 9 mai 2009.
- ↑ Comme par exemple la fertilité sur le site Fertilité, PMA et bio avec une liste de "chapelles, mehnirs et fontaines de dévotion contre la stérilité", consultée le 9 mai 2009.
- ↑ La fête aux bonnes fontaines, article du 26 février 2008, sur le Populaire.fr, consulté le 9 mai 2009.
- ↑ L'eau et le sacré, op cit, p.26
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