Ernst Lanzer

Ernst Lanzer

L'homme aux rats

L'analyse de « l'homme aux rats » (Ernst Lanzer) atteint de névrose obsesionnelle est l'une des cinq psychanalyses décrites par Sigmund Freud, avec celle de Dora, du petit Hans, de « l'homme aux loups » et de Schreber. Mais en marge de ces Cinq psychanalyses, Freud a laissé des notes prises au jour le jour, tout au moins pour les sept premières séances, parce qu'après ces notes ne sont plus regroupées qu'au rythme de deux ou trois fois par semaine. Avec ce manuscrit : Journal d'une analyse, l'homme aux rats (PUF), nous avons donc la chance d'entrer dans l'intimité d'une analyse avec Freud, l'inventeur de la psychanalyse.

Sommaire

Ernest Jones

De cette analyse, Ernest Jones nous donne de très précieuses indications dans sa biographie La vie et l’œuvre de Sigmund Freud (PUF). Alors que l'analyse de Dora avait eu lieu les trois derniers mois de l'année 1899, l'analyse de ce juriste de trente ans, Ernst Lanzer, débuta en octobre 1907 et dura onze mois. Il y a donc sept ans d'intervalle entre ces deux analyses. Jones évoque par deux fois cette analyse, dans son ouvrage.

Une première fois, dans le chapitre intitulé « Travaux techniques », une seconde fois lorsqu'il présente les travaux cliniques de Freud et donc chacune des cinq psychanalyses.

La première de ces occurrences

Dans « Travaux techniques », Ernest Jones écrit[1] :

«  [...] Si nous nous proposons d'en parler ici, c'est parce que Freud avait l'habitude de détruire les manuscrits et les notes dont il s'était servi et cela pour tous les articles qu'il publiait. Par une chance singulière pourtant, les observations au jour le jour qu'il nota chaque soir à propos de ce cas ont été sauvées, tout au moins la partie la plus importante de celles qui concernent les quatre premiers mois du traitement. Ces renseignements ont une valeur inestimable en nous fournissant l'occasion d'épier, si l'on peut dire, Freud dans son travail journalier, dans sa façon de doser ses interprétations, nous observons sa façon caractéristique de se servir d'analogies pour illustrer un argument. Nous prenons également connaissance des conjectures préliminaires destinées à lui seul, et qui pourront ensuite se trouver soit confirmées, soit réfutées et aussi du procédé expérimental utilisé dans ce travail réalisé bribes par bribes. Le coup d'œil ainsi jeté dans les coulisses offre, surtout pour le praticien, un considérable intérêt. Certains points de la technique freudienne à cette époque méritent tout particulièrement de retenir l'attention. C'est ainsi qu'il fait part à ses malades d'un plus grand nombre de détails qu'il ne le fera plus tard et qu'on a actuellement coutume de le faire. Il dit agir ainsi, non pour convaincre le sujet, mais simplement pour pousser ce dernier à lui fournir des matériaux plus significatifs. En outre, les notes inédites nous apprennent que Freud, à ce moment là plus que par la suite, adoptait une attitude familière avec à l'égard de ses patients, ce que n'autorise plus le procédé employé depuis par les psychanalystes. À dire vrai, il n'invitait plus ses clients à déjeuner chez lui, comme il n'avait fait entre 1880 et 1900, mais partageait parfois avec eux des rafraîchissements qu'on leur apportait pendant les séances. À propos de ces collations, nous retrouverons dans ce journal d'une analyse, un fabuleux exemple des effets qu'avait eu et surtout qu'aurait pu avoir pour l'homme aux rats, pour le déroulement de cette analyse, le fait que Freud lui avait fait apporter, au cours d'une de ses séances, parce qu'il avait faim, une assiette de harengs de la Baltique. Nous verrons en effet se déployer étroitement articulé à ce que Freud avait manifesté de son désir, à ce moment là, un magnifique fantasme que nous pouvons appeler, non sans raison, « le fantasme au hareng », comme étant l'une des variantes de son fantasme dit fondamental. Or étrangement, de ces effets, Freud ne pipe pas mot dans le texte officiel des cinq psychanalyses. Cela reste son secret et pour cause… »

