ENGELBERT MVENG, 1930-1995

ENGELBERT MVENG, 1930-1995

Engelbert Mveng

Engelbert Mveng, né le 9 mai 1930, à Enem Nkal, près de Yaoundé (Cameroun) et décédé le 22 avril 1995 à Yaoundé (Cameroun), était un prêtre jésuite Camerounais, auteur créatif et prolifique dans diverses disciplines telles que l’art, l’histoire, l’anthropologie et la théologie. Comment ne pas présenter en quelques points ses intuitions pour la marche de l’humanité négro-africaine ?

Sommaire

Enfance et formation religieuse

Né dans une famille presbytérienne mais baptisé dans l’Eglise catholique, E. Mveng a reçu une éducation chrétienne de ses parents. Son intelligence a été remarquée par le Père Herbard qui l’a envoyé au Pré-Séminaire d’Efok (Cameroun) de 1943 à 1944. L’étape suivante du cheminement scolaire du jeune Engelbert l’a conduit au Petit Séminaire d’Akono (1944-1949).

Après une année d’études au Grand Séminaire de Yaoundé, il y a été admis comme stagiaire où il a enseigné le latin et le grec. Désireux de s'engager dans la vie religieuse, E. Mveng veut d’abord se faire trappiste. Mais il en est dissuadé par Mgr Graffin, qui l’informa de la présence des Jésuites au Congo Belge. Il s’est donc rendu en 1951 au noviciat Jésuite de Djuma. En Belgique, E. Mveng a poursuivi des études philosophiques (débutées à Djuma) à Wépion en Belgique entre 1954 et 1958, puis à Paris.

A la suite de ses études de philosophie, il a été envoyé comme stagiaire au Collège Libermann (1958-1960) de Douala (Cameroun). Ce séjour au pays natal fut une découverte de l’art et de l’histoire de son pays. Il s’est rendu en pays bamiléké et bamun pour découvrir l’art de ces contrées.

Au terme de ce stage, E. Mveng a rejoint la France pour ses études de théologie (à Chantilly et Lyon-Fourvière) à la fin desquelles il a été ordonné prêtre le 7 septembre 1963. Le premier Jésuite camerounais a soutenu en 1964 une thèse de 3ème cycle en histoire intitulée Paganisme face au christianisme dans la correspondance de Saint Augustin. Plus tard E. Mveng a soutenu une thèse d’Etat en histoire, en 1970, Les sources grecques de l’histoire négro-africaine depuis Homère jusqu’à Strabon. Il a enseigné l’histoire à l’Université de Yaoundé.

Homme de grande culture, E. Mveng a activement participé au Festival des Arts de Dakar (1966). Son enracinement culturel a été au service de l’Eglise. C’est ainsi qu’il a publié un chemin de croix en 1962. Il a également été cofondateur d’une congrégation religieuse d’inspiration africaine: Les Béatitudes.

E. Mveng s’est impliqué dans le fonctionnement de plusieurs associations intellectuelles. Il a par exemple été Vice-président de l’Union des Ecrivains du Monde Noir. Il a également occupé le poste de Secrétaire Général du mouvement des Intellectuels Chrétiens Africains (MICA). Il a travaillé au regroupement des théologiens africains au sein de l’Association Œcuménique des Théologiens Africains (AOTA) dont il a été le Secrétaire Général. Il aurait sans doute continué ses multiples réflexions et productions artistiques si des forces négatives ne l’avaient soustrait à la vie. En effet, E. Mveng a été retrouvé assassiné le 23 avril 1995 à son domicile de Yaoundé. Justice et lumière n’ont jamais étés faites.

Mveng, le théologien

La problématique théologique du Père Mveng s'articule autour de la pertinence du donné révélé en contexte africain marqué par une longue tradition de servitude et de mépris. Comment dire "Dieu" dans un tel contexte? Ne faut-il pas voir en la théologie une discipline systématique et scientifique en vue d'édifier un discours sur la révélation en contexte africain. La théologie doit collaborer avec les sciences humaines pour rejoindre l'africain dans son contexte et dans sa culture. Chez le Père Mveng, cette interdisciplinarité associe l'histoire, l'art, l'anthropologie et la théologie.

Le Père Mveng emploie comme méthode théologique la contextualisation (le discours théologique africaine part d'une situation historico-culturelle propre à l'Afrique) et l'inculturation (témoigner de la foi dans la contexte culturel africain) de la révélation chrétienne en Afrique. Il insiste également sur une lecture africaine de la Bible afin de libérer l'Africain de tout ce qui entrave son épanouissement. C'est pourquoi la thématique majeure du Père Mveng, en plus d'être une théologie de la libération, est centrée sur une théologie de la vie, vie qui triomphe des forces de mort. Au terme de cette introduction à la théologie de Mveng, quelques questions demeurent, peut-on lui reconnaître le statut de théologien? La théologie africaine peut-elle se passer de collaborer avec les sciences humaines?

