- Empires gaulois
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Empire des Gaules
Au cours du IIIe siècle, l'Empire romain connut une grave crise, appelée par la tradition Anarchie militaire. Aux invasions barbares s'ajoutèrent dans de nombreuses provinces une crise économique, et au niveau de l'empire une dévaluation importante de la monnaie, une grande instabilité politique doublée de guerres civiles, les empereurs étant le plus souvent désignés par les armées, et mourant assassinés ou au combat.
De la mort de Sévère Alexandre en 235 à l'avènement de Dioclétien en 285, 64 empereurs ou usurpateurs se succédèrent ou luttèrent les uns contre les autres. Parmi eux se trouvent quelques généraux qui prirent le contrôle des Gaules pendant une quinzaine d'années, assurèrent la défense du limes du Rhin et s'intitulèrent Empereur des Gaules.
Sommaire
Les événements
Postume
Marcus Cassianus Latianus Postumus (Postume) est né vers 220, d’origine gauloise selon les uns, ou romaine ayant fait souche en Gaule selon les autres. L'Histoire Auguste affirme qu'il régna 7 ans[1], tandis que ses monnaies montrent que Postume entama une dixième année de règne[2].
Il est avec le futur empereur Aurélien un des principaux lieutenants de l’empereur Gallien. Il s’illustre sur la frontière du Rhin. Lorsque Gallien doit se rendre en Pannonie combattre l’usurpateur Decimus Laelius Ingenuus, il confie son fils Valerianus Salonicus et la défense des frontières rhénanes au tribun Sylvanus et non à Postume.
Postume et Sylvanus s’opposent sur la stratégie de défense et la répartition du butin pris lors d'une expédition contre les barbares. Les troupes de Postume finissent par prendre Cologne et assassiner Sylvanus et le jeune césar. Postume aurait désavoué ce crime, mais Gallien le tient pour responsable et le condamne[réf. nécessaire]. Postume est proclamé « empereur des Gaules » dans l'été 260. Cette date est longtemps restée incertaine. En effet les sources littéraires disponibles pour la période sont en général très brèves et peu fiables, en particulier pour l'Histoire Auguste[3]. L'étude de la numismatique et des synchronismes entre les monnaies des empereurs des Gaules et les monnaies des empereurs romains légitimes ont permis de placer la prise de pouvoir de Postume en 260. Cette date fut confirmée par la publication d'une inscription latine découverte à Augsbourg où le gouverneur de Rhétie, Marcus Simplicinius Genialis célébrait une victoire sur les Semnons Juthunges. L'inscription permet d'observer le ralliement de ce gouverneur à Postume et montre que Postume inaugura son règne en revêtant le consulat. En témoignant aussi des ravages de Juthunges sur les provinces et le nord de l'Italie l'inscription éclaire aussi le contexte très difficile dans lequel prit place la proclamation de Postume : le pouvoir central était affaibli par la capture de Valérien par les Sassanides et les provinces occidentales victimes d'invasions[4]. En prenant Cologne Postume mettait la main sur un atelier monétaire et d'importantes réserves de métaux précieux, il prenait la tête d'un ensemble cohérent de provinces bien armée et prêtes, sous la menace des invasions, à accepter ce pouvoir impérial plus proche qui pouvait sembler plus protecteur.
Ayant repoussé l’invasion germanique (bataille d’Arles contre les Alamans), Postume associe l’Espagne, la Bretagne (Angleterre) et la Germanie romaine à l’Empire gaulois. Il tente de négocier un accord avec Gallien. Gallien ne peut réagir qu’en 264. il envoie une expédition sous les ordres de Manius Acillius Auréolus, mais un de ses officiers Marcus Piauvonnus Victorinus (Victorien) fait défection et se rallie à Postume. Ce dernier élève Victorien à la dignité d’empereur associé. Cette élévation n’est pas du goût des seconds de Postume, et Caius Ulpius Cornelius Laelianus (Lelien) s’insurge. Ses troupes le proclament Auguste.
Postume chasse Lelien de Mayence. Mais ayant refusé le pillage de la ville il est massacré par ses propres troupes en juillet 267[5].
Intermède (267-268 ou 271)
La mort de Postume devait logiquement profiter à Victorien. Mais sur la frontière rhénane, Lélien se maintient pendant six mois avant d’être assassiné par ses propres troupes en janvier 268. Elles se donnent alors un nouveau chef Marc-Aurèle Marius, lequel est soutenu par la propre mère de Victorien, Aurelia Victorina Pia[6]. Marius est assassiné à son tour par son état-major après trois mois de règne[7].
