Emaux cristallins

Emaux cristallins

Emaux cristallins

Les émaux cristallins sont des émaux céramiques à motifs de cristaux obtenus par une technique particulière d'émaillage.

Pichet en grès de Pierrefonds, vers 1930
Détail de la glaçure à cristallisations

Sommaire

La technique

Elle consiste à faire monter le four à de très hautes températures entre 1250 °C et 1300 °C pour fondre l'ensemble des composants de l'émail recouvrant la pièce céramique. La descente en température se fait alors très graduellement; l'émail devenu liquide à la montée se solidifie et forme des cristaux. L'ajout de zinc ou de rutile favorise l'apparition de cristaux, parfois de grande taille.
Les cristaux formés sont en général du Zn 2SiO2. Il se dépose donc atome par atome autour d'un noyau et se cristallise naturellement en forme de fleurs ou de flocons de neige sur les pièces émaillées.
Pour que le résultat soit intéressant, il faut que la matière située autour du cristal se solidifie sous forme vitreuse (non cristallisée). On obtient alors par exemple un cristal bleu de nickel entouré d'une matière vitreuse jaune.
Ce phénomène peut être rapproché du processus qui produit en hiver de magnifiques cristaux de glace sur le pare-brise d'une voiture.

La maîtrise du procédé des émaux cristallins est complexe et nécessite de longues années de travail. Le résultat est toujours aléatoire et la cristallisation commencera sur des anomalies de surface ou des particules non fondues. Une conduite à peine différente du four et le résultat s'en trouve bouleversé.
Certains céramistes vont opérer plusieurs cuissons, avec le risques de tout remettre en jeu, pour obtenir soit plusieurs couleurs soit pour ajouter des émaux traditionnels.
D'autres attaquent à l'acide la nouvelle couche pour obtenir des jeux de formes et de couleurs avec la ou les couches inférieures. Il est possible également de mettre une protection pour interdire la dépose d'un nouvel émail lors d'une nouvelle cuisson.
Certains céramistes, comme les frères Mougin, sont devenus les maîtres absolus de ces superpositions.

Il n'existe encore aucun musée consacré à cette technique.

Céramiques de la manufacture Ruskin - Grande Bretagne

Historique

La technique des émaux cristallins aurait été mise au point par les chinois. Elle est redécouverte vers les années 1870 par les manufactures européennes au cours de recherches sur les émaux métalliques.
Dès 1880, Copenhague et Sèvres[1] sont les premières manufactures à produire de telles pièces. En 1900, les principes fondamentaux de cette technique sont parfaitement connus et maîtrisés.
Cette technique va se diffuser très lentement. Elle est pratiquée aujourd'hui dans tous les pays avec une prédominance des américains, anglais et australiens.

Les céramistes et manufactures ci-après ont contribué, par leur inventivité ou leur originalité, à l'essor historique de cette technique.

En Angleterre

  • Ruskin
  • Bernard Moore

En France

Grands cristaux sur porcelaine "Rouge de Rouge flammé" par Denis Caraty - Cristaux de willémite argentés (Nickel) sur fond coloré (Fer-Cadmium-Praséodyme) en cuisson oxydante à 1260°C
nucléations ocre-brun à la cendre sur couverte au cobalt et goutte d'huile - Daniel de Montmollin

XIXe siècle:

  • Pierre-Adrien Dalpayrat à Bourg-la -reine. Très grand chimiste et spécialiste des émaux, il a développé cette technique avec de belles réussites.
  • Les frères Mougin Joseph et Pierre, issus de l'école de Nancy. Ils produiront de telles pièces à partir de 1905.
Leur oeuvre marie à la perfection la technique et l'innovation artistique. Leurs créations, dans l'esprit de l'Art nouveau, restent inégalées et inimitées. Beaucoup d'artistes dont Géo Condé sont passés dans leur établissement.
  • Alfred Renoleau à Angoulème s'y est également essayé pour des productions plus simples mais qui ne manquent pas d'intérêt.
  • La manufacture de Grès de Pierrefonds, comme Denbac à Vierzon, est probablement celle qui a produit le plus grand nombre de pièces cristallines.
  • Gilbert Méténier à Gannat compte parmi les acteurs les plus importants du centre de la France.

XXe siècle et époque contemporaine:

  • Certains céramistes ont constaté que les émaux cristallins pouvaient donner une "peau de chat" aux vases. De longues années de recherches avec une alchimie savante et l'utilisation de baryum ont ainsi permis à Yves Lambeau de fabriquer des pommes de velours à la douceur inégalée pour une poterie.
  • Didier Bellamy à Cluny a poussé d'intéressantes recherches pour comprendre la variation des formes obtenues par la cristallisation. Ses pièces sont étonnantes par la profondeur de la glacure obtenue, effacant le coté rugueux du métal.
  • Alain Fichot, travaillant sur les changements d'atmosphère à la descente en température, obtient des rouges de cuivre cristallisés.
  • Daniel de Montmollin, céramiste reconnu, travaille sur des émaux qui présentent un phénomène aléatoire. Ces "nucléations", qui font penser à des cristallisations, sont obtenues avec de la cendre de foin et du titane.
  • Jean Girel, par ailleurs historien hors pair des émaux, a développé une oeuvre personnelle qui illustre la diversité des techniques de l'émail céramique.
  • Denis Caraty, Céramiste, a developpé des glaçures cristallines sur fonds rouges flammés intenses jusque là inégalées. Ses travaux sont visibles sur le site Grands cristaux sur Porcelaine.

Au Danemark

Aux Pays Bas

  • Hein Severijns, Céramiste de renom (province du Limbourg), spécialiste des glaçures cristallines mates au baryum sur des formes tournées en porcelaine qui sont souvent des vases au cols élancés fins et étroits. Ses glaçures aux couleurs tendres ont un toucher extrêmenent doux et soyeux.

Au Etats-Unis

"Mother", Vase couvert en porcelaine tournée avec glaçure cristalline au baryum par John Tilton
  • Rockwood
  • Pisgah Forest
  • Fulper
  • Seagrove
  • Dover
  • John Tilton, Alachua (Floride), spécialiste des cristallisations mates au baryum sur pièces de formes tournées en porcelaine et cuites à cône orton 9-10 (1290°C environ). Il modifie les couleurs de ses émaux cristallisés par l'effet réducteur du monoxyde de carbone en four à gaz[2].

Au Canada

  • Bill Boyd, Galiano island (Colombie Britannique), spécialisé dans les glaçures cristallines aux silicates de zinc cuites à cône orton 9 (environ 1280°C) et maintenues en palier entre 1000 et 1100°C pendant 3 à 5 heures. Il modifie la couleur de certaines glaçures par réduction. Ses pièces uniques sont obtenues par tournage de porcelaine ou de grès[3].

Bibliographie

  • Vocabulaire technique de la Céramique, ouvrage collectif, éditions du patrimoine, 2001, ISBN 2-85822-657-1

Notes

  1. Les glaçures à cristallisations sont signalées pour la première fois dans le mémoire sur les couvertes publié en 1888 par Laught et Dutailly. (Manufacture nationale de Sèvres)
  2. Travaux de John Tilton
  3. Travaux de Bill Boyd

Articles connexes

Liens externes

{en} Techniques de production des glaçures à cristallisations

  • Portail de la céramique Portail de la céramique
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