La théologie de la vie peut être déduite du" langage symbolique de l'art", du langage symbolique de la liturgie, qui mettent en scène, en mouvement, en images, en couleurs, le drame fondamental et de la mort. Cela s'illustre merveilleusement dans le Chemin de Croix de l'auteur qui déploie sur un fond de couleurs de circonstances, la passion du Christ. A l'image du monde, en l'homme, s'affrontent la vie et la mort; la mission de l'homme "est d'identifier les alliés de la vie, de les gagner à sa cause, et d'assurer ainsi sa survie qui est en même temps la victoire de la vie. "

La spiritualité de la libération a ses racines en Egypte pharaonique. C'est en Egypte qu'est née la plus ancienne et la seule religion dont le dogme enseigne la victoire de la vie sur la mort. La morale pharaonique annonce le Décalogue et la Bonne Nouvelle des Béatitudes. Isis et Osiris ont enseigné la vérité sur l'homme, sur le monde, et sur l'au-delà. Ils ont enseigné à l'homme l'art de vaincre la mort, la praxis de la libération. C'est dire que la réflexion théologique sur la libération trouve ses fondements historiques et épistémologiques en Egypte pharaonique. La spiritualité de la qu'apporte l'évangile conduit aux Béatitudes. La spiritualité des Béatitudes célèbre le triomphe de la vie sur la mort, de l'amour sur la haine, de liberté sur la servitude. La spiritualité des Béatitudes invite au discernement, le chrétien devrait être un éternel contestataire. Cela lui donne d'être un éternel contestataire et d'être un prophète.


Mveng et l’art

« L’art traditionnel africain est l’œuvre de créativité du génie négro-africain ; à travers cette œuvre, l’homme exprime sa vision du monde, sa vision de l’homme et sa conception de Dieu» . L’art se vit et s’exprime dans la musique, la danse, et la poésie. En outre, l’art est un langage cosmologique, anthropologique et liturgique. En tant que langage liturgique l’art est « expression de la célébration cosmique, des mystères divins par l’homme dans sa fonction proprement sacerdotale» . Une meilleure vision de l’art d’Afrique selon Mveng est contenu dans son ouvrage clé, L’art d’Afrique noire. Liturgie cosmique et langage religieux.


Mveng et l’histoire

L’histoire chez Engelbert Mveng se décline comme discours de l’homme africain qui communique à ses semblables ce qu’il a recu, et il le transmet ; l’histoire a une double orientation chez Mveng ; elle est à la fois, histoire d’Afrique Noire en général et du Cameroun en particulier ; a cet effet, Mveng cherche les sources dans un travail colossal, Les sources grecques de l’histoire Africaine,depuis Homère jusqu’à Strabon. Il a publié la première histoire de son pays. Son travail est présent dans Histoire du Cameroun. Ensuite, dans le cadre de l’histoire, Mveng est historien de l’Eglise du Cameroun dont il cherche les sources.


Oeuvres principales

  • L’ art et l’artisanat africains, Yaoundé, Clé, 1980.
  • Les sources grecques de l’histoire négro-africaine depuis Homère jusqu’à Strabon, Paris, Présence Africaine, 1972.
  • Balafons : Poèmes, Yaoundé, Clé, 1972.

Ouvrages théologiques

  • L’Art d’Afrique noire. Liturgie cosmique et langage religieux, Paris Mame,1964, 159 p.
  • L’Afrique dans l’Eglise. Paroles d’un croyant, Paris, L’Harmattan, 1985, 228 p.
  • Spiritualité et libération en Afrique, (dir.), Paris, L’Harmattan, 1987, 123 p.
  • En collaboration avec Lipawing (B.L.), Théologie libération et cultures africaines. Dialogue sur l’anthropologie négro-africaine, Yaoundé/ Paris, Clé/ Présence Africaine, 1996, 232 p.
  • The Jerusalem Congress on Black Africa and the Bible, April 24-30 : proceedings/edited by E. Mveng, R.J.Z.,Weblosky.
  • Colloquium on civilization and Education, Lagos, 17th-31st january, 1977, Editors, A.U. Iwara, E. Mveng.