Victorien estime alors que son tour est venu, mais il sera égorgé (en 268 ou 271) à Cologne suite à une affaire privée[8].
Entre temps, en mars 268, Gallien est renversé par un coup d’état à Milan. Il est mis à mort et remplacé par l’empereur Claude II le Gothique. Lassées de l'anarchie régnant en Gaule, certaines régions font défection et se rallient à Claude II: l'Espagne, la Narbonnaise, et même certaines civitas comme les Éduens. Ces derniers cependant ne peuvent être aidés par les troupes de Claude II qui sont venues stationner dans la région de Grenoble sous la direction de Iulius Placidianus, après un long siège la capitale des Éduens, Autun est prise et pillée par l'armée de l'empire gaulois.
C'est aussi vers 271 qu'eut lieu probablement la très brève et très mal connue usurpation de Domitianus.
Tetricus
Caïus Pius Esuvius Tetricus, ou Tetricus[9] est un gaulois de la région de Bordeaux. Il accède à l'ordre sénatorial, puis est nommé gouverneur d'Aquitaine sous Gordien III. Il soutient Victorien. A la mort de ce dernier une assemblée provinciale réunie à Bordeaux l'élit empereur des Gaules[10].
La tâche de Tetricus est compliquée par des défections successives, de nouvelles tentatives d'invasions germaniques, une épidémie de peste et surtout la révoltes des Bagaudes en 270. Tetricus, empereur civil n'est pas un militaire. Il se rapproche de Claude II. Claude II meurt de la peste en avril 270. Aurélien lui succède et des accords secrets sont conclus entre Tetricus et lui. Il doit toutefois s'occuper de soumettre l'empire de Palmyre en 272, avant d'entreprendre la reconquête de la Gaule. En 273, il obtient à Châlons-sur-Marne, la reddition de Tetricus après un simulacre de bataille. Mis d'abord en résidence surveillée, Tetricus recouvrera sa qualité de sénateur romain.
Interprétation historique
Cet "Empire des Gaules" ne peut pas être interprété comme une réaction nationaliste celte ou une révolte indépendantiste contre l'Empire romain. Les empereurs cités sont authentiquement romains, ou plutôt gallo-romains (Tetricus est même sénateur), et agissent comme l'empereur légitime qui règne à Rome : ils nomment des consuls, prennent les mêmes titres que l'empereur à Rome, frappent des monnaies romaines, avec sur les revers de celles de Postume une dévotion marquée à Hercule[11].
Dans la crise du IIIe siècle, la création improvisée de cet Empire des Gaules est initialement due à l'impossibilité pour Gallien de mater l'usurpation de Postume, qui lui-même ne put venir l'affronter en Italie, chacun étant engagé dans la lutte contre les raids barbares. L'Empire des Gaules persista ensuite grâce à une tolérance mutuelle plus ou moins convenue tacitement et imposée par la pression des barbares, à l'avantage de l'Empire romain : chacun, empereur en Gaule ou empereur en Italie, défendait un secteur de l'Empire contre les invasions, et s'abstenait (ou ne pouvait) mener une offensive contre l'autre. Une fois la situation militaire rétablie sur le Rhin et le Danube, l'Empire des Gaules n'opposa avec Tétricus qu'une résistance minime, voire symbolique, contre Aurélien, et la réunification de l'Empire romain s'opéra sans difficulté.
Emissions monétaires gauloises
L’étude des monnaies des « empereurs gaulois » apporte des corrections notables aux indications des sources littraires. Elle donne aussi des précisions sur l’évolution financière du secteur gaulois[12].
La Gaule comme le reste de l’empire subissait la crise financière, causée par l’augmentation des dépenses militaires, la limitation des recettes fiscales et le manque de numéraire. Dès Caracalla, au tout début du IIIème siècle, puis à partir de Gordien III, les empereurs avaient réagi en frappant massivement une monnaie d’argent dévaluée, le double denier ou antoninien. L’augmentation temporaire de liquidités ainsi obtenue était rapidement annulée par l’inflation engendrée en réaction à la circulation d'une monnaie de moindre qualité.
