Enclise

Enclise

Clitique

Un clitique est, en linguistique un élément à mi-chemin entre un mot indépendant et un morphème lié.

Sommaire

Caractérisation des clitiques

De nombreux clitiques peuvent être vus comme dérivés dun processus historique de grammaticalisation :

élément lexical > clitique > affixe

Selon ce modèle, un élément lexical autonome situé dans un contexte particulier va perdre progressivement certaines propriétés de mot indépendant pour acquérir celles dun affixe morphologique. Lélément décrit comme « clitique » est donc en quelque sorte une étape intermédiaire de ce processus évolutif. Cette définition relativement large peut donc s'appliquer à une classe déléments très hétérogènes.

Une caractéristique néanmoins partagée par tous les clitiques est leur dépendance prosodique. Un clitique est en effet toujours prosodiquement lié à un mot adjacent, dénommé hôte (très souvent un verbe), de telle sorte qu'il ne forme avec celui-ci qu'une seule unité phonétique complexe. On parle plus précisément :

  • de « proclitique lorsque le clitique s'appuie sur le mot qui le suit (cet emploi est appelé une « proclise »). Par ex: je dans je sais.
  • « denclitique» lorsqu'il s'appuie sur le mot qui le précède (cet emploi est appelé une « enclise »). Par ex: je dans saurai-je ?

Les conventions orthographiques traitent les clitiques de multiples façons : certains sont écrites comme mots séparés, d'autre comme mots distincts de leur hôte, d'autres encore attaché à leur hôte mais relié par un élément de ponctuation (trait d'union, apostrophe).

En français et dans les langues romanes

En français (et dans les langues romanes en général), les articles, les pronoms personnels sujets ou dobjet (direct ou indirect) sont des clitiques.

Cest le cas ainsi des terminaisons (non lexicales par elles-mêmes) réalisant danciennes flexions nominales ou verbales héritées du latin, et qui sont devenus des mots-outils séparés : les pronoms personnels et articles, par analogie et généralisation de certains anciens emplois lexicaux autrefois plus restrictifs, sont employés maintenant comme clitiques tout en conservant au moins une partie de leur fonction grammaticale.

Pourtant cette définition large est encore insuffisante, car des clitiques existent qui ne dérivent pas d'un élément lexical, mais ont été ajoutés (par exemple pour des raisons prosodiques ou par analogie avec des phonétisations similaires dans des expression on ne les emploie pourtant pas) sans aucune valeur sémantique par eux-même.

De façon similaire, la particule proclitique de négation ne a perdu sa valeur sémantique propre au profit de la particule enclitique pas (marquant véritablement la négation) ou au profit dautres adverbes ou adjectifs avec lesquels ce proclitique semploie. Dans le langage familier, ce proclitique dorigine archaïque (et normalement obligatoire dans le langage soutenu) tend à être oublié : « Fais pas ça ! » (pour « Ne fais pas ça ! »), parfois en oubliant aussi de mentionner le sujet impersonnel proclitique il, comme dans le faux impératif « Faut pas le faire ! » (pour « Il ne faut pas le faire ! » à lindicatif).

Dans ce cas, le processus de formation modifie la première étape en :

élément non lexical (prosodie par exemple) > clitique > affixe

sans quon puisse attribuer le premier élément à un lexème précis (plutôt ici un ensemble mal défini de morphèmes lexicaux proches).

Cest le cas aussi en français des particules enclitiques verbales de « fausses » liaisons (quon pourrait souvent appeler des pataquès si elles étaient restées fautives) qui ont été gardées car elles jouent aussi un rôle euphonique. Par ex., le -t- dans « Joue-t-il ? » (forme totalement intégrée et devenue obligatoire), ou -z dans « Donne-zen moi ! » (dont la forme traditionnelle, encore employée et recommandée dans le langage soutenu, est «Donne-men ! »). Selon les grammairiens, certaines ces particules sont analysées comme telles, ou bien vues comme formant un mot composé avec le pronom personnel auquel il se lie pour en donner une flexion particulière, lensemble ainsi composé restant une particule unique puisquon ne peut pas les détacher des quelques pronoms auxquels ces particules peuvent se lier.

Pourtant, il reste bien des particules de fausses liaisons dans le langage familier ou populaire, que lon ne transcrit habituellement pas, sauf pour transcrire justement cette façon de parler pleine de pataquès comme :

  • le -t- dans « Ce nest pas-t-à-moi ! » ou le -z- dans « Ce nest point-z-à moi ! » (expressions souvent citées de façon charmante pour expliquer lorigine du mot pataquès)
  • ou encore le z de lexpression populaire « Zy va ! » ( le y est aussi une transformation euphoneuque de il ou ils sur le modèle de la liaison courante de ce dernier, lensemble particule-plus-pronom transformé formant un nouveau pronom populaire employé aussi bien au singulier quau pluriel ; cette forme peut même sabréger en z tout seul au pluriel pour éviter un hiatus dans Zont pour Ils/elles ont, mais dans ce cas ce nest plus une simple particule de liaison euphonique, mais bien la forme élidée de ces pronoms personnels.)
  • ou encore le n dans la phrase comique « Qui nen veut ? »

Dans ces cas, la transformation finale en affixe nest pas réellement réalisée.