Articles

  • « L’art camerounais », Abbia, n. 3, septembre 1963, p. 3-24.
  • « Signification du premier Festival Mondial des Arts Nègres », Abbia n. 12-13, p. 7-11.
  • « Les sources de l’histoire du Cameroun », Abbia n. 21, p. 38-42.
  • « Archéologie Camerounaise, découverte des Poteries à Mimetala », Bulletin de l’Association Française pour les Recherches et Etudes Camerounaises, Bordeaux, 1968, tome 3, p. 39-41
  • « Les survivances traditionnelles dans les sectes chrétiennes africaines » in Cahiers des Religions Africaines, (7/13), 1973, p. 63-74.
  • « Christianity and the religious Culture of Africa » in Kenneth Y. Best (ed.),

African challenge, Nairobi, Transafrica Publishers, 1975, p.1-24.

  • « A la recherche d’un nouveau dialogue entre le christianisme, le génie

culturel et les religions africaines actuelles » in Présence Africaine, (95), 1975, p.443-466.

  • « De la sous-mission à la succession » in Civilisation noire et Eglise

Catholique, Colloque d’Abidjan, 12-17 septembre 1977, Paris/ Abidjan/Dakar, Présence Africaine/ Les Nouvelles Editions Africaines, 1978. p. 267-276.

  • « Essai d’anthropologie négro-africaine : la personnalité humaine… » in Cahier des religions africaines, (12), 1978, p.85-96.
  • « L’art d’Afrique noire, liturgie cosmique et langage religieux » in Bulletin de Théologie Africaine, (1), 1979, p. 99-103.
  • « Christ, Liturgie et culture » in Bulletin de Théologie Africaine, (2/4),1980, p.247-255.
  • «Théologie et langages» in Revue africaine de théologie, (10/20), octobre1986, p. 191-208.
  • « Religion, paix et idéologie » in Cahier des Religions africaines, (18/36),juillet 1984, p. 167-177.
  • « La théologie africaine de la libération » in Concilium (219), 1988, p. 31-51.

« Engelbert Mveng : Pauvreté anthropologique et christianisme » in Golias, (36), 1994, p. 149-151.

  • « Un concile Africain est-il opportun ? » in Golias (35), 1994, p. 80-87.
  • « De la mission à l’inculturation » in Inculturation et conversion.

Africains et Européens face au synode des Eglises d’Afrique (NDI-OKALA, J., dir.), Paris, Karthala, 1994, p. 11-19.

  • « African theology. A methodological approach » in Voices from the third

world, (XVIII/1), 1995, p. 106-115.

  • «Moïse l’Africain» in Cameroon Tribune, 06 Février 1995.

Bibliographie

Livres

  • Messina (J.-P.), Engelbert Mveng. La plume et le pinceau. Un message pour

l’Afrique du IIIème millénaire (1930-1995), Yaoundé, Presses de l’U.C.A.C., 2003, 191 p. Lopes, (F.), Le radici del pensioro africano : il dialogo tra la filosofia della storia in Engelbert Mveng, Torino, L'Harmattan, Italia, 2006

  • La communauté des scolastiques jésuites de la Province de l’Afrique

Occidentale. Faculté de philosophie St Pierre Canisius Kinshasa, RDC, Père Engelbert Mveng SJ : un pionnier. Recueil d’hommages à l’occasion du dixième anniversaire de sa mort, Kinshasa, Editions Loyola-Canisius, 2005, 158 p.

Articles

Elenga (Y.C.), « Engelbert Mveng (1930-1995) L’invention d’un discours théologique» in La communauté des scolastiques jésuites de la Province de l’Afrique Occidentale. Faculté de philosophie St Pierre Canisius Kinshasa, RDC, Père Engelbert Mveng SJ : un pionnier. Recueil d’hommages à l’occasion du dixième anniversaire de sa mort, Kinshasa, Editions Loyola-Canisius, 2005, p. 127-141. Hebga (M.P.), « Engelbert Mveng: a pioneer of African Theology » in Bujo (B.), Ilunga Muya ( J.) (eds.), African Theology. The Contribution of the Pioneers, Nairobi, Paulines Publication Africa, 2003, p. 39-46. Ndi Okala (J.P.), « The Arts of Black Africa and the project of a Christian art», in Missions Studies,Vol. XII-2, 24, 1995, 277-284 Poucouta (P.), «Engelbert Mveng : une lecture africaine de la Bible» in Nouvelle Revue Théologique, (120/1), janv.-mars 1998, p. 32-45. Yamb (G.), « L’Afrique d’Engelbert Mveng et de Christophe Munzihirwa » in Telema, (100), oct.-déc. 1999, p. 72-73. Yamb (G.), « La christologie africaine de la libération chez Mveng » in La communauté des scolastiques jésuites de la Province de l’Afrique Occidentale.Faculté de philosophie St Pierre Canisius Kinshasa, RDC, Père Engelbert Mveng SJ : un pionnier. Recueil d’hommages à l’occasion du dixième anniversaire de sa mort, Kinshasa, Editions Loyola-Canisius, 2005, p 115-125.

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