Selon l’habitude impériale, Postume marqua son avènement par des gratifications à ses soldats ( donativum ). La Gaule connaissait la crise financière comme le reste de l’empire, mais Postume put profiter de l’important stock de monnaies de l’armée du Rhin et des mines d’argent d’Espagne pour ouvrir des ateliers monétaires à Trèves et à Cologne, refondre les monnaies antérieures et produire en abondance des monnaies à son effigie et de meilleure qualité que celles émises par Gallien en Italie. Il tente aussi d’accroitre ses moyens de paiement en créant un double sesterce, légèrement plus lourd que le sesterce classique (22 grammes contre 20 grammes) et reconnaissable par la couronne portée par Postume (couronne laurée sur le sesterce, couronne radiée sur le double sesterce). L’émission de ce double sesterce cesse dès 262, ce qui est un constat d’échec.
La spirale inflationniste pousse à l’accroissement massif du volume des émissions monétaires et contraint à partir de 265 à diminuer le poids des monnaies et la qualité des alliages. La production de monnaies imitées aggrave le phénomène : des ateliers secondaires produisent de telles quantités de faux antoniens et de fausses monnaies en bronze que les spécialistes débattent sur la nature de ces ateliers. Selon Georges Depeyrot, la production est trop abondante pour que tous soient des faussaires clandestins, les empereurs ont du tolérer des ateliers plus ou moins licites suppléant aux besoins monétaires locaux[13].
Les troubles qui suivent la chute de Postume et celle de Gallien produisent en Gaule et dans le reste de l’Occident le même effondrement monétaire : sous Tétricus et sous Claude II, les volumes d’émissions officielles et de copies explosent et l’antoninien ne contient pratiquement plus d’argent. En 274, Aurélien ferma l’atelier monétaire de Trèves et le transféra à Lugdunum, mais la pénurie de numéraire en Gaule fit durer la production des imitations jusqu’à la fin du IIIe siècle.
Galerie d'antoniniens
Bibliographie
- J. Lafaurie, "l'Empire Gaulois", ANRW II, 2, New York, 1975 (très long article fondamental analysant toutes les sources connues à l'époque)
- M. Christol, L'Empire romain du troisième siècle, Paris, 2006.
- Maurice Bouvier-Ajam, Les Empereurs gaulois, Éd.Tallandier - 1984.
Voir aussi
Notes et références
- ↑ Histoire Auguste, les Trente Tyrans, III
- ↑ Un revers de monnaie de Postume (référencée Cohen 364 [1]) indique clairement qu’il a régné jusqu’à sa dixième puissance tribunicienne et son 5e consulat (TR. P. X COS V P.P.) et eut les vœux de la [[Victoire (allégorie)|]] pour doubler la durée de son règne (VOT XX)
- ↑ Histoire Auguste, traduction et commentaires critiques de André Chastagnol, éditions Robert Laffont, 1994, (ISBN 2-221-05734-1)
- ↑ Michel Christol, L'empire romain du IIIème siècle, Paris, Errance, 2006, pp.141-143
- ↑ Selon l’Histoire Auguste, Postume avait un fils, Postume le Jeune qu’il avait élevé au rang de césar et qui est assassiné en même temps que lui
- ↑ Citée par l’Histoire Auguste, l’existence même de Victorina est contestée par certains historiens
- ↑ L’Histoire Auguste et Eutrope, X, 9, 2 le créditent de 3 jours de règne, durée totalement incompatible avec ses émissions monétaires relativement nombreuses. Les historiens modernes estiment donc son règne à deux ou trois mois
- ↑ selon l’Histoire Auguste, Victorinus est tué par un de ses officiers vengeant le viol de sa femme
- ↑ l'Histoire Auguste lui prête un fils Tetricus II le Jeuneproclamé césar sans régner. Mais la similitude de destin avec les fils de Posthume et Victorien rend le fait peu crédible.
- ↑ En décembre 268 selon certain; en 271 selon d'autres, la chronologie de cette période étant assez floue. Dans l'un et l'autre cas, peut-être à l'instigation de Victorina.
- ↑ Roger Remondon, La crise de l’Empire romain, PUF, collection Nouvelle Clio – l’histoire et ses problèmes, Paris, 1964, 2e édition 1970
- ↑ Georges Depeyrot, La monnaie romaine : 211 av. J.-C. - 476 apr. J.-C. , Editions Errance, 2006, 212 Pages, (ISBN 2877723305), pp 147-150
- ↑ Par exemple l’atelier trouvé à Châteaubleau (Seine-et-Marne), cf ouvrage précité de Georges Depeyrot
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