La seconde occurrence

La seconde occurrence se trouve dans le second tome de la biographie de Freud[2]. Ernest Jones présente donc l'histoire analytique de l'Homme aux rats. « S'appuyant sur l'exposé condensé et assez fragmentaire d'un cas difficile, Freud y étudie longuement la structure particulière de l'état déconcertant d'une névrose obsessionnelle. Il émet l'avis que, pour la connaissance des processus inconscients, l'étude de cette névrose est bien plus instructive que celle de l'hystérie. » L'analyse débuta donc le 1er octobre 1907. Elle dura onze mois. « [...] Le résultat, écrit Jones, en fût brillant, le malade put, par la suite, réussir aussi bien dans sa vie que dans son travail ». On peut retrouver les premiers comptes-rendus de cette analyse dans les Minutes psychanalytiques de Vienne, volume I. Au bout d'un mois de traitement, le 6 et le 30 octobre, Freud présente ce cas, au cours des soirées analytiques du mercredi. On peut retrouver le procès verbal de ces séances rédigées par Federn. Il reparle le 20 novembre, de l'extraordinaire façon de prier de cet analysant. Le 22 janvier, le symptôme du lorgnon. Le 8 avril, il décrit et analyse magistralement sa grande obsession des rats, celle qui lui a donné son nom. Il le présente enfin au congrès de Salzbourg le 27 avril 1912 où il fournit d'amples détails personnels sur le cas, plus librement qu'il n'eut pu le faire dans un rapport publié. À propos de son intervention à ce congrès, Jones indique également que Freud parla d'abondance pendant plusieurs heures, emporté par l'intérêt pour son sujet[3] :

«  [...] Assis au bout de la longue table autour de laquelle nous étions réunis, il parlait de sa voix basse mais distincte, comme dans une conversation. Il commença à huit heures du matin et nous l'écoutâmes avec une attention profonde. À onze heures il s'arrêta en suggérant que nous en avions assez. Mais nous étions tous si intéressés que nous insistâmes pour qu'il continuât, ce qu'il fît jusqu'à une heure. Celui qui est capable de tenir un auditoire suspendu à ses lèvres pendant cinq heures de suite a certainement des choses utiles à dire. Toutefois nous étions plus charmés encore par son extraordinaire don d'exposer nettement un sujet que par la nouveauté de ce qu'il disait. »

Bref, il y a du transfert. Chacun boit ses paroles et reste suspendu à ses lèvres. Freud était sorti de son isolement. Jones évoque également les commentaires théoriques dont Freud accompagne et complète cette histoire clinique :

« [...] Les capacités analytiques de Freud se manifestèrent plus que jamais dans l'élucidation de ce cas. Sa délicate et ingénieuse interprétation, sa compréhension des processus psychiques les plus complexes avec leurs jeux subtils de mots et d'idées, ne peuvent manquer de susciter l'admiration et ont rarement été surpassés dans ses autres travaux. »

Il est tout à fait intéressant d'étudier de façon comparative ce que Freud écrivait dans son journal et ce qu'il en a retenu dans le texte officiel des cinq psychanalyses. Du manuscrit au texte édité, le rôle que la mère de l'Homme aux rats jouait dans sa névrose a été occulté.

Notes et références

  1. La vie et l'œuvre de Sigmund Freud (volume II) – « Les années de maturité », PUF, p. 244
  2. sous le titre « Exposés de cas », page 279
  3. page 44 volume II de la biographie

Bibliographie

  • Sigmund Freud L'Homme aux rats : Journal d'une analyse (1909), PUF, 2000 ((ISBN 2130511228))
  • Ernest Jones, La vie et l'œuvre de Sigmund Freud (trois tomes), PUF-Quadridge, rééd. 2006 (T1 : (ISBN 2130556922) ; T2 : (ISBN 2130556930) ; T3 : (ISBN 2130556949)


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