Ce dernier exemple rappelle aussi que la particule de négation proclitique ne du français (dorigine lexicale) ne joue plus aucun rôle sémantique (elle est souvent omise dans le langage familier), mais est est conservée uniquement par tradition pour rappeler, à côté du verbe on lemploie, que celui-ci va avoir sa portée réduite par soit une subordonnée (impersonnelle, conjuguée à linfinitif et introduite par que), soit par la véritable négation portée par ladverbe pas (une autre particule, enclitique celle-, formée par analogie grammaticale arbitraire sur le modèle des substantifs qui accompagnaient les particules négatives latines, et sans origine lexicale par elle-même) ou par un autre adverbe ou adjectif à signification réductrice (et non nécessairement clitique) comme rien, jamais, etc.

Dans ce dernier cas du pas français, le processus de formation suit bien un chemin inverse :

affixe > clitique > élément lexical (la dernière étape de formation est bien avancée pour la particule adverbiale enclitique pas en français, même si lorigine de laffixe nest pas justifiée par létymologie mais par la prosodie et le processus général de formation de locutions).

Le latin populaire lui-même a fini par favoriser nettement la conjonction et (lexicale, et non considérée comme clitique, ou alors considérée comme à la fois proclitique et enclitique puisquelle se lie aux deux mots avant et après elle, et conservée en français pour cet usage) au suffixe classique -que (qui a été abandonné en français pour la coordination, mais est à l'origine des conjonctions de subordination indirectes après un adverbe), selon un processus similaire de lexicalisation (et dextension de champ grammatical).

Lien externe

Articles connexes

  • Portail des langues Portail des langues
Ce document provient de « Clitique ».

Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Enclise de Wikipédia en français (auteurs)

Игры ⚽ Нужен реферат?

Regardez d'autres dictionnaires:

  • enclise — ● enclise nom féminin (grec engklisis, inclinaison) Phénomène par lequel une particule, dite enclitique, forme avec le mot qui précède une seule unité accentuelle. ⇒ENCLISE, subst. fém. Phénomène de l existence ou de la genèse d un enclitique. «… …   Encyclopédie Universelle

  • ênclise — s. f. 1.  [Gramática] Emprego de enclítica (ex.: há de). 2.  [Gramática] Junção enclítica. 3.  [Gramática] Colocação do pronome átono depois do verbo (ex.: conjugá lo).   ‣ Etimologia: grego égklisis, eos, inclinação de terreno …   Dicionário da Língua Portuguesa

  • enclise — См. ènclisi …   Пятиязычный словарь лингвистических терминов

  • Accentuation Du Grec Ancien — L accentuation du grec ancien distingue trois accents : aigu (´), grave ( ) et circonflexe (῀) ; ils indiquent une élévation de la voix au niveau de la voyelle frappée par l accent. L accent aigu peut être porté par une voyelle brève ou …   Wikipédia en Français

  • Accentuation du grec — ancien L accentuation du grec ancien distingue trois accents : aigu (´), grave ( ) et circonflexe (῀) ; ils indiquent une élévation de la voix au niveau de la voyelle frappée par l accent. L accent aigu peut être porté par une voyelle… …   Wikipédia en Français

  • Accentuation du grec ancien — L accentuation du grec ancien distingue trois accents : aigu (´), grave ( ) et circonflexe (῀) ; ils indiquent une élévation de la voix au niveau de la voyelle frappée par l accent. L accent aigu peut être porté par une voyelle brève ou …   Wikipédia en Français

  • encliză — ENCLÍZĂ, enclize, s.f. Ataşare a unui cuvânt, a unei silabe sau a altui element neaccentuat la cuvântul precedent; postpunere. – Din fr. enclise, germ. Enklise. Trimis de claudia, 12.06.2004. Sursa: DEX 98  ENCLÍZĂ s. v. postpunere. Trimis de… …   Dicționar Român

  • API ' — Accent tonique L accent tonique, ou accent d intensité, est une augmentation de l intensité de la voix (ainsi que, souvent, une élévation de la hauteur) accompagnant l émission d une syllabe dans un mot, ainsi mise en relief. Sa syllabe (ou une… …   Wikipédia en Français

  • API ˈ — Accent tonique L accent tonique, ou accent d intensité, est une augmentation de l intensité de la voix (ainsi que, souvent, une élévation de la hauteur) accompagnant l émission d une syllabe dans un mot, ainsi mise en relief. Sa syllabe (ou une… …   Wikipédia en Français

  • Accent Tonique — L accent tonique, ou accent d intensité, est une augmentation de l intensité de la voix (ainsi que, souvent, une élévation de la hauteur) accompagnant l émission d une syllabe dans un mot, ainsi mise en relief. Sa syllabe (ou une de ses mores)… …   Wikipédia en Français

Share the article and excerpts

Direct link
https://fr-academic.com/dic.nsf/frwiki/581261 Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”